Pourquoi diffuser le droit et la jurisprudence, et rendre l'accès aux décisions de justice gratuit et libre ?
Imaginez que dans votre tribu un jour votre chef s'exclame :
« - J'ai décidé d'une règle de droit qui s'applique dorénavant à chacun d'entre vous. Ceux qui ne la respecteront pas connaîtront de grandes infortunes, et encourront peines et tourments.
- Chef, nous apprendras-tu quelle est cette règle que dans ta gloire éternelle, tu imaginas ? Pour la respecter, la connaître n'en est-il point le préalable nécessaire ? »
Habileté et ruse, se joignant alors en une seule personne, placeraient en la bouche de ce généreux timonier ces phrases :
« - Et pour quel motif supérieur vous la livrerais-je ? Suis-je celui sur qui la menace pèse ? ... Mais, puisque mes lumières sacrées vous sont utiles ... Cette règle, ne suis-je pas déjà magnanime de vous en avouer l'existence ? C'est ainsi qu'au lieu de vous l'enseigner, maigres, infâmes et ingrats que vous êtes, je vous la vendrai. N'y accèdera que celui qui s'acquittera envers moi de l'une de ses icônes sacrées ou d'un billet de cent balles. »
Ou celles-ci :
« - Cette règle, je l'ai confiée à notre Grande Pythie qui en sera désormais l'exclusive et unique détentrice. Rassemblez vos possessions, et donnez-lui sa pitance d'icônes sacrées et de billets de cent balles ; priez fort Mercure, Ferraille, Espèce ou Chèque, et elle vous l'interprétera. »
A ces mots, porté(e) par un élan du coeur indescriptible, vous lui lanceriez aussitôt (au choix) :
« Chef vénéré, nous te remercions de partager avec nous autres ton savoir infini et visionnaire. »
« Chef adoré, ces mots t'honorent et attisent encore notre foi inébranlable en toi. »
« Ô Dieu terrestre, ta légendaire grandeur d'âme n'a d'égale que la beauté des pousses de vigne, au matin où éclosent ses fleurs éphémères, 110 jours avant la vendange. »
Et en vous-même, vous penseriez plutôt (au choix) :
La même chose.
« Chef vénéré, tu es juste et bon. Voilà une bien faible redevance à verser, pour me faire accéder à un savoir si précieux et si déterminant pour ma vie. »
« Chef adulé, par tes fins calculs, le droit si complexe devient d'une arithmétique simplicité : comme moins par moins fait plus, à chacune de tes injustices, tu en ajoutes une autre, et tes deux injustices s'annulent. Pouvoir, mathématique et magie s'imbriquent et tu fais justice. Qui ne voudrait d'un chef comme toi ? »
« Chef honoré, tu es un voleur, et ta Pythie en guise d'oracles ne nous livre en échange de nos redevances bénies que ce qui nous appartient déjà. Puisque tu sembles seul à désirer qu'elle guide ton chemin, nourris-là donc sur ton propre pain. »
« Puissé-je vivre ailleurs que dans une tribu si insensée, que le simple accès à l'ensemble des droits, des libertés et des contraintes dont je suis revêtu et qui sont énoncés par un autre, me coûte de bien décourageants efforts. Lors même qu'il me suffirait d'un miroir pour la distinguer, il me faut déployer des trésors pour connaître même la couleur de mon habit. »
Le juge explique la loi : l'écho de ses lumières ne doit-il pas parvenir à tous ?
La jurisprudence comme toute la documentation juridique doit être libre, ouverte, gratuite et collaborative.