Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2021-1843 du 22 décembre 2021

Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2021-1843 du 22 décembre 2021

portant partie législative du code des impositions sur les biens et services et transposant diverses normes du droit de l'Union européenne
JORF n°0302 du 29 décembre 2021

Monsieur le Président de la République,
Le III de l'article 184 de la loi n° 2019-1479 du 29 décembre 2019 de finances pour 2020 habilite le Gouvernement, jusqu'au 31 décembre 2021 (1), à refondre par ordonnance les dispositions relatives aux impositions frappant certains biens, services ou transactions.
La lisibilité perfectible de la norme fiscale
Bien que les impositions de toutes natures au sens de l'article 34 de la Constitution obéissent à des règles générales homogènes, elles répondent à des appellations très diverses, souvent impropres, et sont réparties dans plus d'une vingtaine de codes et dans de nombreuses lois non codifiées, de sorte que le code général des impôts et le code des douanes regroupent seulement 50 % des impositions de toutes natures.
La répartition entre les différents codes n'obéit au demeurant à aucune logique d'ensemble. Si se dégagent certaines règles de classement fondées sur l'administration chargée de la gestion de l'imposition ou, s'agissant des taxes affectées, sur les bénéficiaires des ressources, ces dernières ne sont pas systématiques (2).
Par ailleurs, le code général des impôts et le code des douanes sont anciens et ne suivent pas les règles légistiques modernes, qu'il s'agisse de la numérotation des articles, de l'indexation des différents niveaux de norme (3) ou encore des méthodes de rédaction des articles. Ainsi, les articles du code général des impôts étaient, au 1er janvier 2019, en moyenne 3,6 fois plus longs que ceux des autres codes.
Enfin, de manière générale, l'éclatement des dispositions fiscales nuit à la lisibilité du système fiscal. Dans le cas particulier des impositions portant sur certaines catégories de biens ou services, cet éclatement prive les secteurs d'activité concernés de visibilité globale sur les impositions qui les concernent spécifiquement, ce qui est source d'insécurité juridique et nuit à la qualité de la décision publique.
Le périmètre du code des impositions sur les biens et services
L'habilitation confiée par le législateur couvre les impositions frappant certains biens et services, à l'exclusion des impôts généraux, comme la taxe sur la valeur ajoutée, ou des impôts assis sur les revenus des personnes. Cette limitation tient à l'inscription de la présente démarche en parallèle de la démarche de rationalisation du recouvrement et du contrôle des impositions sectorielles à rendement élevé, notamment celles frappant les énergies, les boissons alcooliques et non alcooliques, les tabacs et les activités polluantes.
Il est toutefois proposé de retenir une approche globale consistant à regrouper les impositions au regard de leurs caractéristiques intrinsèques du point de vue du redevable, indépendamment de leurs modalités de gestion ou de leur affectation. A cet égard, il ressort des travaux conduits par la commission supérieure de codification que l'ensemble des impositions frappant les biens et services constitue un tout cohérent, notamment car nombre de ces impositions s'inspirent des modèles que constituent le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée ou le régime général d'accise ou sont régies par les dispositions fiscales du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatives à la libre circulation des marchandises.
Pour ces raisons, le code annexé à la présente ordonnance est construit de manière à pouvoir constituer une subdivision d'un corpus plus large et construit par étapes. Dans cette perspective, le code proposé regroupe :

- le régime général d'accise, frappant les énergies, les alcools et les tabacs (12 impositions) ;
- les taxes sur les transports, qu'il s'agisse des véhicules routiers, des autoroutes, du transport aérien, des navires de plaisance ou du transport maritime (21 impositions) ;
- les taxes spécifiques sur la production industrielle nationale (16 impositions).

Seraient intégrées ultérieurement à ce code les taxes générales, à savoir la taxe sur la valeur ajoutée et les octrois de mer, et les autres impositions sectorielles (4).
La structure du code des impositions sur les biens et services
Conformément aux orientations retenues par la Commission supérieure de codification, le code est organisé du point de vue des personnes auxquelles s'appliquent les dispositions en cause, à savoir les redevables des impositions. Ainsi, le code est organisé par secteur économique d'activité imposable, ce qui permet d'identifier l'ensemble des impositions qui les concerne, d'uniformiser les définitions et, le cas échéant, de les mettre en cohérence avec les dispositions figurant dans le code particulier régissant chacun de ces secteurs.
De plus, les différents éléments constitutifs d'une imposition sont présentés de façon logique et harmonisée : champ matériel et géographique d'application, fait générateur, montant, exigibilité, redevables, constatation ou déclaration, paiement, sanctions et procédures et, le cas échéant, affectation.
L'articulation du code des impositions sur les biens et services avec les autres codes
Le code des impositions sur les biens et services s'articule tout d'abord avec les dispositions relatives aux procédures et sanctions fiscales, à savoir, à titre principal, le code général des impôts, le livre des procédures fiscales, le code des douanes et certains codes sectoriels. En effet, ces dispositions sont, sauf exception, communes à de nombreuses impositions et ont donc vocation à faire l'objet de dispositions transverses. La consolidation de ces dernières au sein d'un corpus unique excède le champ du présent exercice, qui se borne à mieux préciser les renvois et à consolider les compétences fiscales dont disposent certains organismes autres que les administrations fiscale et douanière dans les codes qui régissent ces personnes (5).
Il s'articule également avec les codes qui régissent les politiques publiques au financement desquelles certaines impositions sont affectées. Ainsi, les affectations des taxes sont consolidées dans les codes qui régissent les affectataires de ces taxes (6), le code des impositions sur les biens et services listant, dans la subdivision terminale propre à chaque imposition, leurs références juridiques. Cette construction permet ainsi, du point de vue de l'affectataire, qu'un article consolide l'ensemble de ses ressources fiscales et, du point de vue du redevable d'une imposition donnée, qu'un article liste, par un renvoi explicite, les dispositions qui régissent la finalité ou les finalités des sommes acquittées.
Enfin, dans un but de clarification et de sécurité juridique, le code des impositions sur les biens et services s'appuie, lorsqu'ils existent, sur les définitions et concepts propres à chaque secteur d'activité qui figurent dans le code pertinent, en particulier le code des douanes de l'Union.
Les principes de rédaction retenus pour le code des impositions sur les biens et services
La taille des articles est fortement réduite (- 80 %).
Parallèlement, il est procédé à des déclassements de dispositions législatives au niveau réglementaire avec le double objectif, d'une part, de respecter la répartition entre loi et règlement et, d'autre part, de diminuer le volume de la loi. Ces déclassements concernent les modalités déclaratives, les modalités de paiement et les dispositifs de gestion et de suivi des biens soumis à accise (énergies, alcools et tabacs). Inversement, il est procédé à plusieurs reclassements au niveau de la loi de dispositions qui sont aujourd'hui de niveau réglementaire ou résultent de la jurisprudence, essentiellement s'agissant du champ d'application des impositions et du périmètre des avantages fiscaux. Il résulte de ce double exercice, ainsi que de la mutualisation des dispositions identiques entre différents prélèvements, une diminution du volume de la loi comprise entre 50 % et 60 % (7).
Les mesures de rationalisation administrative
Conformément aux dispositions des I et II de l'article 184 de la loi de finances pour 2020 précitée, l'ordonnance comprend les dispositions législatives nécessaires à l'unification, au profit de la direction générale des finances publiques, du recouvrement de ces impositions, dont celles aujourd'hui recouvrées par la direction générale des douanes et des droits indirects et par le centre national du cinéma et de l'image animée. Lorsque ces impositions sont affectées, les recettes de l'affectataire sont inchangées.
Sont ainsi concernées, conformément au calendrier fixé par la loi, les impositions suivantes :

Au 1er janvier 2022
les trois taxes intérieures de consommation sur l'électricité, le gaz naturel et le charbon
le droit annuel de francisation et de navigation et le droit de passeport perçus sur les navires de plaisance et les véhicules nautiques à moteur
la taxe sur le prix des entrées aux séances organisées par les exploitants d'établissements de spectacles cinématographiques, la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision et les quatre cotisations du secteur du cinéma au centre national du cinéma et de l'image animée
la taxe sur les produits phytopharmaceutiques
Au 1er janvier 2024
les deux taxes intérieures de consommation sur les produits énergétiques, respectivement en métropole et outre-mer, et la taxe incitative relative à l'utilisation d'énergies renouvelables dans les transports
le droit de circulation sur les vins, cidres, poirés, hydromel et pétillants de raisin, les droits de consommation sur les produits intermédiaires et les alcools, le droit spécifique sur les bières, les droits sur les alcools assimilés à l'octroi de mer et la taxe sur les mélanges de boissons alcooliques et non alcooliques et de certains produits alcooliques très sucrés
les droits sur les produits du tabac en métropole, en Corse et outre-mer

Dans le cadre de cette unification du recouvrement, sont également prévues les mesures nécessaires au transfert de la gestion et du contrôle de ces impositions à la direction générale des finances publiques, sous réserve de certaines exceptions. Ces exceptions concernent tout d'abord les impositions sur les navires et véhicules nautiques, pour lesquelles la gestion et le contrôle sont transférés à la direction des affaires maritimes (8) dans le cadre d'un exercice plus global de rationalisation des formalités de francisation et d'immatriculation des navires, fusionnées en une formalité unique gérée par cette direction. Elles concernent également les impositions frappant les alcools et les tabacs, pour lesquelles la compétence de gestion et de contrôle des agents de la direction générale des douanes et des droits indirects est maintenue.
Enfin, les règles de procédure contentieuse relatives aux impositions figurant dans le code des impositions sur les biens et services, qu'elles soient ou non concernées par ces transferts, sont uniformisées en prévoyant une compétence systématique du juge administratif (9).
La transposition du cadre européen
L'ordonnance transpose les dispositions impératives de la directive (UE) 2020/1151 du Conseil du 29 juillet 2020 modifiant la directive 92/83/CEE concernant l'harmonisation des structures des droits d'accises sur l'alcool et les boissons alcooliques. Sont uniquement concernées les dispositions de cette directive visant à moderniser les dispositions obsolètes ou peu claires et à mettre à jour des références juridiques, qui entrent dans le champ de l'habilitation.
L'ordonnance transpose également les dispositions relatives aux accises de la directive (UE) 2019/2235 du Conseil du 16 décembre 2019 modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée et la directive 2008/118/CE relative au régime général d'accise en ce qui concerne l'effort de défense dans le cadre de l'Union (10).
L'ordonnance transpose enfin les dispositions de niveau législatif de la directive (UE) 2020/262 du Conseil du 19 décembre 2019 établissant le régime général d'accise. Ces dispositions ont pour objet d'apporter diverses clarifications et simplifications des processus administratifs régissant la circulation de produits soumis à accise entre États membres de l'Union européenne et d'harmoniser le régime de taxation des produits perdus, détruis ou volés.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.

(1) Compte tenu de la prolongation de quatre mois des délais d'habilitation prévue par l'article 14 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 ainsi que de l'article 10 de la loi n° 2021-1549 de finances rectificatives pour 2021 qui renouvelle l'habilitation entre le 3 et le 31 décembre 2021.
(2) A titre d'exemple, le code des douanes comprend des impositions recouvrées par la direction générale des finances publiques et le code général des impôts des impositions recouvrées par la direction générale des douanes et des droits indirects.
(3) Lois, décrets en Conseil d'Etat, décrets en conseil des ministres, décrets simples, arrêtés.
(4) Sous réserve de certains prélèvement spécifiques à analyser, cet ensemble pourrait comprendre les taxes annexes sur les énergies, alcools et tabacs (18 taxes) et les autres dispositifs sectoriels concernant les secteurs de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche (17 taxes), de l'environnement (19 taxes), du numérique, des communications et de la culture (18 taxes), des paris et jeux de hasard (22 taxes), de la santé (16 taxes) et de la finance (24 taxes).
(5) A titre d'exemple, les compétences fiscales des centres techniques industriels sont intégrées dans le code de la recherche, qui comporte d'ores et déjà les autres compétences et missions de ces derniers.
(6) A titre d'exemple, les diverses affectations au Conservatoire du littoral et des paysages lacustres sont regroupées au sein de la subdivision du code de l'environnement relative à cet organisme.
(7) Evaluée en nombre de signes.
(8) Le recouvrement, transféré à la DGFiP, sera régi par les règles de procédures des créances étrangères à l'impôt et au domaine, sur la base d'un titre de perception, plus adaptées sur le plan opérationnel aux procédures fiscales ususelles.
(9) A l'exception des impositions sur les alcools et les tabacs, pour lesquelles une telle unification appelle des expertises complémentaires compte tenu de l'articulation des procédures fiscales avec celles portant sur les trafics illicites.
(10) Ne sont donc pas concernées celles relatives à la taxe sur la valeur ajoutée.

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