Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022

Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022

relative aux droits sociaux des personnes détenues
JORF n°0244 du 20 octobre 2022

Monsieur le Président de la République,
L'agence du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice (ATIGIP) a été créée, par décret, à compter du 10 décembre 2018. Service à compétence nationale (SCN) placé auprès du garde des sceaux, il est rattaché pour sa gestion administrative et financière à la direction de l'administration pénitentiaire. Cette création répond à la volonté de se doter d'un opérateur unique en charge de l'insertion professionnelle du public confié au service public de la justice.
Au terme de son texte de création, les missions de l'agence sont au nombre de trois :

- développer le travail d'intérêt général (TIG) en tant que peine utile contre la récidive et pour l'insertion professionnelle des personnes qui y sont condamnées ;
- dynamiser la formation professionnelle, en milieu ouvert comme en milieu fermé ;
- renforcer le travail pénitentiaire, l'insertion par l'activité économique et l'accompagnement vers l'emploi.

Pour l'ensemble de ces domaines l'agence propose au garde des sceaux, en lien avec les ministères concernés et notamment le ministère du travail, une stratégie nationale.
Le projet d'ordonnance proposé poursuit l'objectif général de lutte contre la récidive par une meilleure préparation à l'insertion des personnes détenues. Il complète de la sorte les dispositions des articles 19 à 21 de la loi n° 2021-1729 pour la confiance dans l'institution judiciaire et celles du décret n° 2022-655 du 25 avril 2022, relatif au travail des personnes détenues et modifiant le code pénitentiaire, achevant la réforme du travail pénitentiaire annoncée dès mars 2018.
Ce projet épuise l'intégralité de l'habilitation à légiférer par ordonnance prévue par l'article 22 de la loi précitée.
Il a pour objet, en premier lieu, l'ouverture de nouveaux droits sociaux au bénéfice des personnes détenues qui exercent un travail en détention, dès lors que ces droits sont utiles à leur réinsertion. Il couvre à cet effet un certain nombre de risques et ouvre ou renforce des droits assuranciels. Ainsi en est-il de l'assurance vieillesse, pour laquelle il est proposé l'application d'une assiette minimale de cotisations permettant de généraliser l'acquisition de droits, que les personnes détenues travaillent au service général ou en production où, jusqu'à présent, en raison tout à la fois de la faiblesse des rémunérations et des durées hebdomadaires de travail (17 heures, en moyenne), elles ne parvenaient que rarement à « constituer des trimestres ». Le projet prévoit, en outre, l'affiliation au régime de retraite complémentaire IRCANTEC.
Concernant l'assurance chômage, il est prévu d'en ouvrir le bénéfice au moment de la libération, au titre du travail réalisé en détention. La période au terme de laquelle il y a déchéance des droits acquis avant l'incarcération est portée de 3 à 6 ans.
L'ouverture de nouvelles prestations en espèces est également prévue au titre des assurances maladie, maternité, invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles. Notamment, il s'agit de permettre le versement d'indemnités journalières au titre de l'assurance maternité et de l'assurance accidents du travail et maladies professionnelles. Une couverture analogue est étendue aux personnes détenues stagiaires de la formation professionnelle.
Par ailleurs, dans l'objectif de créer des conditions d'exercice du travail en détention qui se rapprochent davantage de celles que les personnes un temps détenues connaîtront une fois libérées, le projet d'ordonnance contient des mesures visant à généraliser la mixité des activités en détention, sous réserve du maintien du bon ordre et de la sécurité, et à lutter contre les discriminations et le harcèlement.
Il prévoit encore l'ouverture d'un compte personnel d'activité au bénéfice des personnes détenues, lequel est composé d'un compte personnel de formation et d'un compte d'engagement citoyen. Ces comptes permettront, via le travail et les activités bénévoles exercées en détention dans le cadre d'une réserve civique thématique, d'acquérir des droits à la formation mobilisables en sortie de détention.
Des dispositions définissent le champ d'une médecine du travail en détention et en organisent la mise en œuvre au travers d'un partage de compétences entre les unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP), en charge de l'information/prévention et du traitement des cas du quotidien et les services de santé au travail, vers lesquels les cas complexes seront orientés.
Dans le même temps, les prérogatives et moyens d'intervention de l'inspection du travail en détention relativement aux règles de santé et de sécurité au travail font l'objet d'un renforcement. L'inspection du travail pourra dresser procès-verbal et les donneurs d'ordre privés qui méconnaitraient certaines de leurs obligations seront passibles des sanctions prévues aux articles L. 4741-1 et L. 4741-3-1 du code du travail.
Enfin, dans le but d'élargir les modalités d'accès au travail en détention et afin de favoriser la prise en charge de tous les publics, même les plus éloignés de l'emploi mais aussi pour renforcer l'attrait des acteurs économiques pour le travail en détention, le projet d'ordonnance tend, d'une part, à autoriser l'implantation d'établissements ou services d'aide par le travail (ESAT), à ouvrir le bénéfice des marchés publics réservés aux opérateurs économiques implantés en détention, pour les seules productions qu'ils y font réaliser, d'autre part.
Le projet d'ordonnance viendra modifier et créer des dispositions dans le code pénitentiaire, le code de la sécurité sociale, le code du travail, le code de l'action sociale et des familles et le code de la commande publique. Est également nécessaire la modification de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.

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