COUR DES COMPTES - Première Chambre - Arrêt - 28/07/2016

COUR DES COMPTES - Première Chambre - Arrêt - 28/07/2016

Direction départementale des finances publiques (DDFIP) des Yvelines - Service des impôts des entreprises (SIE) de Saint-Quentin-Est et de Saint-Quentin-Ouest - Exercices 2006 à 2010 - n° S-2016-2373

La Cour,

Vu le réquisitoire en date du 28 juillet 2015, par lequel le Procureur général près la Cour des comptes a saisi la première chambre de la Cour des comptes de présomptions de charges, en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire, d’une part, de M. X, comptable du SIE de Saint-Quentin-Est, à concurrence de 45 920 €, au titre de l’exercice 2007 ou à défaut, la responsabilité des comptables du SIE de Saint-Quentin-Ouest qui se sont succédés entre 2008 et 2010 ; d’autre part, de M. Y comptable du SIE de Saint-Quentin-Ouest, à concurrence de 153 058 €, au titre de l’exercice 2008 ou à défaut, la responsabilité des comptables qui lui ont succédé entre 2008 et 2010 ; ensemble la preuve de sa notification aux parties ;

Vu les comptes de la direction départementale des finances publiques (DDFiP) des Yvelines rendus pour les exercices 2006 à 2010, y annexés les états de restes à recouvrer établis, en leur qualité de receveur des administrations financières, par MM. X, à compter du 26 décembre 2006, Z, du 26 décembre 2006 au 29 février 2008, A, du 1 er au 31 mars 2008, Y, du 1 er avril au 15 décembre 2008, M mes B, du 16 décembre 2008 au 31 août 2009, et C, à compter du 1 er septembre 2009 ;

Vu les justifications produites au soutien des susdits états annexes, ensemble les pièces recueillies au cours de l’instruction ;

Vu les observations écrites présentées par M. A, M me B, M. Z, M me Y, venant aux droits de son époux décédé et M. X, respectivement les 18, 20, 23 et 24 novembre 2015, en réponse au réquisitoire susvisé concernant la charge n° 2 ;

Vu les observations écrites présentées par M mes B et Y, respectivement les 20 et 23 novembre 2015, en réponse au réquisitoire susvisé concernant la charge n° 3 ;

Vu le code de commerce, notamment son article L. 632-1 ;

Vu le code général des impôts, ensemble ses annexes et le livre des procédures fiscales (LPF), notamment son article L. 267 ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu l’article 67 modifié de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution en vigueur à l’époque des faits et codifié depuis à l’article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ;

Vu le décret n° 77-1017 du 1 er septembre 1977 relatif à la responsabilité des receveurs des administrations financières ;

Vu le rapport à fin d’arrêt n° 2016-0124 de M. Jean-Christophe Chouvet , conseiller maître, chargé de l’instruction ;

Vu les conclusions du Procureur général ;

Entendu lors de l’audience publique du 23 juin 2016, M. C houvet , en son rapport, et M. Bertrand D iringer , avocat général, en ses conclusions du ministère public, ainsi que M. D, représentant le directeur départemental des finances publiques des Yvelines, MM. X, Z et A, M. Y en la personne de ses ayants-droit, M mes B et C, informés de l’audience, n’étant ni présents, ni représentés ;

Entendu en délibéré, M. Vincent Feller , conseiller maître, en ses observations ;

Sur la présomption de charge n° 2 (SARL ZOLA) soulevée à l’encontre de M. X, comptable du SIE de Saint-Quentin-Est, ou des comptables du SIE de Saint-Quentin Ouest, MM. Z, A, ou Y, M mes B ou C

Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la Première chambre de la Cour des comptes de l’engagement de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X, comptable du SIE de Saint-Quentin-Est, à concurrence de 45 920 €, au titre de l’exercice 2007 ou à défaut, la responsabilité des comptables du SIE de Saint-Quentin Ouest qui se sont succédé entre 2008 et 2010, au motif du défaut de diligences en vue de la conservation des créances résultant du contrôle fiscal externe de la société Zola, notamment de l’absence de prise de mesures conservatoires, hormis une procédure de nantissement du fonds de commerce engagée en octobre 2007 alors que la cessation de paiements de l’entreprise était intervenue dès le 26 février 2007 ;

Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations

Sur la règle de droit

Attendu qu’en application de l’article 67 modifié de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution susvisée, l'administration fiscale est autorisée à prendre des mesures conservatoires sur le patrimoine d'un contribuable, en cours de contrôle fiscal, lorsqu'elle « justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement » ; que toutefois, aux termes de l’article L. 632-1 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à l’époque des faits : « I. - Sont nuls, lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants : (…) 7° Toute mesure conservatoire, à moins que l'inscription ou l'acte de saisie ne soit antérieur à la date de cessation de paiement » ;

Attendu qu’aux termes de l'article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes et des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en cette matière dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique ; que leur responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve engagée dès lors qu’une recette n’a pas été recouvrée ; que la responsabilité du comptable public en matière de recettes s’apprécie au regard de ses diligences, celles-ci devant être adéquates, complètes et rapides ;

Sur les faits

Attendu que la société Zola était redevable d’un montant de 45 920 € de rappels de taxes sur le chiffre d’affaires et d’impôts sur les sociétés sur la période du 1 er janvier 2002 au 31 décembre 2004, résultant d’une procédure de contrôle fiscal au cours de laquelle la vérificatrice a établi une fiche de solvabilité pour le comptable, en date du 24 juin 2006, faisant état de perspectives de recouvrement à risques ;

Attendu que suite à la mise en recouvrement des créances le 4 juillet 2007, la société a introduit le 1 er août 2007 une réclamation suspensive de paiement ; que cette demande a fait l’objet d’une décision de rejet par la direction des services fiscaux (DSF) des Yvelines le 3 septembre 2007 ; que le tribunal administratif de Versailles a confirmé la position de l’administration le 22 mars 2011 ;

Attendu que le 2 octobre 2007, le SIE de Saint-Quentin-Est a demandé à la société de présenter des garanties à l’appui de sa demande de sursis de paiement ; que par lettre reçue le 17 octobre 2007, la société a proposé le nantissement de son fonds de commerce ; que l’offre de garantie a été acceptée par le SIE de Saint-Quentin Est le 26 décembre 2007 ;

Attendu que la société a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire le 13 décembre 2007, avec fixation de la date de cessation des paiements au 26 février 2007, par jugement publié le 15 janvier 2008 ; que la procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 7 février 2008 ; qu’il n’est pas contesté que les créances ont été régulièrement déclarées au passif de la procédure ; que la clôture pour insuffisance d’actif est intervenue le 10 novembre 2009 ; que l’admission en non-valeur de la créance de l’Etat a été prononcée le 27 août 2010 ;

Sur les moyens invoqués à décharge

Attendu que M. X fait valoir que, pour la période antérieure à la date de la mise en recouvrement, il n’était pas en mesure de justifier de circonstances tenant au comportement ou à la situation du débiteur, susceptibles de menacer le recouvrement de la créance, qui lui auraient permis de demander au juge de l’exécution l’autorisation de prendre des mesures conservatoires ; que la fiche de solvabilité précitée ne contenait aucun élément utile à l’action en recouvrement ;

Attendu que le comptable relève également que la demande de prise en charge des impositions n’a été adressée au SIE par le vérificateur que près de cinq mois après l’achèvement de la procédure de contrôle, et postérieurement au 26 février 2007, date de cessation des paiements à partir de laquelle toute mesure conservatoire se trouvait entachée de nullité ;

Attendu que M. X et ses successeurs font valoir que, pour la période postérieure à la mise en recouvrement, le sursis de paiement dont bénéficiait la société depuis le 1 er août 2007, puis l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, rendaient impossible toute poursuite ou prise de mesure conservatoire durant cette période ;

Attendu que M me Y relève que les impositions étaient déjà mises en recouvrement à la prise de poste de M. Y au 1 er avril 2008 ;

Attendu que M me B fait valoir que la Sarl ZOLA se trouvait en liquidation judiciaire sur la période concernée par son intérim ;

Attendu que les comptables font également observer qu’une inscription provisoire au greffe du tribunal de commerce d’un nantissement du fonds de commerce ne paraissait pas utile, dès lors que le privilège du Trésor prime le droit du créancier nanti sur le fonds ;

Sur l’application au cas d’espèce

Attendu que M. X a pris ses fonctions le 26 décembre 2006 et que la fiche de solvabilité produite le 24 juin 2006 ne lui permettait pas, du fait de son caractère lacunaire, d’apprécier la situation financière de la société ; qu’il ne ressort pas de l’instruction que le dossier répondait aux critères requis pour justifier une demande de mesures conservatoires auprès du juge de l’exécution avant la mise en recouvrement ;

Attendu que la procédure de nantissement engagée le 2 octobre 2007, postérieurement à la date de cessation de paiement, était effectivement nulle au moment de sa mise en œuvre, mais que le comptable n’a pu avoir connaissance de la date de cessation des paiements qu’après avoir pris cette garantie, puisque cette date été fixée rétroactivement au 26 février 2007, dans la décision du tribunal du 13 décembre 2007, publiée le 15 janvier 2008 ; qu’il s’ensuit que la cause de nullité de cet acte n’est pas imputable au comptable ;

Attendu que le privilège légal du Trésor, mentionné aux articles 1920 et suivants du code général des impôts, prime le droit du créancier nanti sur le fonds ; que le nantissement n’aurait donc, en tout état de cause, pas renforcé la main du Trésor ;

Attendu ainsi qu’il peut être considéré que le comptable, qui a régulièrement déclaré ses créances au passif de la procédure, a mis en œuvre des diligences adéquates, complètes et rapides en vue d’obtenir le recouvrement des créances ;

Attendu qu’il résulte de ce qui précède qu’il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X, comptable du SIE de Saint-Quentin-Est, au titre de l’exercice 2007, ni des comptables du SIE de Saint-Quentin-Ouest qui se sont succédé entre 2008 et 2010, MM. Z et A, M. Y pris en la personne de ses ayants-droits, M mes B et C ;

Attendu qu’aucune charge ne subsistant à son encontre au titre de 2007, il y a lieu de décharger de sa gestion M. X au titre de cet exercice ;

Sur la présomption de charge n° 3 (SARL RENOV 2000) soulevée à l’encontre de M. Y, M mes B ou C comptables du SIE de Saint-Quentin-Ouest

Attendu que par le réquisitoire susvisé le Procureur général a estimé que la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. Y pouvait être mise en jeu à hauteur de 153 058 € au titre de l’exercice 2008, ou à défaut, celle de ses successeurs, M mes B et C, comptables du SIE de Quentin-Ouest, pour le même montant, au titre des exercices 2008 à 2010, en raison de l’insuffisance de diligences, notamment du défaut d’assignation du dirigeant de la société, en vue du recouvrement des créances d’impôt dues par la Sarl Renov 2000 ;

Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations

Sur la règle de droit

Attendu que l’article L. 267 du Livre des procédures fiscales (LPF) prévoit : « Lorsqu'un dirigeant d'une société, d'une personne morale ou de tout autre groupement, est responsable des manœuvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, la personne morale ou le groupement, ce dirigeant peut, s'il n'est pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d'une autre disposition, être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités par le président du tribunal de grande instance. A cette fin, le comptable public compétent assigne le dirigeant devant le président du tribunal de grande instance du lieu du siège social. Cette disposition est applicable à toute personne exerçant en droit ou en fait, directement ou indirectement, la direction effective de la société, de la personne morale ou du groupement. » ;

Attendu qu’aux termes de l'article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes et des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en cette matière dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique ; que leur responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve engagée dès lors qu’une recette n’a pas été recouvrée ; que la responsabilité du comptable public en matière de recettes s’apprécie au regard de ses diligences, celles-ci devant être adéquates, complètes et rapides ;

Sur les faits

Attendu que la société Renov 2000 était redevable d’un montant total de 153 058 € de TVA et d’impôt sur les sociétés, dont 1 856 € issus de déclarations déposées sans paiement en 2006, et 151 202 € de rappels résultant d’un contrôle fiscal externe mis en recouvrement le 25 juillet 2007 ;

Attendu qu’au cours de la procédure de vérification, un procès-verbal d’opposition à contrôle fiscal a été établi le 29 mars 2007, et que la vérificatrice a transmis au comptable une fiche de solvabilité datée du 22 juin 2007, faisant état de perspectives de recouvrement très compromises ;

Attendu que la société a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire le 24 avril 2007 par jugement publié le 30 mai 2007, clôturée pour insuffisance d’actif le 26 juin 2008 ; que les créances ont été régulièrement déclarées au passif de cette procédure ;

Attendu que le comptable de Saint-Quentin-ouest a proposé dans une note en date du 15 janvier 2010 une mise en cause du dirigeant de la société, sur le fondement de l’article L. 267 du LPF ; que cette demande a été rejetée le 28 mai 2010 par le pôle de recouvrement de Versailles qui a considéré, notamment, que malgré l’existence d’un patrimoine détenu par l’intéressé, l’engagement de cette action, plus de trois ans après l’ouverture de la procédure collective, pourrait être considéré comme trop tardif compte tenu de la jurisprudence de la cour de cassation ; que l’admission en non-valeur de la créance de l’Etat a été prononcée le 24 août 2010 ;

Sur les moyens invoqués à décharge

Attendu que pour expliquer la tardiveté de la proposition de mise en cause du gérant, les comptables indiquent avoir agi en conformité avec les consignes internes de l’administration, notamment une note du bureau P2 du 26 juillet 2007, qui prescrit de ne pas retenir ces propositions lorsque les contrôles ont été engagés peu de temps avant ou après l’ouverture de procédure collective, et dans le cas de dirigeant insolvable ;

Attendu qu’ils relèvent que le dirigeant de la société n’était pas imposable à l’impôt sur le revenu et qu’aucun élément du dossier ne permettait d’apprécier ses ressources ; que la fiche de solvabilité ne mentionnait aucun patrimoine ni revenu ; que la disproportion entre le montant de la dette fiscale et les ressources du débiteur est le motif principal de la décision de ne pas accorder l’autorisation de poursuivre le dirigeant ; que les conditions de mise en œuvre de l’article L. 267 du LPF n’étaient pas réunies ab initio  ;

Attendu enfin que les comptables évoquent le contexte particulier du service comptable résultant de la refonte des secteurs géographiques des SIE, intervenue au 1 er janvier 2008, ainsi que la succession de quatre comptables jusqu’au 31 décembre 2009 ;

Attendu qu’au cours des débats, le représentant du directeur départemental des finances publiques des Yvelines a évoqué un arrêt de la Cour d’appel de Versailles  ; qu’il en résulterait que l’ouverture de la procédure collective et la désignation d’un mandataire judiciaire, avant que la procédure de contrôle fiscal soit achevée, ne permettrait pas de garantir le caractère contradictoire de la procédure à l’égard des personnes visées par l’article L. 267, lorsqu’elles seraient mise en cause au titre de ces dispositions et rendraient donc irrégulières toutes poursuites commencées postérieurement à l’ouverture de ladite procédure collective ;

Sur l’application au cas d’espèce

Attendu que les instructions administratives n’exonèrent pas les comptables de la responsabilité qui leur incombe de mettre en œuvre toutes diligences en vue d’obtenir le recouvrement des créances ; qu’au surplus,  les instructions invoquées par les comptables précisent qu’un délai raisonnable doit être respecté pour l’exercice des poursuites ;

Attendu ainsi que les arguments des comptables concernant les conditions de mise en œuvre de l'article L. 267 du LPF et les instructions de l’administration centrale ne sont pas recevables ;

Attendu qu’il en va de mêmes des éléments de contexte invoqués ;

Attendu en outre que l’admission d’une créance en non-valeur ne lie pas le juge des comptes dans son appréciation des diligences exercées par le comptable public pour recouvrer les recettes ;

Attendu que ni le texte de l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles invoqué au cours des débats, ni sa référence n’ont été communiqués à la Cour ; qu’il s’ensuit qu’à supposer qu’une règle générale de droit positif puisse être tirée de cet arrêt, la Cour des comptes ne peut utilement se prononcer sur son applicabilité au cas d’espèce ;

Attendu que lorsque l’exercice d’une diligence est subordonné à l’autorisation de l’autorité hiérarchique, le comptable public dégage sa responsabilité à cet égard en demandant cette autorisation, indépendamment des chances de succès de celle-ci ou du sens de la décision de l’autorité supérieure ;

Attendu qu’il ressort du dossier que les conditions de mise en œuvre de cette procédure étaient remplies, s’agissant de créances antérieures au jugement d’ouverture de liquidation régulièrement déclarées ; que des défaillances déclaratives ont été constatées, et que les rappels d’impôt ont été assortis de pénalités pour opposition à contrôle fiscal ; que l’absence de débat contradictoire est par conséquent imputable au dirigeant de la société, antérieurement à l’ouverture de la liquidation judiciaire ;

Attendu que le dirigeant a acquis un terrain à bâtir le 22 février 2008, payé 60 000 € comptant ; qu’il s’ensuit que ce dernier disposait d’éléments de patrimoine inconnus de l’administration ; que la mise en cause du dirigeant aurait pu permettre, le cas échéant, d’identifier la totalité des éléments de patrimoine susceptibles de garantir le paiement de la créance fiscale ; que dès lors, la circonstance que le produit de la vente du terrain n’aurait permis de désintéresser que très partiellement le Trésor ne peut être retenue à  décharge ;

Attendu que la date de la clôture pour insuffisance d’actif au 26 juin 2008 a eu pour effet de rouvrir le délai de prescription de la créance de quatre ans ;

Attendu que l’absence de proposition d’examen de la mise en cause du gérant au cours de l’année 2008, alors que le comptable du SIE disposait des éléments lui permettant la mise en œuvre de l’article L. 267 du LPF, traduit l’absence de diligences adéquates, complètes et rapides pour la conservation et le recouvrement de la créance de l’Etat sur la société Renov 2000 ;

Attendu que c‘était à M. Y, comptable en fonctions du 1 er avril au 15 décembre 2008, qu‘il appartenait, dès lors qu’était connue l’existence d’éléments d’actif pouvant être appréhendés, et que l’action contre le dirigeant pouvait être reprise, de reprendre sans tarder les poursuites, notamment celles prévues par l’article L. 267 du LPF ;

Attendu que la circonstance que M. Y soit décédé avant que le délai qui lui était ouvert pour émettre des réserves est sans incidence sur sa responsabilité propre, pour la période où il pouvait utilement effectuer les diligences nécessaires à la préservation des créances de l’Etat ;

Attendu ainsi qu’il y a lieu d’engager la responsabilité de M. Y, au titre de l’exercice 2008, pour défaut de diligences ; qu’il n’y a pas lieu à charge à l’encontre de M mes B et C ;

Sur l’existence d’un préjudice financier

Attendu que le non recouvrement d’une créance cause par principe un préjudice financier à la collectivité publique créancière ; qu’il n’y a absence de préjudice que s’il est établi que l’Etat n’aurait pas pu être désintéressé, quand bien même le comptable aurait satisfait à ses obligations ;

Attendu que cette preuve n’est pas apportée en l’espèce ; qu’en particulier il ressort du dossier que l’existence d’un patrimoine détenu en propre par le dirigeant de la société aurait pu permettre de désintéresser, ne serait-ce que partiellement, le Trésor ;

Attendu que les éléments de contexte recueillis concernant cette affaire, et rappelés par les comptables concernant la restructuration de services ne révèlent pas de circonstances constitutives de la force majeure qui n’est d’ailleurs pas alléguée ;

Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du VI de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée : « lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier, le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;

Attendu qu’il y a lieu, ainsi, de constituer M. Y débiteur envers l’Etat de la somme de 153 058 € au titre de l’exercice 2008, augmentée des intérêts au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de sa responsabilité personnelle et pécuniaire, soit le 21 octobre 2015, date de la réception du réquisitoire susvisé ; qu’il appartiendra à ses héritiers de faire valoir devant le ministre, à l’appui d’une demande de remise gracieuse, les circonstances liées à l’état de santé de M. Y puis à son décès ;

Par ces motifs,

DÉCIDE :

Présomption de charge n° 2

Article 1 er . – Il n’y a pas lieu d’engager la responsabilité des comptables au titre de la présomption de charge n° 2.

Article 2 . – M. X est déchargé de sa gestion 2007.

Présomption de charge n° 3

Article 3 . – M. Y pris en la personne de ses héritiers est constitué débiteur envers l’Etat de la somme de 153 058 € au titre de l’exercice 2008, augmentée des intérêts de droit à compter du 21 octobre 2015.

Article 4 . – M. Y ne pourra être déchargé de sa gestion 2008 qu’après apurement du débet fixé ci-dessus.

Article 5 . – Il n’y a pas lieu d’engager la responsabilité de Mmes B et C au titre de la présomption de charge n° 3.

Fait et jugé en la Cour des comptes, première chambre, première section, par M. Philippe GEOFFROY, président de section, présidant la séance, MM. Daniel-Georges COURTOIS, Olivier MOUSSON, Vincent FELLER, M me Dominique DUJOLS et M. Alain LEVIONNOIS, conseillers maîtres.

En présence de M me Marie-Hélène Paris-Varin, greffière de séance.

Marie-Hélène PARIS-VARIN

Philippe GEOFFROY

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-16 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-15 du même code.

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