Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021

Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021

portant réforme du droit des sûretés
JORF n°0216 du 16 septembre 2021

Monsieur le Président de la République,
La présente ordonnance est prise en application de l'article 60 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises. A ce titre, afin de simplifier le droit des sûretés et renforcer son efficacité, tout en assurant un équilibre entre les intérêts des créanciers, titulaires ou non de sûretés, et ceux des débiteurs et des garants, le Gouvernement est autorisé, selon les termes de l'habilitation, à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi pour :
1° Réformer le droit du cautionnement, afin de rendre son régime plus lisible et d'en améliorer l'efficacité, tout en assurant la protection de la caution personne physique ;
2° Clarifier et adapter, dans le code civil, la liste et le régime des privilèges mobiliers et supprimer les privilèges devenus obsolètes ;
3° Préciser les règles du code civil relatives au gage de meubles corporels qui soulèvent des difficultés d'application, notamment en prévoyant que le gage peut porter sur des biens meubles immobilisés par destination, en précisant l'articulation des règles relatives au gage avec les règles prévues dans le code des procédures civiles d'exécution, en clarifiant les droits du constituant sur la chose gagée et la sanction du gage de la chose d'autrui, en assouplissant les règles de réalisation du gage constitué à des fins professionnelles ;
4° Abroger les sûretés mobilières spéciales tombées en désuétude ou inutiles, pour les soumettre au droit commun du gage, afin d'améliorer la lisibilité du droit des sûretés ;
5° Simplifier et moderniser les règles relatives aux sûretés mobilières spéciales dans le code civil, le code de commerce et le code monétaire et financier ;
6° Harmoniser et simplifier les règles de publicité des sûretés mobilières ;
7° Préciser les règles du code civil relatives au nantissement de créance, en particulier sur le sort des sommes payées par le débiteur de la créance nantie et sur le droit au paiement du créancier nanti ;
8° Compléter les règles du code civil relatives à la réserve de propriété, notamment pour préciser les conditions de son extinction et les exceptions pouvant être opposées par le sous-acquéreur ;
9° Inscrire dans le code civil la possibilité de céder une créance à titre de garantie ;
10° Assouplir les règles relatives à la constitution et à la réalisation de la fiducie-sûreté ;
11° Inscrire et organiser dans le code civil le transfert de somme d'argent au créancier à titre de garantie ;
12° Améliorer les règles relatives aux sûretés réelles immobilières, notamment en remplaçant les privilèges immobiliers spéciaux soumis à publicité par des hypothèques légales, en élargissant les dérogations à la prohibition des hypothèques de biens à venir et en étendant le maintien de la couverture hypothécaire en cas de subrogation à l'ensemble des accessoires ;
13° Moderniser les règles du code civil relatives à la conclusion par voie électronique des actes sous signature privée relatifs à des sûretés réelles ou personnelles afin d'en faciliter l'utilisation ;
14° Simplifier, clarifier et moderniser les règles relatives aux sûretés et aux créanciers titulaires de sûretés dans le livre VI du code de commerce, en particulier dans les différentes procédures collectives, notamment en adaptant les règles relatives aux sûretés au regard de la nullité de certains actes prévue au chapitre II du titre III du même livre VI, en améliorant la cohérence des règles applicables aux garants personnes physiques en cas de procédure collective et en prévoyant les conditions permettant d'inciter les personnes à consentir un nouvel apport de trésorerie au profit d'un débiteur faisant l'objet d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire avec poursuite d'activité ou bénéficiant d'un plan de sauvegarde ou de redressement arrêté par le tribunal ;
15° Aménager et modifier toutes dispositions de nature législative permettant d'assurer la mise en œuvre et de tirer les conséquences des modifications apportées en application des 1° à 14° du présent I ;
16° Rendre applicables avec les adaptations nécessaires :
a) En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, les dispositions législatives modifiant le code monétaire et financier résultant des 1° à 15° du présent I, pour celles qui relèvent de la compétence de l'Etat ;
b) Dans les îles Wallis et Futuna, les dispositions législatives résultant du présent I ;
17° Procéder aux adaptations nécessaires des dispositions résultant du présent I en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Genèse de la réforme

Si l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés a permis une profonde rénovation du droit des sûretés, certains pans en avaient été exclus, en particulier les privilèges et le cautionnement, alors même que ce dernier est la sûreté la plus abondamment pratiquée. Or les insuffisances des textes relatifs au cautionnement, qui pour certains datent de 1804, leur éparpillement dans différents codes et les variations de jurisprudence auxquelles ils ont donné lieu, sont peu propices à la sécurité juridique ainsi qu'à l'efficacité de cette sûreté. Il en est de même des privilèges qui sont datés et contribuent à complexifier le droit des sûretés.
Par ailleurs, les quinze années écoulées depuis la réforme de 2006 ont mis en évidence des ambiguïtés, notamment dans les textes relatifs au gage, au nantissement de créance ou à la réserve de propriété, qu'il convient donc de clarifier et d'ajuster afin de sécuriser les opérations contractuelles. De même, le maintien de certaines sûretés spéciales, comme le gage automobile, le gage commercial, ou certains warrants, ne se justifie plus au regard de leur obsolescence et de la complexification du droit qu'elles apportent.
Enfin, la diversité des règles actuelles de publicité des sûretés mobilières, avec en particulier une multiplicité de registres, est source de complexité et nuit à l'attractivité internationale du droit français.
Face à la nécessité d'une nouvelle réforme du droit des sûretés, la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice a confié au professeur Michel Grimaldi, sous l'égide de l'association Henri Capitant, le soin de réunir un groupe de travail, qui a rendu publiques ses propositions en septembre 2017. Celles-ci ont fait l'objet d'une vaste consultation publique en 2019, dont les réponses sont venues s'ajouter aux travaux doctrinaux et aux retours de la place, en particulier ceux de Paris Europlace qui a créé une commission spécifique en matière de droit des sûretés.
A la suite du vote par le Parlement de l'habilitation figurant dans la loi PACTE, le Gouvernement a élaboré un avant-projet d'ordonnance. Celui-ci a de nouveau été soumis à consultation publique à la fin de l'année 2020. Les nombreuses réponses reçues dans ce cadre ont permis d'améliorer et d'enrichir le texte qui vous est aujourd'hui soumis.

Objectifs de la réforme

La sécurité juridique est le premier objectif poursuivi par le projet d'ordonnance qui vise tout d'abord à rendre plus lisible et plus accessible le droit des sûretés. Les dispositions non modifiées depuis 1804 ne reflètent plus la réalité du droit positif. Par ailleurs, le style rédactionnel des auteurs du code civil n'est plus accessible ni aux citoyens ni aux acteurs de la vie économique, en particulier ceux venant de l'étranger. La réforme rend ces dispositions plus simples et plus explicites par une reformulation de certains articles et l'utilisation d'un vocabulaire plus adapté. La réécriture des règles sur le droit de préférence, le droit de suite et la purge en matière hypothécaire en témoigne.
Le projet d'ordonnance a également précisé les notions et règles juridiques existantes en droit positif. En matière de cautionnement, les dispositions relatives à l'obligation d'information, à la mention manuscrite et à la proportionnalité, aujourd'hui éparpillées dans le code de la consommation, le code monétaire et financier ou des lois non codifiées, sont abrogées pour intégrer le code civil et permettre ainsi une unification des règles.
De même, les règles du code civil relatives aux privilèges mobiliers sont « toilettées » et modernisées afin de clarifier et préciser leur régime, en particulier par l'inscription dans le code civil de l'affirmation de l'existence d'un droit de préférence et de l'absence de droit de suite.
La clarification des notions et les précisions apportées aux textes actuels ainsi que l'intégration dans les normes légales de certaines solutions jurisprudentielles poursuivent également cet objectif de sécurité juridique. Ainsi, le devoir de mise en garde en matière de cautionnement, le classement du droit de préférence du créancier gagiste ou l'absence de droit de rétention en matière de nantissement de bien incorporel sont intégrés dans le code civil. Dans le nantissement de créance, le régime de l'opposabilité des exceptions est, dans un souci de cohérence, fixé en s'inspirant des règles retenues pour la cession de créance par la réforme du droit des contrats du 10 février 2016.
La transformation des privilèges spéciaux immobiliers en hypothèques légales, qui a pour effet de supprimer la rétroactivité de leur inscription, répond également à l'objectif de sécurité juridique. Il en va de même de la consécration dans le code civil de la cession de somme d'argent à titre de garantie : cette sûreté est aujourd'hui massivement utilisée en pratique mais, faute de régime légal, une incertitude préjudiciable aux opérateurs économiques existe toujours quant à sa validité et son efficacité.
La réforme contredit en outre certaines solutions jurisprudentielles vues comme sources d'insécurité juridique : l'ordonnance consacre ainsi la possibilité pour la caution d'opposer toutes les exceptions appartenant au débiteur principal, qu'elles soient inhérentes à la dette ou personnelles au débiteur. De même, la caution ne pourra plus reprocher au créancier le choix du mode de réalisation d'une sûreté.
Le deuxième objectif de la réforme est le renforcement de l'efficacité du droit des sûretés, tout en maintenant un niveau de protection satisfaisant des constituants et des garants.
L'efficacité du cautionnement est en particulier renforcée. Cela résulte d'abord de la simplification des règles de droit, de l'abrogation des dispositions figurant aujourd'hui dans différents codes et de l'insertion de l'ensemble de ces dispositions dans le code civil. La modification de la sanction du cautionnement disproportionné (la réduction du cautionnement remplace la déchéance totale) y participe également, tout comme l'assouplissement des règles relatives à la mention manuscrite.
La protection des garants n'est cependant pas remise en cause : la mention manuscrite reste par exemple exigée pour la validité du cautionnement. Elle bénéficiera désormais à toutes les cautions personnes physiques, quelle que soit la qualité du créancier. La sous-caution bénéficiera de l'information annuelle et de l'information sur la défaillance du débiteur principal. Le constituant d'une sûreté réelle pour autrui bénéficiera des protections essentielles offertes à la caution, en rupture avec la jurisprudence actuelle.
Les précisions apportées dans l'articulation des règles entre le code civil et les procédures civiles d'exécution favorisent par ailleurs l'efficacité des sûretés : les droits du créancier gagiste seront en particulier mieux respectés lorsque le bien gagé est saisi.
L'admission du gage portant sur des immeubles par destination renforce l'efficacité du droit des sûretés : ces biens, qui ne pouvaient jusque-là être engagés pour garantir un financement, peuvent désormais être grevés de sûretés.
L'efficacité de l'hypothèque est également renforcée : sa constitution par les personnes morales autres que les sociétés est simplifiée : la prohibition des hypothèques portant sur biens futurs est levée, le champ des accessoires couverts par l'hypothèque en cas de subrogation personnelle est étendu, un mécanisme de purge des gages portant sur les immeubles par destination est mis en place.
La modernisation des règles relatives à la fiducie-sûreté renforce de la même manière l'efficacité de cette sûreté. Ainsi, son formalisme est assoupli, l'exigence d'une estimation de la valeur des biens transmis n'apparaissant pas nécessaire. Il en va de même de ses modalités de réalisation : le fiduciaire pourra désormais vendre les biens donnés en fiducie à un prix différent de celui fixé par l'expert si une vente à ce prix n'est pas possible. L'exigence d'expertise est toutefois maintenue afin d'assurer la protection du constituant.
Certaines règles relatives à la publicité du nantissement du fonds de commerce, sûreté très utilisée en pratique, complexifiaient inutilement les formalités d'inscription et fragilisaient sa sécurité. En particulier, le défaut d'inscription du nantissement dans le délai préfix n'est plus sanctionné par la nullité, mais par l'inopposabilité de l'acte.
Le renforcement de l'attractivité du droit français, notamment sur le plan économique, constitue le troisième objectif poursuivi par la réforme. L'accroissement de la sécurité juridique et de l'efficacité des sûretés précédemment mentionnées y participent pleinement.
En complément, l'ordonnance autorise la dématérialisation de l'ensemble des sûretés, alors qu'elle n'est aujourd'hui possible que pour les sûretés constituées par une personne pour les besoins de sa profession. Lever ce frein, injustifié à l'ère du numérique, est indispensable pour inciter les opérateurs économiques internationaux à utiliser le droit français.
L'abrogation de certaines sûretés mobilières spéciales tombées en désuétude ou inutiles par rapport aux règles de droit commun (certains privilèges mobiliers ou immobiliers, le gage commercial, le nantissement de l'outillage et du matériel d'équipement, les warrants pétroliers, hôteliers, des stocks de guerre et industriel, le gage de stocks) est la source d'une simplification majeure de notre droit, ce qui le rend plus lisible notamment depuis l'étranger. De même, la simplification et la modernisation des règles relatives au cautionnement et aux sûretés réelles, mobilières comme immobilières, dans le code civil mais également dans le code de commerce et le code monétaire et financier, améliorent la lisibilité du droit des sûretés et l'attractivité du droit français.
La consécration de la cession de créance de droit commun à titre de garantie, sûreté bien connue de nombreuses législations étrangères, permet de la même manière de renforcer l'attractivité du droit français, alors que cette possibilité n'existe aujourd'hui qu'au profit de certains établissements (cession dite « Dailly »).
Les dispositions relatives à la publicité des sûretés mobilières, aujourd'hui inscrites dans différents codes (code de commerce, code des douanes, code des transports, code général des impôts, code de la sécurité sociale et code de la construction et de l'habitation) et à différents niveaux de normes, sont harmonisées, ce qui permettra la mise en place par décret d'un registre unique des sûretés mobilières, conformément aux meilleurs standards internationaux.

Présentation des articles

L'ordonnance est divisée en huit titres.

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