Cour des comptes. 1ère chambre. Arrêt. 16/10/2012

Cour des comptes. 1ère chambre. Arrêt. 16/10/2012

Direction départementale des finances publiques (DDFIP) du Finistère - Service des impôts des entreprises (SIE) de Quimper-Est - Exercice 2006. n° 65028

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DES COMPTES a rendu l’arrêt suivant :

LA COUR,

Vu le compte produit en 2007 par le trésorier-payeur général du Finistère en qualité de comptable principal de l'Etat, pour l’exercice 2006, dans lequel sont reprises les opérations des comptables des impôts de la direction des services fiscaux du Finistère pour le même exercice ;

Vu les pièces justificatives des décharges de droits et des admissions en non-valeur mentionnées auxdits états ;

Vu les balances de comptes desdits états au 31 décembre de l’année 2006 ;

Vu les états nominatifs des droits pris en charge par ces comptables jusqu'au 31 décembre 2003 et restant à recouvrer au 31 décembre 2006 ;

Vu les pièces justificatives recueillies au cours de l'instruction ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général de la comptabilité publique ;

Vu le décret n° 77-1017 du 1er septembre 1977 relatif à la responsabilité des comptables des administrations financières ;

Vu l’article 60 modifié de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu la loi n° 2008-1091 du 28 octobre 2008, relative à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes, et notamment son article 34, 1er alinéa ;

Vu l'arrêté n° 11-095 du Premier président, du 3 février 2011, portant répartition des attributions entre les chambres de la Cour des comptes ;

Vu l’arrêté modifié n° 06-346 du Premier président, du 10 octobre 2006, portant création et fixant la composition des sections au sein de la première chambre de la Cour des comptes ;

Vu la lettre du 8 septembre 2010 par laquelle, en application des articles R. 141‑10 et D. 141-10-1 du code des juridictions financières, le président de la première chambre de la Cour des comptes a notifié à la directrice divisionnaire, chargée de l’intérim de la direction des services fiscaux du Finistère, le contrôle des comptes pour les exercices 2004 à 2009 ;

Vu la fiche de réserves formulées le 19 juin 2009 par M. X, successeur de M. Y, comptable à Quimper-Est ;

Vu le réquisitoire à fin d’instruction de charge du Procureur général près la Cour des comptes n° 2011-112-RQ-DB du 7 décembre 2011, dont M. Y, comptable, a accusé réception le 7 janvier 2012 ;

Vu la lettre du président de la première chambre de la Cour des comptes du 9 décembre 2011 désignant Mme Dos Reis, conseillère maître, pour instruire les suites à donner au réquisitoire susvisé ;

Vu les éléments de réponse produits par le comptable le 24 janvier 2012 ;

Sur le rapport de Mme Dos Reis, conseillère maître ;

Vu les conclusions n° 231 du procureur général près la Cour des comptes du 26 mars 2012 ;

Vu la lettre du 16 mars 2012 du président de la première chambre désignant M. Brun-Buisson, conseiller maître, comme réviseur ;

Vu la lettre du 19 avril 2012 informant M. Y de la date de l’audience publique du 16 mai 2012, et l’accusé de réception de cette lettre signé le 23 avril 2012 par le comptable ;

Entendus en audience publique, Mme Dos Reis, conseillère maître, en son rapport oral, et M. Perrin, avocat général, en ses conclusions orales ; le comptable n’étant ni présent ni représenté ;

Entendu à huis clos, le ministère public et la rapporteure s’étant retirés, M. Brun-Buisson, conseiller maître, en ses observations ;

ORDONNE :

A l’égard de M. Y

Charge « Association Adria Développement »

Exercice 2006

Attendu que le ministère public, par réquisitoire du 7 décembre 2011, a constaté que l’association Adria-Développement a fait l’objet d’une procédure de sauvegarde par jugement du 20 avril 2006, publié le 11 mai 2006 ;

Attendu qu’une déclaration de créances de 114 656,00 euros a été établie le 21 février 2007 hors délai, au titre de déclarations de taxe sur la valeur ajoutée déposées sans paiement, relatives à des prestations, facturées avant le prononcé du jugement de sauvegarde, et encaissées au cours des mois suivants ; que par ordonnance du 17 juillet 2007, le juge-commissaire a rejeté la déclaration de créances du 21 février 2007, établie hors délai ;

Attendu qu’à défaut d’avoir été déclarées, dans les délais, en application des articles L. 622-24 et L. 622-26 du code de commerce, les créances de taxe sur la valeur ajoutée résultant d’opérations effectuées avant l’ouverture de la procédure de sauvegarde, sont forcloses et irrécouvrables, depuis le 12 juillet 2006 ;

Attendu que M. X, comptable à compter du 24 décembre 2008 et successeur de M. Y, a formulé des réserves le 19 juin 2009 sur ces créances ;

Attendu que par le réquisitoire susvisé, le Procureur général conclut que la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. Y, comptable en fonctions du 16 mai 2006 au 23 décembre 2008, pouvait être mise en jeu à hauteur de 114 656,00 euros, au titre de l’exercice 2006 ;

Attendu que dans sa réponse à la Cour le 24 janvier 2012, le comptable fait état, en premier lieu, de la production des créances ; qu’en effet, une première déclaration de créances établie le 30 juin 2006 de 76 838,00 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée des mois de mars et avril 2006 avait été admise au passif le 19 janvier 2007 ; que, par contre, la seconde déclaration de créances du 21 février 2007, d’un montant de 114 656,00 euros, hors délai, avait été rejetée par ordonnance du tribunal de Grande instance de Quimper le 17 juillet 2007 ;

Attendu que les créances d’un montant de 114 656,00 euros, mises en recouvrement postérieurement au jugement de sauvegarde mais résultant d’opérations effectuées antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure, relèvent de l’article L. 624-24 du code de commerce ; qu’il appartenait au comptable de les déclarer au passif, à titre provisionnel, avant le terme du délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde le 11 mai 2006, ce délai expirant le 11 juillet 2006 ; que ces créances, n’ont été déclarées que le 21 février 2007, qu’elles sont donc forcloses ;

Attendu que le comptable indique que ce dossier, durant son absence, a été suivi par son adjoint qui n’avait reçu ni information comptable de l’association Adria-Développement ni production de créances provisionnelles du service d’assiette ; qu’il s’est rendu lui-même le 19 janvier 2007 au siège de l’association pour déterminer le montant des créances résultant d’encaissements intervenus postérieurement aux prestations effectuées avant le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde ;

Attendu que le comptable, en second lieu, précise que la loi du 26 juillet 2005 a supprimé la règle de l’extinction des créances non déclarées ; que le comptable retrouve sa possibilité d’agir lorsque le plan est exécuté conformément aux engagements pris par le débiteur ; que le tribunal constate alors que l’exécution du plan est achevée sur requête du commissaire à l’exécution du plan, du débiteur, ou de tout intéressé en vertu de l’article L. 626-28 du code de commerce ;

Attendu que le comptable fait savoir qu’en l’espèce le plan de sauvegarde a été adopté le 24 avril 2007 pour une durée de dix ans ; il en déduit que les poursuites pourront être reprises à la clôture du plan, en avril 2017, pour recouvrer la créance de 114 656,00 euros, créance non prescrite à la date du 24 janvier 2012, date de sa réponse à la Cour ;

Attendu qu’aux termes de l’article L. 622-28 du code de commerce, le créancierforclos peut faire, au tribunal, cette demande de constatation de l’achèvement du plan ; que le créancier peut alors reprendre ses poursuites, puisque la créance existe toujours, mais à la condition que celle-ci ne soit pas atteinte par la prescription ;

Attendu qu’au cas d’espèce, lesdites créances mises en recouvrement en 2006 et 2007 sont prescrites en 2010 et 2011 en application de l’article L. 275 du livre des procédures fiscales, date à laquelle le plan de sauvegarde est toujours en cours ; 

Attendu que le comptable ajoute que l’inscription du privilège du Trésor n° 546 a été requise pour le montant global de la créance le 29 août 2007 par le tribunal de commerce de Quimper ;

Attendu enfin, que la note de la direction générale des Finances publiques (DGFIP) du 6 juillet 2009 rappelle aux comptables les règles de publicité du privilège du Trésor fixées par l’article 1929 quater du code général des impôts en cas de procédure collective ; que, pour les créances nées avant le jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le Trésor conserve son privilège pour les créances notifiées par avis de mise en recouvrement après la date du jugement d’ouverture dès lors qu’elles ont été déclarées à titre provisionnel dans les conditions de l’article L. 624-24 du code de commerce ; qu’au cas d’espèce, le Trésor ne pourra pas exercer son privilège pour les créances de 114 656,00 euros, l’inscription n’ayant pas été régulièrement requise à l’encontre de l’association Adria-Développement (article 1929 quater 7 du CGI), la déclaration des créances hors délai au passif de la procédure ayant été rejetée ;

Attendu que la responsabilité des comptables du fait du recouvrement des recettes s’apprécie au regard de l’étendue de leurs diligences qui doivent être « rapides, complètes et adéquates » ; que cette jurisprudence est fondée sur l’arrêt du Conseil d’Etat qui a jugé le 27 octobre 2000, (Desvigne) « le juge des comptes doit s’abstenir de toute appréciation du comportement personnel des comptables intéressés et ne peut fonder ses décisions que sur des éléments matériels des comptes ; il lui appartient à ce titre de se prononcer sur le point de savoir si un comptable public s’est livré aux différents contrôles qu’il lui appartient d’assurer, et notamment s’agissant du recouvrement d’une créance qu’il avait prise en charge, s’il a exercé dans les délais appropriés toutes les diligences requises pour ce recouvrement, lesquelles diligences ne peuvent être dissociées du jugement du compte » ;

Attendu qu’en l’espèce, la déclaration hors délai faite par M. Y le 21 février 2007 a définitivement compromis l’admission des créances au passif et les répartitions de dividendes du plan de sauvegarde ; que M. Y, en fonctions du 16 mai 2006 au 23 décembre 2008, n’a pas fait les diligences rapides, complètes et adéquates ;

Attendu qu’aux termes de l'article 60 modifié de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 : « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes…(paragraphe I- al. 1)… des contrôles qu’ils sont tenus d’exercer en matière de recette…dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique (paragraphe I- al. 2). La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors…qu'une recette n'a pas été recouvrée (paragraphe I-al. 3). La responsabilité pécuniaire d’un comptable public ne peut être mise en jeu que par…le juge des comptes (paragraphe IV). Le comptable public dont la responsabilité pécuniaire est mise en jeu à l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels une somme égale au montant de la perte de recette subie…(paragraphe VI-al. 1) » ;

Attendu dès lors que M. Y doit être constitué débiteur envers l’Etat de la somme de 114 656 euros ;

Attendu qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 modifié susvisé les intérêts courent : « au taux légal à compter du premier acte de mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ;

Attendu que le premier acte de mise en jeu de la responsabilité est la réception par le comptable de la notification du réquisitoire du ministère public ; que cette notification a été adressée par l’intermédiaire de la directrice départementale des finances publiques au comptable qui en a accusé réception le 7 janvier 2012 ; que les intérêts devront donc être calculés à compter de cette date ;

Par ce motif,

M. Y est constitué débiteur envers l’Etat au titre de l’année 2006, de la somme de cent quatorze mille six cent cinquante six mille euros (114 656,00 euros), augmentée des intérêts de droit à compter du 7 janvier 2012.

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Fait et jugé en la Cour des comptes, première chambre, première section, le seize mai deux mil douze, présents : Mme Fradin, président de section, M. Brun-Buisson, Mme Moati, MM. Lair et Chouvet, conseillers maîtres.

Signé : Fradin, président de section, Le Baron, greffier.

Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la Cour des comptes.

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

Délivré par moi, secrétaire général.

Pour le Secrétaire général

et par délégation,

le Chef du Greffe contentieux

Daniel FEREZ

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