Cour des comptes. 6ème chambre. Arrêt. 22/07/2014

Cour des comptes. 6ème chambre. Arrêt. 22/07/2014

Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH) - Exercices 2002 à 2011. n° 70057

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DES COMPTES a rendu l’arrêt suivant :

LA COUR,

Vu le réquisitoire n° 2013-73-RQ-DB du 4 novembre 2013 du Procureur général près la Cour des comptes saisissant la sixième chambre de la Cour de deux présomptions de charges à l’encontre de Mme X, au titre de sa gestion du 1er février 2008 au 31 décembre 2011 ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code civil ;

Vu l’article 60 de la loi du 23 février 1963 dans sa rédaction issue de la loi de finances rectificative du 28 décembre 2011 ;

Vu le code de la santé publique, notamment les articles L. 6113-8 et R. 6113-33 à R. 6113-52 issus du décret du 26 décembre 2000 modifié ;

Vu les lois et règlements applicables aux établissements publics nationaux à caractère administratif ;

Vu les comptes de l’agence technique de l’information sur l’hospitalisation produits pour les exercices 2002 à 2007 par Mme Y et pour les exercices 2008 à 2011 par Mme X;

Vu les pièces de mutation des agents comptables établissant leurs dates d’entrée et de sortie de fonction comme suit : Mme Y du 19 avril 2002 au 31 janvier 2008 ; Mme X à compter du 1er février 2008 ;

Vu le rapport d’examen juridictionnel des comptes n° 2013-599-0 et le rapport à fin d’arrêt n° 2014-043-0 de Mme Pascale Bouzanne des Mazery, conseiller maître, transmis au Procureur général près la Cour des comptes ;

Vu les conclusions n°s 666 du 4 octobre 2013 et 94 du 6 février 2014 du Procureur général près la Cour des comptes ;

Vu les lettres du 8 novembre 2013 transmettant le réquisitoire du ministère public à l’agent comptable concerné et à l’ordonnateur de l’établissement, ainsi que leur accusé de réception ;

Vu la lettre enregistrée le 29 novembre 2013 par laquelle le directeur de l’agence technique de l’information sur l’hospitalisation demande au juge des comptes de lever la charge retenue à l’encontre de Mme X à raison du paiement du solde du marché conclu avec la société CTC Conseil ;

Vu les lettres enregistrées le 17 décembre 2013 et les pièces qui y sont annexées, par lesquelles Mme X conclut à la décharge de sa responsabilité ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu les lettres du 6 février 2014 informant la comptable et l’ordonnateur de l’agence de la date de l’audience publique, et leur accusé de réception ;

Après avoir entendu en audience publique, Mme Bouzanne des Mazery, conseiller maître, en son rapport, Mme Marie-Pierre Cordier, Premier avocat général, en ses conclusions, la comptable, Mme X n’étant ni présente ni représentée ;

Après en avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du représentant du ministère public et après avoir entendu Mme Lévy-Rosenwald, conseiller maître, en ses observations ;

Sur les exercices 2002 à 2008 au 31 janvier

Considérant que, par l’effet de la prescription édictée par l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, il n’y a plus lieu de statuer sur les comptes des exercices 2002 à 2006, produits avant le 31 décembre 2007 ; que, dès lors, Mme Y est réputée déchargée de sa gestion par effet de la loi, du 19 avril 2002 au 31 décembre 2006 ;

Considérant que, pour les comptes des exercices 2007 et 2008, produits postérieurement au 31 décembre 2007, l’exacte reprise des soldes de l’exercice en balance d’entrée des comptes de l’exercice suivant a été vérifiée ;

Considérant que le Procureur général de la République, dans ses conclusions susvisées, ne relève aucune charge contre la comptable en fonction au cours des exercices 2007 et 2008, au 31 janvier ; qu’il y a donc lieu de la décharger de sa gestion pour ces exercices et de la déclarer quitte ;

Sur les présomptions de charges soulevées par le Parquet

Considérant que le ministère public, par réquisitoire du 4 novembre 2013, a retenu deux charges à l’encontre de Mme X au titre de sa gestion du 1er février 2008 au 31 décembre 2011 ; qu’en premier lieu, il relève que l’intéressée a payé le mandat n° 390 du 14 mai 2008, d’un montant de 148 603 euros réputé égal à celui du solde du marché public de « supervision » d’établissements de santé entré en vigueur le 27 août 2007, sans « disposer de l’ensemble des mentions prévues au contrat », notamment de celles énumérées à l’article 10.4 du cahier des clauses administratives particulières (CCTP), en sorte qu’elle n’a pu exercer le contrôle de la validité de la créance ni celui de l’exactitude des calculs de liquidation dans les conditions fixées par les articles 12 et 13 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, alors applicable ; qu’en second lieu Mme X n’a pas justifié des diligences effectuées par ses soins en vue du recouvrement des créances détenues par l’ATIH sur la société ARES (titres de recettes n° 162, 342, 371, 372, 733 et 734), s’élevant au total à 7 369,76 euros et admises en non-valeur par délibération du conseil d’administration de l’ATIH du 23 novembre 2011 ;

Sur la première présomption de charge

Considérant qu’aux termes de l’article 10.4 du CCAP du marché de supervision des établissements de santé attribué par l’ATIH à la société CTC CONSEIL, à effet du 27 août 2007, « […] les factures afférentes au paiement seront établies en un original et 3 copies, portant outre les mentions légales, les indications suivantes : […] le nombre de centres hospitaliers, et le nombres d’autres établissements dont la supervision a été réalisée, ainsi que leur liste initiale et le cas échéant actualisée ; […] le montant par centres hospitaliers supervisés ; […] le montant pour les autres établissements supervisés ; […] le montant total des prestations TTC » ; qu’au surplus, l’article 8 bis du cahier des clauses administratives générales « Fournitures courantes et services » (CCAG-FCS) approuvé par le décret du 27 mai 1977 modifié, qui constituait une référence contractuelle en l’espèce et était applicable à la date du paiement, obligeait le titulaire du marché à fournir à l’ATIH « une note établie sur papier à en-tête comportant les indications suivantes : […] 3. La référence du marché et, éventuellement de chacun des avenants […] ; 4.L’objet succinct du marché ; 5. La date, le numéro et le montant de chaque décompte, facture ou mémoire ainsi que le montant total des sommes dont le règlement est demandé ; […] 6. La date de réception du décompte, de la facture ou du mémoire […] » ;

Considérant que figuraient à l’appui du mandat n° 390 du 14 mai 2008 d’un montant de 148 603 euros payé en faveur de la société CTC CONSEIL à titre de règlement du solde du marché, d’une part, une facture sommaire du 5 mai 2008 se bornant à faire apparaître, outre les mentions légales, le numéro dudit marché, la référence du bon de commande, le montant hors taxe (HT) du solde présumé, soit 142 000 euros, en déduction, celui de l’avance de démarrage de 17 750 euros HT et celui de la taxe à la valeur ajoutée pesant sur la différence de 124 250 euros HT, soit 24 353 euros, d’autre part, une attestation du service fait, enfin, un état des quarante-trois établissements ayant fait l’objet d’une supervision de la part de l’entreprise ; qu’en revanche l’agent comptable ne disposait pas des indications que devait lui fournir la société CTC CONSEIL en application des articles 10.4 du CCAP et 8 bis du CCAG, notamment « la date, le numéro et le montant de chaque décompte, facture ou mémoire ainsi que le montant total des sommes dont le règlement est demandé » ;

Considérant que le directeur de l’ATIH, dans une lettre du 27 novembre 2013, se prévaut des termes de l’article 10.2 du CCAP pour justifier le bien-fondé du paiement litigieux ; que ces stipulations déterminent un échéancier des paiements partiels du forfait contractuel en fonction du pourcentage d’avancement de la réalisation des prestations ; qu’elles ne sont pas, par elles-mêmes, de nature à couvrir l’insuffisance des pièces justificatives ; que ce moyen inopérant ne peut être qu’écarté ;

Considérant que Mme X a produit en cours d’instruction, d’une part, le bon de commande mentionné sur la facture du 5 mai 2008 établie par la société CTC CONSEIL, d’autre part, les « accusé [s] de réception des rapports de supervision » numéros 1 (quinze établissements supervisés) et 2 (douze établissements supervisés), dûment signés de l’ordonnateur, sur le fondement desquels ont été versés deux acomptes représentant, conformément à l’article 10.2 du CCAP, respectivement 10 et 50 % du montant du forfait contractuel, enfin, un tableau de suivi de l’exécution du marché tenu par ses soins, récapitulant les paiements successifs effectués au profit du prestataire et comprenant un résumé des principales caractéristiques du marché (objet, durée, type, prix, échéancier de paiement) ;

Considérant que ces pièces ne peuvent à elles seules constituer « l’ensemble des mentions prévues au contrat », notamment celles énumérées aux articles 8 bis du CCAG approuvé par le décret du 27 mai 1977 modifié alors en vigueur et 10.4 du CCAP du marché du 27 août 2007 attribué à la société CTC CONSEIL ; qu’il résulte néanmoins des justifications produites que l’ATIH n’a subi aucun préjudice, l’attributaire du marché du 27 août 2007 ayant effectué les prestations et perçu le forfait stipulé au contrat ;

Considérant par suite que la responsabilité pécuniaire et personnelle de Mme X est engagée en raison de ce manquement à ses obligations au regard des dispositions des articles 12 B et 13 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique alors en vigueur ; qu’en l’absence de préjudice le juge des comptes est fondé à mettre à la charge de l’intéressée une somme ne pouvant excéder un millième et demi du montant du cautionnement en cours de validité à la date du paiement, soit 294,60 euros ; qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce, eu égard tant à l’importance du marché que des conditions de suivi de son exécution par Mme X, en fixant cette somme à 200 euros ;

Sur la seconde présomption de charge

Considérant que l’action en recouvrement des créances de l’ATIH se prescrit par « cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer », conformément aux termes de l’article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi 17 juin 2008 ;

Considérant que l’ATIH, au cours de la période du 30 mars au 3 novembre 2010, a émis à l’encontre de la société ARES les titres de recettes n° 162, 342, 371, 372, 733 et 734 représentant une somme totale de 7 369,76 euros ; que cette entreprise a été mise en liquidation judiciaire à compter du 29 novembre 2010, en sorte que l’action en recouvrement menée par l’agent comptable s’est trouvée suspendue ; que Mme X a produit les créances en cause au mandataire désigné par le tribunal de commerce, dans le délai requis de deux mois, comme l’atteste l’acte de déclaration du 28 décembre 2010 ; que l’intéressée a reçu une attestation du 13 juillet 2011 par laquelle le mandataire liquidateur indique que l’actif de la société ARES, compte tenu des droits des créanciers privilégiés, n’était pas suffisant pour couvrir les créances chirographaires de l’ATIH ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme X doit être regardée comme ayant accompli des diligences adéquates, complètes et rapides ;

Par ces motifs,

CONSTATE :

Article 1er : Mme Y est réputée déchargée de la période comprise entre le 19 avril 2002 et le 31 décembre 2006 ;

DECIDE :

Article 2 : Mme Y est déchargée de sa gestion pour la période comprise entre le 1er janvier 2007 et le 31 janvier 2008.


Article 3 : Mme Y est déclarée quitte et libérée de sa gestion terminée à la date ci-avant indiquée. Mainlevée peut être donnée et radiation peut être faite de toutes oppositions et inscriptions mises ou prises sur ses biens meubles et immeubles ou sur ceux de ses ayants cause pour sûreté de ladite gestion et son cautionnement peut être restitué ou ses cautions dégagées.

Article 4 : La somme de 200 euros est mise à la charge de Mme X en application du paragraphe VI alinéa 2 de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ; elle ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du paragraphe IX de l’article 60 précité.

Article 5 : La seconde présomption de charge retenue à l’encontre de Mme X est levée.

Article 6 : Mme X est déchargée de sa gestion pour les exercices 2009 et 2010.

Article 7 : Il est sursis à la décharge de Mme X au 31 décembre 2011 jusqu’à la justification du paiement de la somme mentionnée à l’article 1er et au constat de l’exacte reprise des soldes constatés au 31 décembre 2011 en balance d’entrée 2012.

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Fait et jugé par la Cour des comptes, sixième chambre, troisième section, le vingt-six février deux mille quatorze. Présents : M. Durrleman, président, Mme Lévy-Rosenwald, présidente de section, MM. Diricq, Laboureix, Jamet, conseillers maîtres.

Signé : Durrleman, président, et Le Baron, greffier.

Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la Cour des comptes.

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous les huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution ; aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

Délivré par moi, secrétaire général.


Pour le secrétaire général

et par délégation, la greffière principale,

Chef du greffe de la Cour des comptes

Florence Biot

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