CRTC. CRC Alsace. Jugement. 15/03/2012

CRTC. CRC Alsace. Jugement. 15/03/2012

Communauté de communes - Communaute de communes du Val d'Argent - Sainte Marie-aux-Mines (Haut-Rhin). n° 2012-003

République Française

Au nom du peuple françAis

La chambre régionale des comptes d’alsace

Siégeant en audience publique,

Vu le réquisitoire en date du 22 juillet 2011 par lequel le représentant du ministère public l’a saisie d’opérations qu’il présume constitutives d’une gestion de fait de fonds de la communauté de communes du Val d’Argent (Haut-Rhin) ;

Vu la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, notamment son article 6 ;

Vu le code des juridictions financières, notamment ses articles L. 231-3, L. 242-1, R. 241-34 à R. 241-44 ;

Vu le code général des collectivités territoriales, notamment son article L. 3342-1 ;

Vu l’article 60-XI de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;

Vu les lois et règlements relatifs à la comptabilité des communes et de leurs établissements publics ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général de la comptabilité publique, notamment son article 11 ;

Vu la décision n° 2011-25 du 14 décembre 2011 désignant Mme Gaubout-Deschamps, premier conseiller, rapporteur chargé d’instruire l’affaire ;

Vu les pièces produites ou recueillies durant l’instruction ;

VU les observations en date du 21 décembre 2011, enregistrées au greffe le 23 décembre 2011 sous le numéro 1074, présentées par M. X, comptable ;

VU le rapport d’instruction ;

VU les conclusions du procureur financier ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu, en audience publique du 23 février 2012, Mme Gaubout-Deschamps, conseiller, en son rapport et M. Guthmann, procureur financier, en ses conclusions ;

Les parties n’étant ni présentes ni représentées ;

Après avoir délibéré conformément à la loi, MM. Christophe Rosenau, président, Marc Noël, président de section et Stéphane Dhers, premier conseiller ;

statuant définitivement

Sur le champ d’application :

ATTENDU qu’en application des dispositions de l’article 11 du décret susvisé du 29 décembre 1962, le principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables, fondamental dans le droit de la comptabilité publique, réserve aux comptables publics l’encaissement des recettes, le paiement des dépenses et la conservation des fonds et valeurs ;

ATTENDU que l’article 60-XI de la loi de finances du 23 février 1963 modifiée en dernier lieu par la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 dispose que « toute personne qui, sans avoir la qualité de comptable public ou sans agir sous le contrôle et pour le compte d’un comptable public, s’ingère dans le recouvrement de recettes affectées ou destinées à un organisme public doté d’un poste comptable (…) doit, nonobstant les poursuites qui pourraient être engagées devant les juridictions répressives, rendre compte au juge financier de l’emploi des fonds ou valeurs qu’elle a irrégulièrement détenus ou maniés. Il en est de même pour toute personne qui reçoit ou manie directement ou indirectement des fonds ou valeurs extraits irrégulièrement de la caisse d’un organisme public (…). Les gestions de fait (…) entraînent les mêmes obligations et responsabilités que les gestions régulières. Néanmoins, le juge des comptes peut, hors le cas de mauvaise foi ou d’infidélité du comptable de fait, suppléer par des considérations d’équité à l’insuffisance des justifications produites. Les comptables de fait pourront, dans le cas où ils n’ont pas fait l’objet pour les mêmes opérations des poursuites au titre du délit prévu et réprimé par l’article 433-12 du Code pénal, être condamnés aux amendes prévues par la loi » ;

ATTENDU que le code des juridictions financière dispose, en son article L. 231-3 dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1091 du 28 octobre 2008, que « la chambre régionale des comptes (…) n'a pas juridiction sur les ordonnateurs, sauf ceux qu'elle a déclarés comptables de fait (…) L'action en déclaration de gestion de fait est prescrite pour les actes constitutifs de gestion de fait commis plus de dix ans avant la date à laquelle la chambre régionale des comptes en est saisie » ; que la prescription est interrompue par le réquisitoire du ministère public qui introduit l’instance ;

ATTENDU que la procédure juridictionnelle vise à rétablir les formes comptables en obligeant le(s) comptable(s) de fait à rendre un compte des opérations de recettes et de dépenses qui ne sont pas retracées dans le compte du comptable de droit de l’organisme concerné ;

ATTENDU, en l’espèce, que la procédure de gestion de fait a été ouverte par réquisitoire du procureur financier en date du 22 juillet 2011, notifié par le greffe le 16 décembre 2011 au président de la communauté de communes du Val d’Argent, au président de l’association l’amicale des sapeurs pompiers de Sainte-Marie-aux-Mines, et au comptable de la trésorerie de Sainte-Marie-aux-Mines;

ATTENDU qu’il appartient, en conséquence, à la chambre de se prononcer sur l’existence d’irrégularités constitutives de gestion de fait;

I. - Sur l’existence d’irrégularités constitutives de gestion de fait

ATTENDU qu’une collectivité publique peut confier, sous certaines conditions, une tâche à un organisme privé par une convention qui vaudra titre légal pour encaisser des recettes, effectuer des dépenses ou les deux à la fois ; que, toutefois, eu égard à l’exclusivité reconnue au comptable public par la loi précitée du 23 février 1963 laquelle ne prévoit aucune dérogation, les collectivités territoriales et leurs établissements publics ne sont pas fondés à disposer de leurs compétences, en matière de recettes et de dépenses publiques, par une convention de mandat, sauf dans le cas où la loi autorise spécifiquement la conclusion d’une telle convention ;

ATTENDU que par le réquisitoire susvisé, le procureur financier précisait qu’en l’absence de convention conclue avec la communauté de communes du Val d’Argent autorisant l’amicale des sapeurs-pompiers de Sainte-Marie-aux-Mines à verser aux sapeurs-pompiers rattachés au centre de secours de Sainte-Marie-aux-Mines des vacations à partir de la subvention versée par la communauté de communes du Val d’Argent, le versement des concours financiers pouvait constituer une extraction irrégulière de fonds de la caisse de la communauté de communes du Val d’Argent ; qu’en ayant procédé au paiement de ces vacations sans titre légal et en lieu et place du comptable public de la communauté de communes du Val d’Argent, les responsables légaux de l’amicale des sapeurs-pompiers de Sainte-Marie-aux-Mines auraient manié irrégulièrement des deniers publics de la communauté de communes du Val d’Argent, qu’en connaissant et cautionnant l’utilisation de la subvention versée par la communauté de communes du Val d’Argent à l’amicale des sapeurs-pompiers, le président de la communauté de communes du Val d’Argent semblait avoir participé au maniement irrégulier de ces fonds ; que la chambre était fondée à statuer sur cette présomption de gestion de fait des deniers publics de la communauté de communes du Val d’Argent ;

ATTENDU que, en l’espèce, le conseil de communauté a décidé le versement annuel d’une subvention de 13 000 € à l’amicale des Sapeurs Pompiers de Sainte-Marie-aux-Mines au titre des exercices 2008 et 2009, le service départemental d’incendie et de secours (SDIS) ne prenant pas en compte certaines dépenses restant à la charge de l’amicale ; que d’après le rapport d’observations provisoires de la communauté de communes du Val d’argent du 7 juillet 2011, ces dépenses seraient constituées :

- de services de garde à la caserne les dimanches et certains jours fériés (formations, exercices, vérification et contrôle des véhicules et engins), de frais d’ordinaire et de subsistance : 55 jours en moyenne à 160 €, soit 8 800 €/an ;

- de cotisations à l’Union départementale des services d’incendie/cotisations en faveur des œuvres sociales et des assurances de l’Union pour l’invalidité complémentaire en service commandé et hors service commandé en fonction des effectifs actifs et vétérans/participation et cotisation à l’Union et à la fédération (fonctionnement) soit globalement environ 3 500 € /an ;

- de frais divers de fonctionnement de l’amicale, environ 1 000 €/an ;

ATTENDU que selon le rapport d’observations provisoires de la communauté de communes du Val d’argent en date du 7 juillet 2011, pour la chambre, certaines des dépenses mentionnées ci-dessus relèvent d’une prise en charge des services du SDIS, où le sont peut-être déjà, auquel cas leur attribution n’apparaît pas justifiée ;

ATTENDU que M. Y, président de la communauté de communes du Val d’Argent, dans sa réponse du 30 août 2011, enregistrée au greffe de la chambre le 2 septembre 2011, a précisé qu’il sera mis fin aux dépenses qui relèvent normalement d’une prise en charge des services du Service Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS) ;

ATTENDU que M. Z, Directeur du Service Départemental d’Incendie et de Secours du Haut-Rhin, dans sa réponse du 27 juillet 2011, enregistrée au greffe de la chambre le 1er août 2011, a apporté des éléments nouveaux qui contredisent l’hypothèse de paiements de vacations ;

ATTENDU que M. Z précise en effet que, s’agissant des frais ordinaires et de subsistance lors des services en caserne le dimanche et les jours fériés, l’organisation du service opérationnel du centre d’incendie et de secours du Val d’Argent (CDIS) repose sur une garde à domicile ; que toutefois les dimanches et jours fériés, l’équipe d’astreinte demeure à la caserne pour effectuer ses périodes de formation de maintien des acquis et la certification des matériels et engins d’intervention ; que le fait d’assurer cette astreinte en caserne relève d’un choix de fonctionnement interne du CDIS ; qu’aucune disposition ne prévoit la prise en charge par la SDIS des repas de midi de ces journées, que les élus ont choisi, pour les mêmes raisons historiques d’encourager ce mode d’organisation en participant via une subvention à l’amicale du centre aux frais de bouche des sapeurs-pompiers concernés ;

ATTENDU que M. Z précise que, s’agissant des cotisations versées par l’amicale à l’Union Départementale des Sapeurs-Pompiers du Haut-Rhin (UDSP), elles relèvent du champ des assurances souscrites en complément de celle contractée par le SDIS ; que le SDIS a obligation d’assurer la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires à l’occasion de leur activité en service commandé ; que pour sa part, l’Union départementale des sapeurs-pompiers a mis en place des garanties propres qui complètent le dispositif d’assurance des sapeurs-pompiers volontaires ; que dans ce cadre, un fonds spécial offre une couverture des pertes pécuniaires suite à un accident de circulation à l’occasion de l’engagement du sapeur-pompier en service commandé ; qu’en second lieu, l’Union a souscrit un contrat garantissant les sapeurs-pompiers actifs lors de leurs activités hors service commandé, qu’enfin un contrat offre des garanties similaires aux anciens sapeurs-pompiers à l’occasion de leurs activités hors service commandé, notamment.

ATTENDU que le SDIS précise que, s’agissant de l’affectation d’une part de la subvention annuelle de la communauté de communes aux frais divers de fonctionnement de l’amicale, il est précisé que cette subvention résulte d’une décision de la communauté de communes du Val d’Argent dans le cadre d’un soutien au tissu associatif de son secteur ; qu’elle ne relève pas de la compétence et des attributions du SDIS.

PAR CES MOTIFS,

ordonne :

Il n’y a pas lieu à déclaration de gestion de fait pour les opérations visées par le réquisitoire en date du 22 juillet 2011, la procédure étant dépourvue d’intérêt pratique en raison de l’absence de paiement de vacations.

Le présent jugement sera notifié à M. Y, président de la communauté de communes du Val d’Argent, au président de l’Amicale des sapeurs-pompiers de Sainte-Marie-aux-Mines, et à M. X, comptable de la communauté de communes du Val d’Argent.

Fait et jugé à la chambre régionale des comptes d’Alsace, le 23 février 2012 après l’audience du même jour par MM. Christophe Rosenau, président, Marc Noël, président de section, et Stéphane Dhers, premier conseiller.

 La greffière, Le président,

 Signé : Marie-Hélène Richert signé :Christophe Rosenau

Collationné, certifié conforme

à la minute étant au greffe,

de la chambre régionale des comptes d'Alsace

et délivré par moi, secrétaire général,

A Strasbourg, le 15 mars 2012

Pierre Meissner

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