Cour des comptes. Chambres réunies. Arrêt. 28/12/2012

Cour des comptes. Chambres réunies. Arrêt. 28/12/2012

Fondation des oeuvres sociales de l'air (FOSA) - Arrêt sur réquisitoire à fin de gestion de fait des deniers de l'Etat. n° 65572. Publié au Recueil de jurisprudence

LA COUR DES COMPTES a rendu l’arrêt suivant :

LA COUR,

Vu le réquisitoire n° 2011-117 RQ-GF du 16 décembre 2011, par lequel le Procureur général près la Cour des comptes a saisi la Cour de faits constatés dans le cadre de la gestion de la Fondation des œuvres sociales de l’air (F.O.S.A), au titre des exercices 2008 à 2010, et susceptibles de constituer une gestion de fait des deniers de l’Etat ;

Vu la lettre en date du 21 décembre 2011, par laquelle le président de la deuxième chambre a désigné M. Patrick Sitbon, conseiller référendaire, pour instruire ce dossier ;

Vu les lettres du 5 janvier 2012 portant notification du réquisitoire susvisé aux parties et les informant de la désignation du rapporteur ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu l'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la comptabilité publique ;

Vu le décret du 19 février 1937 portant reconnaissance d’utilité publique de la Fondation des œuvres sociales du ministère de l’air (FOSA) ;

Vu les décrets du 6 janvier 1959 et du 7 août 1973, ainsi que l’arrêté du 26 décembre 2000 approuvant les statuts de la Fondation des œuvres sociales de l’air ;

Vu le décret n° 83-927 du 21 octobre 1983 fixant les conditions de remboursement de certaines dépenses supportées par les armées ;

Vu l’arrêté du 4 avril 1996 relatif aux manifestations aériennes ;

Vu la convention pluriannuelle d’objectifs conclue au titre des années 2007, 2008, 2009 et 2010 entre le ministre de la défense et la FOSA et notamment son article 4 fixant le montant prévisionnel de la subvention du ministère de la défense ainsi que ses conditions de paiement ;

Vu les conventions de partenariatconclues au titre des exercices 2008 à 2010 entre le général chef d’état-major de l’armée de l’air et la FOSA, représentée par son président le général Y, en vue de définir « le cadre juridique du partenariat concernant les meetings aériens organisés sur les bases aériennes » ;

Vu les conventions particulières conclues au cours de la période entre le ministère de la Défense et la FOSA, en vue de définir les conditions d’organisation, les moyens mis à la disposition et les obligations de la FOSA pour chacun des meetings aériens ;

Vu les mémoires produits le 17 février 2012 par Maître Bellanger pour M. X, le 20 février 2012 par Me Dal Farra pour la Fondation des œuvres sociales de l’air (F.O.S.A.), ainsi que pour les généraux Y et Z, et le 20 février 2012 par Me Poupet pour les généraux A, B, C et D, ainsi que pour les colonels E, F, G, H, I, J, K et L;

Vu le mémoire produit par le ministère de la défense le 17 avril 2012 ;

Vu le rapport à fin d'arrêt n° 2012-151-0 de M. Patrick Sitbon, transmis le 9 mars 2012 au Procureur général de la République ;

Vu les conclusions n° 298 en date du 20 avril 2012 du Procureur général de la République ;

Vu le mémoire à fin de question prioritaire de constitutionnalité déposé le 16 mai 2012 par Me Dal Farra, avocat de la Fondation des œuvres sociales de l’air, sur le fondement de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; 

Vu l’arrêt du 6 juillet 2012 par lequel la Cour des comptes a décidé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la FOSA et sursis à statuer dans l'instance ouverte par le réquisitoire du Procureur général ;

Vu la décision n° 360838 du 8 octobre 2012 par lequel le Conseil d’Etat a décidé qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer ladite question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ;

Vu la décision du Premier président de la Cour des comptes, en date du 7 novembre 2012, sur proposition du Procureur général et en vertu de l’article R. 112-18-II du code des juridictions financières, saisissant de l’instance la formation restreinte des chambres réunies ;

Vu l’arrêté n° 2011-820 du Premier président de la Cour des comptes en date du 21 décembre 2011 constituant pour l’année judiciaire 2012 les formations plénière et restreinte de la Cour siégeant toutes chambres réunies ;

Vu la décision du 13 novembre 2012 du Premier président de la Cour des comptes désignant M. Alain Doyelle, conseiller maître, réviseur de l’affaire ;

Vu les courriers du 12 novembre 2012 informant les parties de la tenue d’une audience publique en date du 10 décembre 2012 ;

Vu le courrier de Me Poupet en date du 30 novembre 2012, par lequel elle indique qu’elle se constitue dans l’intérêt du général M et les observations écrites déposées ;

Vu l’ensemble des observations complémentaires déposées par Me Poupet en date du 30 novembre 2012, par Me Bellanger en date du 4 décembre 2012, et l’information des parties sur la production de pièces ;

Vu l’ensemble des autres pièces au dossier ;

Vu la feuille de présence à l'audience publique qui s'est tenue le 10 décembre 2012, attestant que le général Y, président de la FOSA, le général Z, directeur des meetings de l’air, Me Dal Farra, pour le compte de la FOSA, Me Bellanger, représentant le contrôleur général des armées X et Me Poupet, représentant les autres généraux et colonels parties en cette affaire, étaient présents ;

Après avoir entendu en audience publique M. Patrick Sitbon, conseiller référendaire, en son rapport, et M. Gilles Johanet , Procureur général, en ses conclusions orales, les parties présentes et leurs conseils ayant présenté leurs observations, les avocats des parties ayant eu la parole en dernier ;

Ayant délibéré, hors la présence du rapporteur et du ministère public, après avoir entendu M. Doyelle, conseiller maître, en ses observations.

Sur la procédure

Considérant que l'article 23-3 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, concernant la question prioritaire de constitutionnalité,  dispose que « lorsque la question est transmise, la juridiction surseoit à statuer jusqu'à réception de la décision du Conseil d'Etat (…) ou, s'il a été saisi, du Conseil constitutionnel » ;

Considérant que le sursis à statuer figurant dans l’arrêt de la deuxième chambre de la Cour, en date du 6 juillet 2012, est de facto levé, depuis la réception de la décision du Conseil d’Etat en date du 8 octobre 2012 de ne pas saisir le Conseil constitutionnel ;

Considérant que les chambres réunies de la Cour des comptes, en formation restreinte, ont été régulièrement saisies de l’affaire en cause sur décision du Premier président, suite à une demande du Procureur général près la Cour des comptes.

Sur la présomption de gestion de fait concernant la perception par la FOSA de recettes de meetings aériens

Considérant qu’aux termes du réquisitoire susvisé du 16 décembre 2011, une première présomption de gestion de fait se rapporte à l’encaissement par la FOSA de recettes tirées de l’organisation de meetings aériens sur des bases aériennes militaires avec le concours de personnel militaire ; que lesdites recettes encaissées en 2008, 2009 et 2010, constituent, selon ledit réquisitoire, des recettes publiques qui auraient dû être perçues par le comptable public, de même que les produits financiers tirés de ces recettes ;

Considérant que la FOSA est une fondation reconnue d’utilité publique par un décret en Conseil d’Etat du 19 février 1937 ;

Considérant que selon l’article II des statuts de la FOSA, approuvés par décret en Conseil d’Etat du 6 janvier 1959 et modifiés notamment par décret en Conseil d’Etat du 7 août 1973 puis par un arrêté du ministre de l’intérieur, en date du 26 décembre 2000, la fondation exerce son action, notamment « en procédant, en faisant procéder ou en participant à l’organisation de manifestations aéronautiques » ;

Considérant qu’aux termes de l’article XII des statuts de la fondation en vigueur au moment des faits appréhendés, les ressources de la FOSA se composent notamment « des excédents éventuels tirés de l’activité de la fondation dans les domaines fixés par l’article 2 (…) », lesquels incluent l’organisation de manifestations aéronautiques, de meetings et de compétitions ;

Considérant qu’une convention pluriannuelle d’objectifs pour la période 2007-2010, a été conclue le 21 décembre 2006 entre la FOSA et le ministère de la défense représenté par M. X, laquelle stipule en son article 8 que l’autorité militaire peut consentir la mise à disposition temporaire de matériels et de personnels au profit de la FOSA à l’occasion des meetings, que les opérations de vente de billets et de plaquettes sont exclusivement effectuées par du personnel de ladite fondation et qu’une convention particulière fixe les conditions de participation de l’armée de l’air ;

Considérant que des conventions de partenariat successives conclues entre le général d’armée, chef d’état-major de l’armée de l’air, et la FOSA, représentée par son président, ont confirmé le principe d’une mise à disposition gratuite de personnel et de matériels des bases dans le cadre de l’organisation des meetings aériens ; que, par ailleurs, ces conventions ont défini les missions et les charges assumées par la FOSA en sa qualité d’organisateur des meetings aériens ;

Considérant qu’au cours de la période considérée, des meetings aériens ont été organisés par la FOSA sur les bases aériennes militaires d’Orange, de Cognac, de Dijon, d’Avord, de Cazaux, de Tours, de Reims, d’Istres, d’Orléans et de Cambrai ;

Considérant que des conventions particulières, conclues pour chacun des meetings aériens, définissent avec précision les moyens des bases aériennes, en matériel et en personnel, mis à la disposition de la FOSA, ainsi que les emplacements réservés pour lesquels la FOSA s’acquitte du montant de la redevance domaniale ;

Considérant qu’aux termes de l’article 21 de l’arrêté du 4 avril 1996 relatif aux manifestations aériennes : « L'organisateur est le rédacteur de la demande d'autorisation. Il est responsable de l'application des prescriptions du présent arrêté et de l'adéquation de la plate-forme aux recommandations de ses annexes » ; qu’aux termes de l’article 8 dudit arrêté, « (…) lorsqu'il s'agit de « meetings nationaux de l'air » organisés à la diligence de la fondation des œuvres sociales de l'air, le directeur des vols doit être militaire (…) » ;

Considérant que les éléments recueillis concernant le fonctionnement statutaire de la fondation et le contenu des débats de ses instances statutaires montrent que la FOSA est une personne morale pourvue d’autonomie par rapport à l’administration ;

Considérant que les documents portés au dossier de l’instance permettent de confirmer l’effectivité de la mission d’organisation assumée par la FOSA s’agissant des meetings aériens organisés sur les bases militaires au cours des exercices 2008 à 2010 inclus ;

Considérant ainsi que la FOSA assume la responsabilité civile et financière des meetings et prépare les dossiers d’autorisation ; que, pendant la durée de ces manifestations, le personnel mis à disposition par les bases relève fonctionnellement de la FOSA dans les conditions stipulées aux conventions particulières conclues avec le ministère de la défense ;

Considérant que pour chaque meeting aérien organisé sur les bases, la FOSA constitue les dossiers d’autorisation administrative et s’adresse pour cela au représentant de l’Etat dans le département et aux administrations compétentes ; que les arrêtés préfectoraux autorisant les meetings aériens sont délivrés à la FOSA, en sa qualité d’organisateur ;

Considérant par ailleurs que la FOSA est, pour chaque meeting aérien, titulaire d’une autorisation d’occupation temporaire et paye en conséquence une redevance d’occupation domaniale ; que cette fondation embauche et rémunère un commentateur placé sous sa responsabilité ; qu’elle est seule compétente pour accorder aux commerçants et organes de presse les autorisations d’assister aux meetings ; que la FOSA assume la totalité du risque civil et pénal qui découle de cette fonction d’organisateur ;

Considérant que nul texte ne dispose que les meetings aériens organisés sur les bases aériennes constituent un service public ressortissant à la compétence du ministère de la défense, même si les bases aériennes apportent leur concours actif et leur matériel à ces manifestations et qu’en matière de sécurité des vols les autorités militaires de ces bases doivent exercer un rôle majeur ;

Considérant au surplus que les appareils évoluant lors de ces meetings ne sont pas uniquement des appareils des bases militaires aériennes françaises ;

Considérant qu’il ne peut être allégué sérieusement que l’intention des visiteurs est de verser des recettes à l’Etat, compte tenu des indications figurant sur les différents documents qui font apparaître la FOSA comme bénéficiaire des recettes ;

Considérant dès lors que les recettes tirées de la vente des billets d’entrée et des plaquettes réalisées à l’occasion de ces meetings, ne sont pas tirées d’une activité propre aux bases aériennes et ne constituent pas des recettes de l’Etat ;

Considérant que, pour les exercices en cause, face aux recettes tirées par la fondation de la vente de billets d’entrée et de plaquettes réalisées lors de meetings aériens, qui se sont élevées à un montant total de 1 962 834 €, existent des dépenses assumées par la FOSA à ce titre, qui s’établissent au cours de ces trois exercices à 703 841 € ;

Considérant que ces dépenses de la FOSA se rapportent notamment à des frais généraux relatifs à l’organisation des meetings, à des notes d’hôtellerie et à des primes d’assurance y afférents ;

Considérant ainsi qu’au vu des circonstances concrètes de l’espèce, les recettes tirées de l’organisation des meetings aériens constituent des recettes propres de la fondation et ne sont pas destinées à la caisse du comptable public au sens de l’article 11 du décret du 29 décembre 1962 ;

Considérant en conséquence qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir une procédure de gestion de fait au titre de la première charge du réquisitoire.

Sur la présomption de gestion de fait concernant une extraction irrégulière de dépense

Considérant qu’aux termes du réquisitoire susvisé du 16 décembre 2011, une seconde présomption de gestion de fait se rapporte au fait que la FOSA aurait consenti certaines dépenses au profit de l’institution de gestion sociale des armées (IGESA) en contrepartie des recettes tirées des meetings aériens organisés sur certaines bases aériennes ;

Considérant que le 23 mai 2006, le conseil d’administration de la FOSA a examiné la question « d’une aide au financement de la halte-garderie IGESA sur la base aérienne 701 de Salon-de-Provence » et a adopté sur ce point une réponse favorable, au motif qu’il s’agissait de « contribuer au bien-être des personnels de la base aérienne, en juste récompense des efforts fournis pour l’organisation des meetings » ;

Considérant cependant que le vote du conseil d’administration intervenu le 23 mai 2006 n’a connu aucune suite et n’a donné lieu à aucun décaissement d’une dépense ;

Considérant dès lors qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les conditions d’une éventuelle procédure de gestion de fait au titre de la seconde charge du réquisitoire, qui est sans objet.

Par ces motifs,

Ordonne :

Article unique : Il n’y a pas lieu à déclaration de gestion de fait au titre des présomptions de charges dont la Cour a été saisie par le réquisitoire n° 2011-117 RQ-GF du 16 décembre 2011.

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Fait et jugé en la Cour des comptes, toutes chambres réunies en formation restreinte, le dix décembre deux mil douze. Présents : M. Descheemaeker, président, M. Cazanave, Mmes Levy-Rosenwald et Fradin, MM. Sabbe, Doyelle, Baccou et Guillot, conseillers maîtres.

Signé : Descheemaeker, président, et Férez, greffier.

Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la Cour des comptes et délivré par moi, secrétaire général.

Pour le Secrétaire général

et par délégation,

le Chef du greffe contentieux

Daniel FEREZ

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