CRTC. CRC Aquitaine Poitou-Charentes. Jugement. 03/06/2014

CRTC. CRC Aquitaine Poitou-Charentes. Jugement. 03/06/2014

Commune - Martignas-sur-Jalle - (Gironde). n° 2014-0004

La République Française

Au nom du peuple français

La Chambre régionale des comptes d’Aquitaine, Poitou-Charentes

VU le réquisitoire en date du 12 décembre 2013, par lequel le Procureur financier a saisi la Chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. Raymond X..., comptable de la commune de Martignas-sur-Jalle, au titre d’opérations relatives à l’exercice 2008 ;

VU la notification du réquisitoire du procureur financier et du nom du magistrat chargé de l’instruction à M. Raymond X..., comptable, le 10 janvier 2014 et à M. Y..., maire, le même jour ;

VU les comptes de la commune de Martignas-sur-Jalle pour l’exercice 2008 ;

VU le code des juridictions financières ;

VU le code général des collectivités territoriales ;

VU l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;

VU le décret n°62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

VU le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application de l’article 60.VI, 2ème alinéa, de la loi du 23 février 1963 susvisée ;

VU la lettre du 23 janvier 2014, notifiée le 27 janvier, par laquelle le magistrat a informé le comptable et l’ordonnateur de la possibilité d’adresser leurs observations écrites et d’apporter toute justification dans un délai de cinq semaines à compter de sa réception ;

VU les pièces produites au cours de l’instruction, notamment les justifications en réponse transmises par le comptable, enregistrées au greffe de la Chambre le 19 février 2014 ;

Sur le rapport de M. Pierre GRIMAUD, premier conseiller ;

VU les conclusions du procureur financier ;

VU la notification le 14 mars 2014 de la clôture de l’instruction et de la date de tenue de l’audience publique à M. Raymond X..., comptable et à M. Y..., maire ;

Après avoir entendu en audience publique le rapporteur et les conclusions orales de M. Benoit BOUTIN, procureur financier, ainsi que M. Raymond X..., comptable, en l’absence de M. le maire de Martignas-sur-Jalle, M. Raymond X... ayant eu la parole en dernier ;

Après avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier ;

Charge unique

Considérant que, par le réquisitoire susvisé du 12 décembre 2013, le procureur financier a soulevé à l’encontre de M. Raymond X... une charge relative au paiement, sur l’exercice 2008, de 42 mandats pour des prestations d’un marché de denrées alimentaires dans le cadre de la restauration collective et des événements municipaux dépassant, pour un total de 8 086,94 € TTC (selon décompte annexé au présent jugement), le montant maximal contractuel du marché, sans disposer des justifications prévues par la règlementation ;

Considérant que, le comptable fait valoir qu’un avenant au contrat a été établi par la commune le 31 mars 2009 portant le maximum du marché de 13 000 € HT à 24 000 € HT, lequel a été notifié à la société prestataire le 16 avril 2009 ; qu’ainsi, en haussant ce maximum, cet avenant, même tardif, aurait pu autoriser ces dépenses tout en reconnaissant ainsi le paiement de ces prestations en dépassement sans pièces justificatives ; que si sa responsabilité personnelle et pécuniaire serait susceptible d’être engagée, ce manquement n’aurait pas causé de préjudice financier à la commune de Martignas-sur-Jalle, faisant siens les arguments avancés par le maire de la commune ci-après présentés ;

Considérant que, dans ses conclusions, le procureur financier, fait valoir qu’à défaut d’avoir exigé au moment du paiement la production d’un avenant ou d’une décision de poursuivre autorisant le dépassement du plafond contractuel et d’avoir suspendu conformément à l’article 37 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique le paiement desdits mandats en l’absence d’une telle décision, M. Raymond X... a payé à la société prestataire des factures de denrées alimentaires pour un montant total de 8 086,94 € TTC sans disposer des pièces justificatives requises par la réglementation et qu’il a dès lors engagé sa responsabilité pécuniaire et personnelle pour une dépense irrégulièrement payée ; qu’en conséquence, le conseil municipal n’ayant pas préalablement décidé de ces dépenses, leur réalisation a entraîné un appauvrissement non recherché par la collectivité et causé un préjudice financier pour la commune ;

Considérant que, dans sa réponse, le maire de la commune fait valoir que les bons de commandes supplémentaires trouvaient leur origine dans l’augmentation du nombre de rationnaires en raison de l’ouverture d’une classe supplémentaire ainsi que du nombre de repas à domicile ; qu’ainsi les sommes payées sans justificatifs en dépassement du plafond contractuel répondaient à la volonté de la commune de satisfaire ces besoins; qu’en conséquence, la commune n’a pas subi de préjudice financier du fait du manquement du comptable en matière de contrôle de l’exacte validité de la créance ;

Considérant qu'en matière de dépenses, en application des articles 12 et 13 du décret n°62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, applicable au moment des faits, les comptables sont tenus d'exercer le contrôle de la validité de la créance, qui porte notamment sur la production des justifications ; qu’en application de l’article 37 du décret précité, à l’occasion des contrôles prévus à l’article 12, les comptables doivent suspendre les paiements et en informer l’ordonnateur si des irrégularités sont constatées ;

Considérant qu'en application du troisième alinéa du I de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables se trouve engagée dès lors qu'une dépense a été irrégulièrement payée ;

Considérant que le décret n°2007-450 du 25 mars 2007 relatif aux pièces justificatives des dépenses du secteur public local liste dans son annexe I les pièces justificatives que les comptables publics doivent exiger avant de procéder au paiement d’une dépense ; que s’agissant des marchés publics, la rubrique 4312 de l’annexe au décret mentionne qu’« en cas de dépassement du montant initial prévu au marché », le comptable doit disposer « [d’]un avenant, ou si le marché en prévoit la possibilité, d’une décision de poursuite » ;

Considérant que les dispositions du code des marchés publics, notamment dans ses articles 81 et 118, s’opposent à tout commencement d’exécution d’un avenant – qui est indissociable du marché initial – avant sa notification ; qu’il est de jurisprudence constante qu’un avenant ne peut avoir d'effet rétroactif ; qu’ainsi, l’avenant du 31 mars 2009 produit par le comptable ne peut être considéré comme justifiant des dépenses de fournitures de denrées alimentaires au titre de l’exercice 2008 ;

 Considérant que le manquement du comptable ne résulte pas de circonstances constitutives de la force majeure ;

Considérant qu’en conséquence, à défaut de disposer des pièces justificatives exigées par le décret du 25 mars 2007 précité, M. Raymond X…, en ne suspendant pas les paiements à compter du premier mandat dont le montant excédait le maximum autorisé, a manqué à ses obligations telles que définies ci-avant et procédé au paiement de dépenses irrégulières pour un montant total de 8 086,94 € TTC en 2008, engageant ainsi sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;

Considérant, toutefois, que l’absence de décision préalable du conseil municipal de la commune de Martignas-sur-Jalle, pour fonder le manquement du comptable, n’établit pas, par elle-même, un appauvrissement de la commune ; que le service a été fait sur une commande de la collectivité pour satisfaire un besoin de la collectivité ; que si la suspension de paiement à laquelle aurait dû procéder le comptable aurait dû déboucher sur la passation d’un avenant préalable à la poursuite des paiements, rien ne permet d’établir que le prix en aurait été fixé à un niveau différent de celui approuvé par le conseil municipal lors de la passation du marché initial ou de l’avenant approuvé en mars 2009 ;

Considérant que, en fonction de l’analyse qui précède, le manquement du comptable n’a pas causé de préjudice financier à la commune de Martignas-sur-Jalle ;

Considérant, toutefois, qu’en application des dispositions de l’article 60.VI, 2ème alinéa, de la loi du 23 février 1963 susvisée, « lorsque le manquement du comptable (…) n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce » ; qu’aux termes du décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 susvisé, le montant maximal de cette somme est fixé à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable, soit 340,50 € pour le poste comptable de la trésorerie d’Arcachon dont relève la commune de Martignas-sur-Jalle ;

Considérant que, eu égard aux circonstances, tenant notamment à la faiblesse des montants unitaires des mandats, inférieurs à 1 000 € et au seuil de contrôle du comptable tel qu’établi dans le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense, ainsi qu’aux difficultés du poste comptable exposées par le comptable, il y a lieu de fixer à 150,00 € le montant de la somme mise à la charge de M. X...;

DÉCIDE :

Article 1er :

M. Raymond X... devra s’acquitter d’une somme de 150,00 € (exercice 2008).

La décharge de M. Raymond X... ne pourra être donnée qu’après apurement de la somme à acquitter, fixée ci-dessus.

Délibéré par M. Gilles KOVARCIK, Président de section, Président de séance, Mme Eliette GERME-TELLEZ et M. Vincent POUX, premiers conseillers.

En présence de M. Jean-Pierre ROLLAND, greffier de séance.

Lu en audience publique, le 3 juin 2014

Le greffier de séance

Jean-Pierre ROLLAND

Le Président de séance

Gilles KOVARCIK

En conséquence, la République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre les dispositions définitives dudit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

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