CRTC. CRC Basse-Normandie Haute-Normandie. Jugement. 09/04/2014

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Maison de retraite - Etablissement d'hébergement des personnes âgées dépendantes (Ehpad) d'Isigny-sur-Mer - Isigny-sur-Mer (Calvados). n° 2014-0006

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA CHAMBRE,

Vu les comptes rendus en qualité de comptable de l’Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) d’Isigny-sur-Mer pour les exercices 2007 à 2011, par M. Patrick X... du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2011 ;

Vu les justifications produites au soutien des comptes ou recueillies au cours de l’instruction ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifié ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié, portant règlement général sur la comptabilité publique ;

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012, portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

Vu les lois et règlements relatifs à la comptabilité des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ;

Vu l’arrêté n° 2013-04 du président de la chambre portant délégation de signature ;

Vu le réquisitoire n° 2013-039 du 29 octobre 2013 d u procureur financier, enregistré au greffe le 30 octobre 2013 ;

Vu la décision du président du 31 octobre 2013, désignant M. Pierre Petit, premier conseiller, en qualité de rapporteur de l’instance ouverte par le réquisitoire ;

Vu les lettres du 4 novembre 2013 par lesquelles le réquisitoire a été notifié à Mme Sophie Y..., directrice de l’EHPAD d’Isigny-sur-Mer, en sa qualité d’ordonnateur, et M. Patrick X..., comptable concerné ;

Vu les accusés de réception de la notification du réquisitoire par Mme Sophie Y... et par M. Patrick X... en date du 5 novembre 2013 ;

Vu les réponses de Mme Sophie Y... par courriel du 5 décembre 2013, enregistré au greffe le même jour, par courriel du 6 janvier 2014 enregistré le même jour, et par courriel du 8 janvier enregistré le même jour ;

Vu les réponses de M. Patrick X..., par courriels des 5 décembre 2013 enregistrés au greffe le même jour, 7 janvier 2014 enregistré le même jour, 10 janvier 2014 enregistré le 13 janvier 2014 et 24 mars enregistré le même jour ;

Vu le rapport n° 2014-0003 à fin de décision juridictionnelle, enregistré au greffe le 9 janvier 2014, et les conclusions n° 2014-0003 du procureur financier du 14 mars 2014 ;

Vu les lettres recommandées du 4 mars 2014 informant les parties de la clôture de l’instruction et de l’audience publique ;

Entendu en audience publique du 27 mars 2014 :

- M. Pierre Petit, en son rapport ;

- M. Fabrice Navez, procureur financier, en ses conclusions ;

- M. Patrick X... en ses observations orales, la parole lui ayant été donnée en dernier.

Délibéré le 27 mars 2014 hors la présence du rapporteur et du procureur financier ;

Lu en audience publique le 9 avril 2014 ;

ORDONNE CE QUI SUIT

Charge unique : paiement d’une prime spéciale de début de carrière à deux infirmières contractuelles – Exercices 2010 et 2011

· Sur le manquement du comptable

Attendu qu’il est reproché au comptable d’avoir payé entre janvier 2010 et décembre 2011, par plusieurs mandats collectifs de paye dont 640,99 € au titre de 2010 et 588,59 € au titre de 2011, une prime spéciale de début de carrière à Mesdames A. et R., infirmières non-titulaires sous contrat à durée déterminée avec l’EHPAD, en contradiction avec le décret n° 89-922 du 22 décembre 1989 qui n’institue le bénéfice de cette prime qu’aux agents titulaires et stagiaires de la fonction publique hospitalière ;

Attendu qu’il ressort de l’article 60 de la loi de finances pour 1963 et des articles 12 et 13 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, applicable à l’époque des faits, que les comptables sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles sur la production des justifications en matière de dépense ;

Attendu que l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales dispose qu’ « avant de procéder au paiement d’une dépense […] les comptables […] ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l’annexe I du présent code et établie conformément à celle-ci. » ;

Attendu que cette annexe, constitutive de la nomenclature des pièces justificatives des paiements des collectivités locales, comporte une rubrique 22 « Dépenses de personnel des établissements publics […] sociaux et médico-sociaux » dont la sous rubrique 220223 relative au paiement des primes et indemnités des personnels non médicaux exige : « Décision individuelle d’attribution prise par le directeur – Et, pour les agents contractuels, mention au contrat » ;

Les paiements réalisés par le comptable en 2010

Attendu qu’en 2010, Mesdames A. et R. ont bénéficié respectivement de deux et trois contrats à durée déterminée successifs prenant effet en février et en octobre pour la première, en février, en juin et en septembre pour la seconde ; que les intéressées peuvent être considérées comme étant nouvellement entrées en fonctions à deux et trois reprises respectivement ; que dans l’intervalle entre les prises de fonctions elles ont été continument rémunérées ;

Attendu qu’invité à justifier les paiements susmentionnés (640,99 €), le comptable a indiqué que ceux-ci s’étaient appuyés sur une décision de la directrice de l’établissement et a joint à l’appui de sa réponse, outre les contrats de travail des deux agents, une copie de la circulaire télex du ministre de la santé du 5 février 1990 qui ouvrait la possibilité de verser la prime spéciale de début de carrière aux contractuels, sous réserve d’une délibération prise par le conseil d’administration de l’établissement ;

Attendu que la directrice de l’établissement a indiqué que la prime spéciale de début de carrière avait été instituée suite à une décision du directeur de l’EHPAD en date du 1er juin 2007 ;qu’à l’appui de ses réponses, elle a joint copie des deux décisions d’attribution de la prime spéciale de début de carrière à Mme A et Mme R , signées le 30 décembre 2010, et applicables à compter du 1er janvier 2011 ; qu’elle a précisé, en référence à la circulaire du ministre de la santé susmentionnée que le conseil d’administration n’avait pas délibéré ;

Attendu qu’une circulaire ne possède aucune valeur normative et que ce moyen doit être écarté ; qu’au surplus, le conseil d’administration de l’EHPAD ne s’est pas prononcé sur l’attribution de la prime spéciale de début de carrière ;

Attendu qu’aucune décision individuelle d’attribution de la prime spéciale n’a été produite pour l’année 2010 ;

Attendu que, dès lors, le comptable n’était pas en possession de toutes les pièces justificatives exigées au premier paiement et pour les paiements ultérieurs, permettant de s’assurer de la validité de la créance salariale des deux infirmières sur l’EHPAD ;

Attendu qu’en procédant au paiement des mandats collectifs de paye incluant la rémunération des intéressées, laquelle comprend la prime litigieuse, pour les mois de juin à novembre 2010 pour Mme A., pour les mois de janvier à novembre 2010 pour Mme R., sans avoir exigé l’ensemble des justifications prévues par la règlementation, le comptable a commis un manquement et a engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire sur le fondement des dispositions de l’article 60-I de la loi du 23 février 1963 modifié, pour un montant total de six cent quarante euros et quatre-vingt-dix-neuf centimes (640,99 €) ;

Les paiements réalisés par le comptable en 2011

Attendu qu’en 2011, Mesdames A. et R. ont bénéficié respectivement d‘un et de deux contrats à durée déterminée successifs prenant effet en janvier pour la première, en janvier et en septembre pour la seconde ; que les intéressées peuvent être considérées comme étant nouvellement entrées en fonctions à une et deux reprises respectivement au cours de l’exercice ;

Attendu que le comptable a produit pour les deux agents les trois contrats de travail pour 2011 et les décisions individuelles de la directrice de l’EHPAD du 30 décembre 2010 leur attribuant la prime spéciale de début de carrière à partir du 1er janvier 2011 ; qu’ainsi le comptable est réputé avoir été en possession de toutes les pièces exigées par la règlementation pour procéder au visa de la dépense ;

Attendu qu’il appartient au comptable d’interpréter les pièces justificatives produites à l’appui d’une demande de paiement conformément à la règlementation en vigueur et de vérifier leur cohérence ; qu’en l’occurrence, il n’y avait pas de contradiction entre les contrats recrutant Mesdames A. et R. en qualité d’infirmières de classe normale 2e échelon et la décision individuelle qui attribue la prime spéciale de début de carrière attaché à l’emploi d’infirmier de classe normale pour les 1er et 2e échelons ;

Attendu que dès lors rien ne s’opposait à ce que le comptable prenne en charge les mandats collectifs de paye incluant la rémunération de Mesdames A. et R. pendant la durée de leur engagement en 2011, et a fortiori en janvier et septembre ; qu’en conséquence, le comptable n’a pas commis de manquement ;

· Sur l’existence d’un préjudice financier

Attendu qu’un préjudice financier résulte d’une perte provoquée par une opération de décaissement ou un défaut de recouvrement d’une recette, donnant ainsi lieu à une constatation dans la comptabilité de l’organisme et se traduisant par un appauvrissement patrimonial de la personne publique non recherché par cette dernière ;

Attendu qu’appelés à faire valoir leur point de vue quant à l’existence d’un préjudice financier consécutif au manquement du comptable, l’ordonnateur et le comptable estiment que le préjudice n’est pas constitué, s’appuyant sur le fait que la volonté de l’ordonnateur d’agir dans l’intérêt du service a été respectée ;

Attendu que le manquement du comptable ne résulte pas de circonstances constitutives de la force majeure ;

Attendu que la circonstance de l’intérêt du service est sans objet pour apprécier l’éventuel préjudice financier ;

Attendu qu’en 2010, le comptable a accepté de payer des éléments de rémunérations en l’absence d’une pièce justificative prévue par la réglementation ; que ces paiements se traduisent donc bien par un appauvrissement patrimonial de la personne publique non recherché par cette dernière ; qu’il y a lieu dès lors de constater l‘existence d’un préjudice financier en lien direct avec le manquement du comptable ;

· Sur le respect des règles du contrôle sélectif des dépenses

Attendu que le paragraphe IX 2e alinéa de l’article n° 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 dispose que « les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du paragraphe VI [Lorsque le manquement du comptable aux obligations […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné] peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect, par celui-ci, sous l’appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée […] » ;

Attendu qu’en 2010 le poste comptable d’Isigny-sur-Mer ne disposait pas d’un plan de contrôle sélectif des dépenses et que, dès lors, le comptable devait procéder à un contrôle exhaustif des dépenses et donc des mandats de paye mensuels ;


· Sur les intérêts du débet

Attendu qu’en application des dispositions du VIII de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 sus visée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; que le réquisitoire introductif d’instance prévu aux articles L.242-1-III et R.241-34 du code des juridictions financières a été notifié le 5 novembre 2013 à M. Patrick X... ; qu’en conséquence, le débet portera intérêts à compter de cette date ;

PAR CES MOTIFS,


Article premier :

M. Patrick X... est constitué débiteur de la somme de six cent quarante euros et quatre-vingt- dix-neuf centimes (640,99 €), majorée des intérêts de droit à compter du 5 novembre 2013, date de réception du réquisitoire par l’intéressé ;

Article 2 :

M. Patrick X... ne pourra être déchargé pour sa gestion au titre de l’exercice 2010 qu’après apurement du débet fixé ci-dessus ;

Article 3 :

M. Patrick X... est déchargé pour sa gestion au titre des exercices 2007, 2008, 2009 et 2011.

Fait et jugé en audience publique le 27 mars 2014, et lu en audience publique à la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie le 9 avril 2014 par M. Gilles Bizeul, président de section, président de séance, M. Sébastien Gallée, président de section et M. Emmanuel Martin, Mme Anne Robert et M. Jean-Marc Le Gall, magistrats.

 La greffière-adjointe, Le président de section,

 Président de séance,

 Véronique LEFAIVRE Gilles BIZEUL

La République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

CONDITIONS D'APPEL :

Code des juridictions financières – article R. 242-14 et suivants : « Les jugements rendus par les chambres régionales des comptes peuvent être attaqués dans leurs dispositions définitives par la voie de l'appel devant la Cour des comptes » (…) – article R. 242-18 « L’appel doit être formé dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement. »

Collationné, certifié conforme à la minute étant au Greffe de la Chambre et délivré par moi Secrétaire Général

Christian QUILLE

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