Cour des comptes. 4ème chambre. Arrêt d'appel. 22/01/2015

Cour des comptes. 4ème chambre. Arrêt d'appel. 22/01/2015

Commune de Sainte-Alvère (Dordogne) - Appel sur une ordonnance de décharge rendue par la chambre régionale des comptes d'Aquitaine, Poitou-Charentes. n° 71482

République Française,

Au nom du peuple français,

La Cour,

Vu les conclusions du procureur financier près la chambre régionale des comptes d’Aquitaine, Poitou-Charentes en date du 17 février 2014 ;

Vu l’ordonnance n° 2014-0015 du 19 février 2014, par laquelle le président de la chambre régionale des comptes d’Aquitaine, Poitou-Charentes a déchargé M. X, comptable de la commune de Sainte-Alvère, de sa gestion du 1er janvier 2008 au 5 avril 2011 ;

Vu la requête du 18 avril 2014, enregistrée au greffe de la chambre régionale des comptes d’Aquitaine, Poitou-Charentes le 22 avril 2014, par laquelle le maire de la commune de Sainte-Alvère, habilité par le conseil municipal et représenté par Me Véronique MIROUSE, a formé appel de cette ordonnance qui lui avait été notifiée le 25 février 2014 ;

Vu le réquisitoire n° 2014-78 du 25 juin 2014, du Procureur général près la Cour des comptes transmettant à la Cour la requête précitée ;

Vu les pièces de la procédure suivie préalablement à la délivrance de l’ordonnance de décharge ;

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;

Vu le code des juridictions financières (CJF) ;

Vu le rapport de M. Jean LEGER, conseiller référendaire ;

Vu les conclusions du Procureur général ;

Entendu, lors de l’audience publique du 8 décembre, M. LEGER, en son rapport, M. Bertrand DIRINGER, avocat général, en les conclusions du ministère public, ainsi que Me MIROUSE, avocat au barreau de Paris, représentant l’appelant, intervenu en dernier ;

Entendu, en délibéré, M. Yves ROLLAND, conseiller maître, en ses observations ;

Sur la régularité de la procédure

Attendu que l’appelant fait valoir que « la commune ne s’est vue notifier aucun document précisément daté de la direction départementale des finances publiques, l’informant qu’il était donné décharge à M. X pour la gestion de ladite commune pour les années concernées, ni aucun élément ou courrier de la CRC avant la notification de l’ordonnance litigieuse lui demandant de faire part de ses observations sur la gestion de son percepteur de 2003 à 2011 » ;

Attendu que le jugement des comptes de la commune de Sainte-Alvère a été notifiéau maire de cette commune, en application de l’article R. 242-1 du CJF, par un courrier du président la chambre régionale des comptes daté du 26 septembre 2013 ; que le maire a accusé réception de ce courrier par lettre du 25 novembre, reçue au greffe de la chambre régionale le 28 novembre ; que l’ordonnance de décharge dont est appel lui a été notifiée le 21 février 2014 ; qu’il en a accusé réception le 25 février ;

Attendu dès lors que l’affirmation selon laquelle la commune n’aurait reçu aucun courrier de la chambre régionale avant la notification de l’ordonnance litigieuse manque en fait ;

Attendu que la notification de l’ordonnance de décharge à la direction départementale des finances publiques prévue par l’article D. 242-32 du CJF vise à informer les comptables, par son entremise, et non les ordonnateurs ; que le moyen selon lequel la direction départementale des finances publiques aurait manqué d’informer la commune de la décharge du comptable, manque en droit ; qu’au demeurant, au cas d’espèce, l’ordonnance a été notifiée le même jour à l’ordonnateur et à la direction départementale des finances publiques ;

Attendu que le courrier précité du 26 septembre 2013 n’invitait pas explicitement l’ordonnateur à faire part de ses observations sur la gestion du comptable de la commune ; qu’il mentionnait seulement que le magistrat instructeur « prendra contact avec [le maire] et avec [ses] services en tant que de besoin » ; qu’en application de l’article R. 242-2 du CJF, « Le magistrat rapporteur instruit à charge et à décharge les comptes dont il est saisi » ; qu’il est loisible à l’ordonnateur, dans cette phase d’instruction, de faire part au magistrat instructeur de ses observations sur la gestion du comptable de la collectivité ; que dès lors, en n’invitant pas explicitement l’ordonnateur à faire part de ses observations sur la gestion de son comptable, la chambre régionale n’a pas commis d’erreur de droit ;qu’au surplus, au cas d’espèce, l’ordonnateur avait indiqué à la chambre, dans son courrier précité du 25 novembre, être à la disposition du rapporteur « pour répondre à ses demandes de renseignements et pour l’aider au mieux dans sa tâche » sans formuler à cette occasion aucun grief à l’encontre de la gestion du comptable ;

Attendu qu’aux termes de l’article L.242-1 du CJF, « II. - Lorsque le ministère public ne relève aucune charge à l’égard d’un comptable public, il transmet ses conclusions au président de la formation de jugement ou à son délégué. Celui-ci peut demander un rapport complémentaire. Lorsque le ministère public ne relève aucune charge après communication de ce dernier, le président de la formation de jugement ou son délégué rend une ordonnance déchargeant le comptable de sa gestion. Si aucune charge ne subsiste à l’encontre du comptable public au titre de ses gestions successives et s’il a cessé ses fonctions, quitus lui est donné dans les mêmes conditions. //  III – Lorsque le ministère public relève, dans les rapports mentionnés au I ou au vu des autres informations dont il dispose, un élément susceptible de conduire à la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable ou présomptif de gestion de fait, il saisit la formation de jugement » ;

Attendu que le procureur financier près la chambre régionale d’Aquitaine, Poitou-Charentes n’avait, dans ses conclusions susvisées du 17 février 2014, relevé aucune charge à l’encontre de M. X ;

Attendu que la procédure contradictoire n’étant ouverte qu’à compter de la notification d’un réquisitoire, la procédure suivie, avant l’ouverture éventuelle de la procédure contentieuse, ne saurait être considérée comme irrégulière en raison d’un manquement implicitement allégué au contradictoire ; qu’il résulte donc de ce qui précède que la procédure suivie par la chambre régionale des comptes d’Aquitaine, Poitou-Charentes n’est entachée d’aucune irrégularité ;

Sur le fond

Attendu que l’appelant ne conteste pas, sur la forme, l’ordonnance de décharge entreprise, mais qu’il la conteste sur le fond, à raison de l’inaction alléguée du comptable qui aurait définitivement compromis le recouvrement de certaines recettes pour un montant de 189 921,01 € ;

Attendu qu’aucune disposition du code des juridictions financières ne donne compétence à la Cour des comptes pour connaître en appel d’une présomption de charge invoquée par un appelant qui n’aurait pas été relevée dans un réquisitoire du ministère public ;

Attendu ainsi, qu’en l’état actuel du droit, lorsque le ministère public ne relève aucune charge à l’encontre d’un comptable dont le compte est examiné par la chambre régionale des comptes, d’une part le premier juge ne commet pas d’erreur de droit en déchargeant le comptable par voie d’ordonnance, lorsque le ministère public n’a relevé aucune charge, d’autre part, le juge d’appel ne peut connaître d’aucun manquement qui serait reproché au comptable ;

Attendu qu’ainsi, la responsabilité de M. X ne peut être mise en jeu en appel ; qu’il n’y a donc pas lieu de statuer au fond sur les éléments à charge ;

Attendu qu’au cours de l’audience publique l’appelant a demandé à la Cour d’ouvrir de nouveau l’instruction, dont la clôture lui avait été notifiée le 21 octobre 2013, pour lui permettre de déposer un mémoire complémentaire, considérant n’avoir pas disposé du temps nécessaire entre la clôture de l’instruction et le dépôt des conclusions du ministère public, dont il a été avisé le 31 octobre, d’une part, et l’audience publique du 8 décembre, d’autre part, pour préciser les griefs de la commune à l’encontre du comptable déchargé ;

Attendu qu’en vertu de l’article R. 142-5 du CJF, les parties peuvent adresser au magistrat chargé de l’instruction leurs observations écrites dont la production est notifiée à chaque partie ; que le III de l’article R. 142-6 du CJF prévoit que « Si des observations ou des pièces nouvelles sont produites par une partie entre la clôture de l’instruction et la mise en délibéré de l’affaire, elles sont communiquées au magistrat chargé de l’instruction et au ministère public. Les autres parties sont informées de la production de ces observations ou pièces nouvelles ainsi que de la possibilité de les consulter » ; qu’il résulte de ces dispositions que l’appelant avait tout loisir pour déposer un ou plusieurs mémoires complémentaires, y compris entre le 21 octobre et le 8 décembre, voire même une note à l’audience ;

Attendu qu’au cas d’espèce, les arguments que l’appelant s’est proposé, à l’audience, d’apporter sur le fond, à l’appui de sa requête, seraient sans incidence sur l’examen de sa cause, dès lors que les moyens de cette requête portant sur la régularité de la procédure ont été écartés ; qu’en effet, en l’état actuel du droit, le juge financier ne peut statuer sur un grief fait au comptable s’il n’en a pas été saisi par un réquisitoire du ministère public ; qu’il n’y a donc pas lieu de répondre favorablement à la demande de l’appelant ;

Par ces motifs,

DÉCIDE :

Article unique : La requête de la commune de Sainte-Alvère est rejetée.

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Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents : M. Gérard GANSER, président de section, président de séance, Mme Anne FROMENT-MEURICE, présidente de chambre maintenue en activité, MM. Jean-Pierre LAFAURE, Jean-Yves BERTUCCI, et Mme Hélène GADRIOT-RENARD conseillers maîtres.

En présence de Mme Annie LE BARON, greffière de séance.

Signé : Gérard Ganser, président de séance, et Annie Le Baron, greffière de séance.

Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la Cour des comptes.

Délivré par moi, secrétaire général

Pour le secrétaire général et par délégation, le chef du greffe contentieux


Daniel Férez

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