Cour des comptes. 4ème chambre. Arrêt d'appel. 10/04/2014

Cour des comptes. 4ème chambre. Arrêt d'appel. 10/04/2014

Commune de Montreuil-sur-Ille (Ille-et-Vilaine) - Appel d'un jugement de la chambre régionale des comptes de Bretagne. n° 69577

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DES COMPTES a rendu l’arrêt suivant :


LA COUR,

Vu la requête, enregistrée le 5 novembre 2013 au greffe de la chambre régionale des comptes de Bretagne, par laquelle M. X, comptable de la commune de MONTREUIL-SUR-ILLE, a élevé appel du jugement n° 2013-05 du 3 septembre 2013 par lequel ladite chambre l’a constitué débiteur des deniers de ladite commune pour la somme de 89 397,88 €, augmentée des intérêts de droit calculés à compter du 9 janvier 2013 ;

Vu le réquisitoire du Procureur général près la Cour des comptes n° 2013-87 du 18 décembre 2013 transmettant la requête précitée à la Cour ;

Vu les pièces de la procédure suivie en première instance ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code général des collectivités territoriales (CGCT) et notamment son article D. 1617-19 ;

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ;

Vu le rapport de M. Yves Rolland, conseiller maître ;

Vu les conclusions du Procureur général n° 121 du 26 février 2014 ;

Entendu, lors de l’audience publique de ce jour, M. Rolland, en son rapport, M. Yves Perrin, avocat général, en les conclusions du ministère public ;

Entendu, en délibéré, M. Jean-Yves Bertucci, conseiller maître, en ses observations ;

Attendu que par le jugement n° 2013-05 du 3 septembre 2013 précité, la chambre régionale des comptes de Bretagne a constitué M. X débiteur de la commune de Montreuil-sur-Ille de la somme de 89 397,88 € augmentée des intérêts de droits calculés à compter du 9 janvier 2013, qui se décompose ainsi :

- débet de 33 688,06 € pour avoir procédé au paiement d’indemnités forfaitaires pour travaux supplémentaires et d’exercice de mission des préfectures à la secrétaire générale, Mme Y, en l’absence des arrêtés nominatifs requis ;

- débet de 55 709,82 € pour avoir procédé au paiement du traitement de Mme Y, en l’absence de la délibération créant l’emploi, le grade, l’échelon et les modalités de la rémunération.

Première charge

Attendu que l’appelant produit, pour contester la première charge, un arrêté du maire daté du 3 mai 2006, qu'il n'avait pas produit au cours de la procédure devant la chambre régionale des comptes de Bretagne, qui indique qu'« à compter du 1er janvier 2006, il est attribué à Mme Y une indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires d'un coefficient 8 » : que, selon l’appelant, cet arrêté est intervenu en application de la délibération du 2 décembre 2005 qui avait « laissé toute latitude au maire pour le montant à verser à chaque agent dans la limite des coefficients multiplicateurs maximum fixés par les textes en vigueur » ; qu’il demande à la Cour de considérer qu'en l'absence d'indications contraires, cet arrêté s’est valablement appliqué aussi longtemps qu'il n'a pas été rapporté ; que, s'appuyant sur la délibération du 2 décembre 2005 susmentionnée, le requérant estime en outre que « la signature des bordereaux de mandats par l'ordonnateur vaut certification du service fait et demande donc à la Cour d'admettre que la chambre régionale s'est fondée à tort sur l'absence de volonté exprimée par l'autorité compétente pour juger que la commune a subi un préjudice financier dans cette affaire » ; qu’en conclusion, il sollicite la Cour de fixer a minima la somme laissée à sa charge, compte tenu d’une augmentation importante de sa charge de travail depuis 2008 ;

Attendu que l'annexe I de l'article D. 1617-19 du CGCT précise que, s'agissant des indemnités à attribuer aux personnels communaux, la liste des pièces justificatives doit comprendre : la décision de l'assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités, la décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination fixant le taux applicable à chaque agent ; qu’au moment du paiement d’indemnités forfaitaires pour travaux supplémentaires à la secrétaire générale de 2008 à 2010, le comptable était en possession d’une délibération du conseil municipal du 2 décembre 2005 ainsi libellée : « A l'unanimité, les élus décident de revenir sur l'attribution d'une […] IEMP coefficient 3 et IFTS coefficient 5 pour la secrétaire générale. Considérant […] les élus décident de laisser toute latitude au Maire pour fixer le montant à verser à chaque agent dans les limites des coefficients multiplicateurs maximum fixés par les textes en vigueur. Le Maire fixera par arrêté individuel les IEMP, IAT, IFTS à verser aux bénéficiaires. Cette mesure entrera en vigueur au 1er janvier 2006 » ; qu’il détenait également un arrêté du maire daté du 3 mai 2006 attribuant, à compter du 1er janvier 2006, une indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires au profit de Mme Y, grade d'attaché, indice brut 780, avec un coefficient de 8 et une indexation sur la valeur du point fonction publique ;

Attendu qu’il ressort de l'annexe I de l'article D. 1617-19 du CGCT précitée que la production de l'arrêté d'octroi d’une telle indemnité est indispensable pour justifier le premier paiement mais que, pour les paiements ultérieurs, un état liquidatif suffit ; que les mandats de paiement d’indemnités forfaitaires pour travaux supplémentaires au profit de Mme Y étaient, chaque année, accompagnés d’un état liquidatif ;

Attendu que l’arrêté du 3 mai 2006 produit par le requérant à l’appui de son appel mentionne l’attribution d’indemnités forfaitaires pour travaux supplémentaires mais pas celle d’indemnités pour exercice de missions de préfecture ; qu’il ne ressort pas des autres pièces du dossier une intention de l’autorité chargée du pouvoir de nomination d’attribuer à Mme Y de telles indemnités avant le mois de novembre 2011 ;

Attendu qu’en application des articles 12 et 13 du décret du 29 décembre 1962 susvisé, les comptables sont chargés de contrôler la validité de la créance, incluant notamment la production des justifications ; qu’en vertu de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, la responsabilité des comptables est engagée dès lors qu’une dépense a été irrégulièrement payée ;

Considérant qu’avec la délibération du 2 décembre 2005 et l’arrêté, non produit en première instance, du 3 mai 2006, M. X disposait au moment du paiement à Mme Y des indemnités forfaitaires pour travaux supplémentaires qui lui ont été versées, de pièces justificatives suffisantes pour dégager sa responsabilité ; qu’il y a donc lieu d’admettre sa requête et d’infirmer le débet pour la part correspondante ;

Considérant, en revanche, que faute d’arrêté du maire décidant le versement d’indemnités pour exercice de missions des préfectures au profit de Mme Y, pris en application de la délibération du 2 décembre 2005, il ne détenait pas au moment du paiement de décision de l’autorité compétente fixant le taux applicable à Mme Y; qu’il a ainsi engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire en n’assurant pas les contrôles qui lui incombaient et notamment le contrôle de la production des justifications prévues en l’espèce par l’annexe I de l’article L. 1617-19 du CGCT ;

Considérant, par ailleurs, qu’en l’absence de décision de l’autorité compétente, les indemnités incriminées étaient indues et que leur paiement par M. X a, de ce fait, entraîné un préjudice financier pour la commune ; que, s’agissant, de paiements ayant entraîné un préjudice financier, la surcharge du poste invoquée par le requérant est sans incidence sur la décision du juge des comptes ;

Considérant que c’est donc à bon droit que la chambre régionale des comptes a constitué M. X débiteur envers la commune du montant des indemnités pour exercice de missions des préfectures versées à Mme Y entre 2008 et 2010 pour un montant de 11 267,88 € ;

Seconde charge

Attendu que le requérant demande à la Cour de limiter la somme dont il a été constitué débiteur à la différence entre la rémunération indûment perçue par Mme Y en raison de l’application d’un nouvel indice de traitement attaché à un grade auquel elle ne pouvait prétendre et celle qu’elle aurait dû percevoir au titre du grade qu’elle détenait jusqu’alors ; qu’il demande également à la Cour, dans la mesure où un titre de recettes a été émis par le maire à l'encontre de Mme Y, pour récupérer les sommes qui lui ont ainsi été indûment payées en 2011 et 2012, soit 33 890 €, de décider que les remboursements qui seraient obtenus s'imputeraient sur ce débet ;

Considérant que Mme Y a exercé ses fonctions durant l’intégralité de l’exercice 2011 et qu’à ce titre, elle devait percevoir une rémunération calculée en fonction de l’indice de traitement correspondant au grade qui était le sien avant sa nomination irrégulière au grade d’attaché principal territorial ; que la somme irrégulièrement payée par M. X correspond ainsi, non pas à l’intégralité de la rémunération versée à Mme Y au cours de l’exercice 2011, mais à la différence entre la rémunération qu’il lui a versée et celle qu’il aurait dû lui verser si elle avait été calculée en appliquant l’indice de traitement dont elle bénéficiait antérieurement, soit un montant de 26 570,15 € ; qu’il en résulte qu’il y a lieu d’infirmer le débet prononcé par la chambre régionale des comptes au titre de la deuxième charge pour la part excédant ce montant ;

Considérant que le remboursement par le bénéficiaire de la somme indûment versée a le même effet exonératoire qu'un versement du comptable sur ses deniers propres ; mais que la simple émission d'un titre de recettes, au demeurant contesté par la bénéficiaire au cas d’espèce, des sommes indûment perçues, ne peut conduire à réduire ou annuler le montant du débet ; qu’à ce jour, la preuve n’a pas été apportée que Mme Y a reversé tout ou partie des sommes dues dans la caisse communale en exécution du titre de recettes émis à son encontre ; qu’en conséquence, les éventuels futurs remboursements de Mme Y s’imputeraient sur le montant des sommes que le présent arrêt laisse à la charge du requérant ;

Par ces motifs,

DECIDE :

Article 1 - Le jugement du 3 septembre 2013 de la chambre régionale des comptes de Bretagne est infirmé en ce qu’il a fixé les débets prononcés à l’encontre de M. X à hauteur de 33 688,06 € au titre de la première charge et à 55 709,82 € au titre de la seconde charge, les intérêts étant calculés à compter du 9 janvier 2013 ;

Article 2 - Le débet prononcé à l’encontre de M. X au titre de la première charge est fixé à la somme de 11 267,88 € augmentée des intérêts de droit calculés à compter du 9 janvier 2013 ;

Article 3 - Le débet prononcé à l’encontre de M. X au titre de la seconde charge est fixé à la somme de 26 570,15 € augmentée des intérêts de droit calculés à compter du 9 janvier 2013.

Article 4 – La requête est rejetée pour le surplus.

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Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents : M. Vachia, président, MM. Ganser, président de section, Lafaure, Bertucci, Maistre, Mme Gadriot-Renard et M. Geoffroy, conseillers maîtres.

Signé : Vachia, président, et Le Baron, greffier.

Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la Cour des comptes.

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d'y tenir la main à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu'ils en seront légalement requis.

Délivré par moi, secrétaire général.

Pour le secrétaire général

et par délégation, la greffière principale,

Chef du greffe de la Cour des comptes


Florence BIOT

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