Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2023-1139 du 6 décembre 2023

Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2023-1139 du 6 décembre 2023

relative aux gestionnaires de crédits et aux acheteurs de crédits
JORF n°0283 du 7 décembre 2023

Monsieur le Président de la République,
La présente ordonnance est prise sur le fondement de l'article 17 de la loi n° 2023-171 du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière (DDADUE). Elle propose l'adoption des mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la transposition de la directive (UE) 2021/2167 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2021 relative aux acheteurs de crédits et aux gestionnaires de crédits et modifiant les directives 2008/48/CE et 2014/17/UE.
Adoptée dans le cadre d'un plan d'action plus large de lutte contre les prêts non-performants (PNP) au sein de l'Union européenne, la directive sur les gestionnaires et acheteurs de crédits a pour objectif de contribuer à l'assainissement du secteur bancaire en favorisant la cession de PNP à des tiers et leur gestion par des professionnels agréés. Par le passé, plusieurs Etats membres (principalement du Sud et de l'Est) ont souffert de niveaux de PNP élevés. Cette situation peut créer un risque pour la stabilité financière au sein de l'Union européenne. Elle a par ailleurs pour effet de contraindre les banques de ces pays, conformément à la règlementation prudentielle applicable, à immobiliser des ressources à leur bilan pour couvrir les pertes attendues sur ces prêts, qui ne peuvent donc être déployées au service du financement de l'économie.
Economiquement, la réduction des niveaux de PNP dans l'Union européenne est freinée par le manque d'incitation pour les banques à se défaire de leurs portefeuilles de PNP en raison d'une demande insuffisante et, par-là, de prix de marché peu élevés. La faiblesse de cette demande découle notamment de la fragmentation juridique entre Etats membres pour les acteurs prenant part au marché du rachat et de la gestion de PNP, qui ne favorise pas les opérations transfrontalières. L'objectif de la directive consiste donc à créer un cadre commun au sein de l'Union européenne pour l'intervention des sociétés de gestion de crédits, lorsque ces dernières proposent leurs services à des acheteurs de crédits.
La directive s'adresse ainsi aux gestionnaires de crédits, que constituent les sociétés spécialisées dans les activités de gestion de crédits, ce qui comprend principalement le recouvrement de créances. Elle s'adresse également aux acheteurs de crédits, qui sont les détenteurs des droits de la créance et qui peuvent être amenés à recourir à un gestionnaire de crédit pour réaliser le recouvrement de la créance.
Les spécificités du marché français ont su être préservées dans le cadre de la transposition. Les avocats, les notaires et les commissaires de justice, lorsqu'ils se livrent à des activités de gestion de crédits dans leur cadre de leur profession, ne seront pas concernés par ces dispositions, de même que les prêteurs qui font déjà l'objet d'un agrément et d'une surveillance.
Les intérêts des emprunteurs sont par ailleurs renforcés par cette transposition, qui introduit des exigences supplémentaires pour les acteurs du recouvrement notamment s'agissant de leur sérieux et de leur honorabilité. Par ailleurs, le respect par les entités assujetties de l'ensemble des règles françaises relatives à la protection des consommateurs n'est pas remis en cause, y compris dans le cas où les activités de recouvrement seraient assurées par un gestionnaire situé dans un autre Etat membre.
Concrètement, l'ordonnance a pour principal objet de créer dans le Code monétaire et financier un nouveau chapitre dédié aux gestionnaires de crédits. Ce chapitre précise, section après section, les éléments suivants : (i) les définitions des acteurs et des notions afférentes ainsi que le champ d'application de l'ordonnance, (ii) le fonctionnement de la procédure d'agrément, (iii) les règles pour les relations de ces acteurs entre eux et (iv) avec les emprunteurs, (v) les conditions pour l'externalisation à un acteur tiers de certaines activités, (vi) les conditions de libre établissement et de libre prestation de service sur une base transfrontière, (vii) le fonctionnement de la surveillance des acteurs concernés, (viii) les règles relatives à l'information du consommateur, (ix) les obligations applicables aux acheteurs de crédits, (x) le fonctionnement de la surveillance de ces acteurs et (xi) le cadre pour les réclamations d'emprunteur.
En matière plus particulièrement d'agrément et de surveillance, l'ordonnance confie à l'Autorité de contrôle prudentiel (ACPR) l'ensemble des missions relatives à l'examen et la délivrance des demandes d'agrément des entités demandeuses et délivrer lesdits agréments, ainsi que d'assurer la surveillance des entités agrées.
La directive a laissé peu d'options d'arbitrage aux Etats membres au stade de la transposition. Pour les rares choix en opportunité qui se présentaient, les arbitrages proposés ont visé à coller à la pratique actuelle, et à ne pas doublonner des exigences comparables qui s'appliqueraient déjà. La directive permettait aux Etats membres d'étendre ses dispositions aux professions juridiques (avocats, commissaires de justice) se livrant à des activités de recouvrement, option qui n'a pas été retenue compte tenu du niveau de règlementation et de surveillance déjà élevé de ces acteurs. S'agissant du régime de surveillance et de sanctions applicables, notamment en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, il a été décidé de l'aligner sur celui applicable aux autres prestataires de services supervisés en France, ce qui assurera un niveau important de vigilance et facilitera la mise en œuvre de ce suivi. Enfin, il a été décidé d'autoriser les gestionnaires de crédits à détenir dans leurs comptes les fonds des emprunteurs dont ils gèrent la créance, ce qui correspond à la pratique actuelle de ces acteurs en France.
Le code de la consommation est par ailleurs modifié pour y faire figurer les dispositions de la directive relatives à la protection des emprunteurs concernés par l'opération de cession ou de gestion du crédit. Ces dispositions détaillent en particulier les informations que le prêteur sera tenu de communiquer à l'emprunteur et prévoient les mesures de remédiation à envisager en cas de difficulté de remboursement. A cet égard, il convient de noter que ces dispositions devront être mises à niveau une fois que la directive européenne relative au crédit à la consommation, qui à l'heure actuelle est encore en cours de finalisation, sera publiée au journal officiel de l'Union européenne.
L'ordonnance est composée de trois titres, le premier relatif aux dispositions modifiant le code monétaire et financier, le deuxième aux dispositions modifiant le code de la consommation et le troisième aux dispositions transitoires et finales.
L'article 1er crée, à la suite du chapitre X du titre IV du livre V du code monétaire et financier, un nouveau chapitre XI intitulé « Les gestionnaires et acheteurs de crédits ».
La première section de l'article 1er (« Définition et champs d'application ») définit les notions utilisées dans le reste du chapitre et précise quelles activités de gestion de crédits sont couvertes par les dispositions de ce chapitre. Il s'agit des activités de gestion de crédits assurées par un gestionnaire de crédits auprès d'un acheteur de crédits, étant entendu que les autres activités de gestion assurées par d'autres acteurs (par exemple des professions règlementées) ou auprès d'établissements de crédits sont exemptées du champ.
La deuxième section introduit une obligation d'agrément pour les gestionnaires de crédits souhaitant exercer leur activité en France. Elle précise la procédure et les conditions d'éligibilité prévues pour obtenir un agrément en tant que gestionnaire de crédits. Elle confie à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) la charge d'étudier les demandes d'agrément et de délivrer les agréments le cas échéant.
La troisième section précise les obligations que les acheteurs et les gestionnaires de crédits doivent respecter dans le cadre de leurs relations avec l'emprunteur.
La quatrième section précise les obligations que les acheteurs et les gestionnaires de crédits doivent respecter dans le cadre de leurs relations mutuelles.
La cinquième section prévoit que le gestionnaire de crédits reste responsable de toutes les obligations lorsqu'il décide de recourir à un prestataire de services extérieur et qu'il doit dans ce cas en informer le créancier.
La sixième section précise les conditions pour le libre établissement et la libre prestation d'activités dans le reste de l'Union européenne d'un gestionnaire de crédits agréé en France, et réciproquement. Elle concrétise la possibilité pour un gestionnaire de crédits disposant d'un agrément délivré par l'autorité compétence d'un Etat membre de l'Union européenne dans de fournir ses services à l'échelle de l'Union européenne.
La septième section détaille le mode de surveillance des gestionnaires de crédits qui fournissent des services transfrontaliers. Elle précise notamment les informations devant être échangées entre les autorités compétentes de l'Etat d'accueil et de l'Etat d'origine du gestionnaire de crédits.
La huitième section précise les obligations applicables en matière d'information sur les droits du créancier.
La neuvième section précise les obligations applicables aux acheteurs de crédits.
La dixième section précise les pouvoirs dont dispose l'ACPR pour exercer sa mission de surveillance des gestionnaires de crédits, notamment s'agissant des informations qui peuvent être demandées à l'entité assujettie.
La onzième section impose aux gestionnaires de crédits d'établir des procédures pour recueillir et traiter les réclamations d'emprunteurs en cas de difficulté.
L'article 2 harmonise l'article L. 513-15 du code monétaire et financier, relatif aux opérations des sociétés de crédit foncier, en ajoutant les gestionnaires de crédits à la liste des entités autorisées à fournir à ces sociétés des services de recouvrement de dette.
L'article 3 ajoute, dans l'article L. 612-2, les gestionnaires de crédits à la liste des entités soumises au contrôle de l'ACPR et prévoit, dans l'article L. 612-20, une contribution forfaitaire de 10 000 € payée par les gestionnaires de crédits à l'ACPR lors de leur demande d'agrément.
L'article 4 ajoute, dans l'article L. 561-2, les gestionnaires de crédits à la liste des personnes assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
L'article 5 prévoit les extensions du nouveau chapitre XI relatif aux gestionnaires et acheteurs de crédits créé par la présente ordonnance à en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, hormis les dispositions relatives au libre établissement et à la libre prestations d'activités de gestion de crédits. Il prévoit en outre de rendre inapplicables ces dispositions à Saint-Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
L'article 6 ajoute un article dans le chapitre II du titre Ier du livre III code de la consommation qui prévoit une obligation pour le prêteur d'informer l'emprunteur lors de la modification du contrat de crédit à la consommation. Il créé un article imposant aux prêteurs de disposer de politiques de remédiation et recense les mesures de remédiation pouvant être entreprises en cas de difficulté de l'emprunteur. Il comporte en outre les dispositions nécessaires à l'extension de ces mesures à Wallis-et-Futuna.
L'article 7 procède de même qu'à l'article 6, mais cette fois pour les crédits immobiliers.
L'article 8 précise que la présente ordonnance entre en vigueur le 30 décembre 2023. Il prévoit que les personnes exerçant actuellement une activité de gestion de crédits auront jusqu'au 29 juin 2024 pour se conformer aux dispositions de la présente ordonnance.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.

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