Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n°2016-1057 du 3 août 2016

Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n°2016-1057 du 3 août 2016

relative à l'expérimentation de véhicules à délégation de conduite sur les voies publiques
JORF n°0181 du 5 août 2016

Monsieur le Président de la République,
Le IX de l'article 37 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte habilite le Gouvernement, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnance « toute mesure relevant du domaine de la loi afin de permettre la circulation sur la voie publique de véhicules à délégation partielle ou totale de conduite, qu'il s'agisse de voitures particulières, de véhicules de transport de marchandises ou de véhicules de transport de personnes, à des fins expérimentales, dans des conditions assurant la sécurité de tous les usagers et en prévoyant, le cas échéant, un régime de responsabilité approprié », étant précisé que « la circulation des véhicules à délégation partielle ou totale de conduite ne peut être autorisée sur les voies réservées aux transports collectifs, sauf s'il s'agit de véhicules affectés à un transport public de personnes ».
La feuille de route du plan industriel « Véhicule Autonome », présentée le 2 juillet 2014 par Carlos Ghosn, au comité de pilotage des plans de la Nouvelle France Industrielle, vise à faire de l'industrie française de l'automobile et du transport routier une des pionnières dans la conception du véhicule autonome pour tous. Elle traduit l'ambition que la France soit reconnue comme une terre d'expérimentation du véhicule autonome, un centre d'excellence de l'intelligence embarquée et un leader en sécurité des systèmes complexes.
Le véhicule autonome participe de l'amélioration de la sécurité routière, de la diminution de la congestion du trafic, de l'accessibilité des territoires, composante majeure de leur attractivité et de leur dynamisme, et de la mise en œuvre du droit au transport pour tous et, de manière générale, de l'amélioration de la qualité de vie.
Le plan industriel « Véhicule Autonome » est construit autour de six axes prioritaires dont l'axe 5 « Faire évoluer le cadre réglementaire et normatif en vue de l'expérimentation puis de la mise sur le marché du véhicule autonome ». Les deux actions associées à cet axe, « Faire évoluer le cadre réglementaire et normatif en vue de l'expérimentation » et « Faire évoluer le cadre réglementaire et normatif en vue de la mise en œuvre sur le marché », sont pilotées par le groupe interadministration composé de la direction générale des entreprises (ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique), de la délégation à la sécurité et à la circulation routières et de la direction générale de la gendarmerie nationale (ministère de l'intérieur), de trois directions du ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer (direction générale de l'énergie et du climat, direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, et direction des affaires juridiques) et de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information, en lien avec les acteurs industriels.
Dans le prolongement des travaux de recherche et développement en laboratoire et sur sites dédiés fermés à la circulation publique, les essais de véhicules autonomes sur route ouverte à la circulation publique sont nécessaires pour valider leur niveau de sécurité, tester leur acceptabilité sociale, étudier leur intégration dans le système de transport existant, évaluer leurs performances. Le cadre législatif et réglementaire devait donc évoluer pour permettre ces expérimentations en tenant compte des exigences de la sécurité routière, des normes et standards existants et à venir et des retours d'expériences.
Afin de faciliter la mutualisation des résultats d'expérimentations, la feuille de route prévoit l'élaboration de standards et de normes relatifs aux essais ainsi que la proposition de standards et de normes pour les composants, les véhicules et les tests, en lien avec l'AFNOR et l'ISO en vue de la mise sur le marché.
Un « véhicule autonome » au sens de la feuille de route du plan « Véhicule Autonome » est un véhicule intégrant des dispositifs lui permettant d'assurer tout ou partie des tâches de conduite. Cela correspondant à un niveau d'automatisation au regard de la nomenclature SAE (1) entre le niveau 2 (automatisation partielle) et le niveau 5 (automatisation complète). Un véhicule sans conducteur intègre des dispositifs lui permettant d'assurer l'ensemble des tâches de conduite avec le niveau d'automatisation le plus élevé.
La loi du 17 août 2015 susmentionnée, quant à elle, introduit la terminologie de « véhicule à délégation partielle ou totale de conduite » (VDPTC) pour, d'une part, faire référence à ces technologies d´automatisation avancées du véhicule et, d'autre part, mettre en avant le changement fondamental de nature de l'acte de conduire.
Les expérimentations de véhicules à délégation de conduite pour des usages divers se multiplient au niveau international : engins de chantier dans des mines et des carrières en Australie, véhicules particuliers sur routes ouvertes à la circulation en Californie et au Japon et sur une portion d'autoroute aménagée en Allemagne.
En France, au-delà de démonstrations sur des sites privés (à l'occasion de foires-expositions ou de congrès par exemple), un premier marché pour les navettes autonomes se dessine avec des projets de dessertes internes de sites industriels (exemple : desserte interne du site EDF de la centrale nucléaire de Civaux).
Sur les routes ouvertes à la circulation publique, là où se situe l'enjeu industriel et sociétal majeur, des véhicules à délégation de conduite ont également été testés en France. Ainsi, dans le cadre du septième programme cadre de recherche et de développement, le projet CATS avait pour objectif de tester, entre 2010 et 2014, des systèmes de transport adaptés à la desserte de zones périurbaines peu denses, difficiles à desservir par des systèmes classiques, à Illkirch (France), Formello (Italie) et Ploesti (Roumanie). A Illkirch, il s'agissait plus précisément de véhicules électriques autonomes pouvant transporter jusqu'à huit personnes (un « groom » conducteur et 7 passagers), créés par société INDUCT (désormais NAVYA), et pouvant être utilisés selon trois modes : navette semi-collective, libre-service ou convoi.
Plusieurs expérimentations se sont déroulées à La Rochelle dans le cadre des projets européens (2). Lors de la dernière, des minibus électriques sans conducteur, construits par la société ROBOSOFT et exploités par la société PROXIWAY, ont transporté des passagers sur une distance de 1,6 km en circulant sur des voies publiques à la vitesse de 15/20 km/h.
Durant le congrès mondial des systèmes de transports intelligents à Bordeaux du 5 au 9 octobre 2015, plusieurs démonstrations de VDPTC sur route ouverte ont été organisées pour la première fois :

- deux démonstrations de navettes de transport de passagers présentées l'une par la société NAVYA, l'autre par la société EASYMILE ;
- deux démonstrations de conduite automatique sur un circuit prédéfini de type urbain peu dense, présentées l'une par l'IRT VEDECOM, l'autre par la société AKKA ;

- une démonstration de suivi de voie automatique sur voie rapide urbaine présentée par la société VALEO.

Depuis ce congrès mondial, de nouvelles expérimentations se sont déroulées ou sont en cours avec, notamment, des tests intensifs sur autoroute de fonctions automatiques de suivi de voie, de régulation de vitesse et de dépassement par les sociétés PSA-Peugeot-Citroën, Renault et VALEO et de nouvelles expérimentations de navettes de transports de passagers autonomes à Sophia-Antipolis (EASYMILE) et à Lyon (expérimentation NAVYA qui vient d'être autorisée).
Les premières expérimentations ont pu rencontrer des difficultés juridiques et pratiques : nécessité de clarifier la situation du conducteur par rapport aux règles internationales en vigueur, besoin de création d'un régime spécifique de délivrance des certificats d'immatriculation provisoires de ces véhicules expérimentaux, difficultés à obtenir des porteurs de projets l'ensemble des renseignements permettant notamment de s'assurer que l'expérimentation se déroule en toute sécurité et en coordination avec les différentes autorités publiques concernées, incertitudes sur la procédure d'instruction et de délivrance de l'autorisation. Elles ont également mis en évidence l'importance qui s'attache à une bonne information du public appelé ou non à être transporté à bord du véhicule.
Les difficultés concernent l'expérimentation de tous les types de véhicules à délégation de conduite appelés à circuler sur les voies publiques pour un usage particulier, collectif ou de transport de marchandises.
Leur présent recensement reste toutefois fonction des expérimentations à venir, dans un secteur en constante évolution technologique. Ainsi, la volonté du Gouvernement d'en assurer le meilleur accompagnement possible, notamment au travers de projets se rapprochant au plus près des conditions réelles de circulation publique (y compris de services de transport public de personnes) implique l'anticipation d'un seul et unique cadre juridique, gage de sécurité pour les investisseurs, mais aussi d'une certaine adaptabilité aux futures avancées en la matière.
Or, à cet égard, des incertitudes demeurent quant à l'application des dispositions actuelles du code de la route à des expérimentations de véhicules dont l'aboutissement visent à supprimer la présence de tout conducteur à bord alors exigée en droit national et international. Cette même circonstance pourrait également amener à se reposer la question de l'aménagement des règles de la responsabilité civile qui, si elle avait été envisagée par la loi d'habilitation, ne paraît plus requise pour couvrir les accidents de la circulation qui surviendraient lors des expérimentations de tels véhicules. En outre, l'exécution par ces véhicules de services de transports publics de voyageurs au titre des missions confiées par la loi aux autorités organisatrices laisse en suspens la nécessité de modifier les dispositions afférentes du code des transports, selon les conditions retenues pour l'exploitation du service.
C'est dans ces conditions que s'est imposé le recours à l'habilitation législative pour la création d'une autorisation interministérielle dédiée à ces expérimentations et associant l'ensemble des collectivités et autorités organisatrices de transport concernées. Le recours à la loi en garantit le principe, le renvoi au pouvoir réglementaire les modalités d'application susceptibles d'évolutions.
En conséquence, le projet d'ordonnance crée un régime d'autorisation de circulation sur la voie publique spécifique à l'expérimentation de véhicule à délégation partielle ou totale de conduite.
L'article 1er place la sécurité au cœur des expérimentations de véhicules à délégation partielle ou totale de conduite.
L'article 2 dispose que cette autorisation est délivrée par le ministre chargé des transports après avis du ministre de l'intérieur et, s'il y a lieu, les avis des gestionnaires de voirie, des autorités compétentes en matière de police de circulation et des autorités organisatrices des transports concernés.
L'article 3 renvoie à un décret en Conseil d'Etat pour fixer les conditions de délivrance de l'autorisation et ses modalités de mise en œuvre, ainsi qu'à un arrêté conjoint du ministre chargé des transports et du ministre de l'intérieur pour préciser la composition du dossier de demande et le contenu du registre créé pour répertorier les autorisations délivrées.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.

(1) Les niveaux d'automatisation d'un véhicule font l'objet de plusieurs nomenclatures, à valeur indicative ; ainsi, le document le plus récent, « SAE surface véhicule information report J3016 Issued 2014-01 - Taxonomy and Definition for Terms Related to On-Road Motor Vehicle Automated Driving Systems », présente cinq niveaux, allant du niveau 1 - assistance à la conduite - au niveau 5 - automatisation complète.

Le niveau d'automatisation 1 recouvre les systèmes avancés d'assistance à la conduite (ADAS : Advanced Driver Assistance System) dont les expérimentations, homologations et mises sur le marché sont couvertes par la législation existante.

(2) CityMobil 1 en 2008 et 2011 et CityMobil 2 de novembre 2014 à avril 2015.

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