COUR DES COMPTES - Première Chambre - Arrêt - 28/07/2016

COUR DES COMPTES - Première Chambre - Arrêt - 28/07/2016

Direction départementale des finances publiques (DDFIP) des Yvelines - Service des impôts des entreprises (SIE) de Mantes-Est et Pôle de recouvrement spécialisé (PRS) - Exercices 2006 à 2010 - n° S-2016-2381

La Cour,

Vu le réquisitoire en date du 28 juillet 2015, par lequel le Procureur général près la Cour des comptes a saisi la première chambre de la Cour des comptes de présomptions de charges, en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X, comptable de Mantes-la-Jolie-Est au titre de l’exercice 2007, ou à défaut celle de ses successeurs, M me  Y et M. Z, au titre des exercices 2008 à 2010, ou celle de M me A, comptable du PRS de Versailles au titre de l’exercice 2010, ensemble la preuve de sa notification aux parties ;

Vu les comptes de la direction départementale des finances publiques (DDFiP) des Yvelines rendus pour les exercices 2006 à 2010, y annexés les états de restes à recouvrer établis, en leur qualité de receveur des administrations financières, par M. X pour la période du 24 juillet 2004 au 31 août 2009, M me Y, à compter du 1 er septembre 2009, M. Z à compter du 28 septembre 2011 et M me A à compter du 2 novembre 2010 ;

Vu les justifications produites au soutien des susdits états annexes, ensemble les pièces recueillies au cours de l’instruction ;

Vu les observations écrites présentées par MM. Z et X, respectivement les 4 et 9 décembre 2015, en réponse au réquisitoire précité ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code général des impôts, ensemble ses annexes et le livre des procédures fiscales, notamment ses articles L. 256 et R. 256-6 ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ;

Vu le décret n° 77-1017 du 1 er septembre 1977 relatif à la responsabilité des receveurs des administrations financières ;

Vu le rapport à fin d’arrêt n° 2016-0124 de M. Jean-Christophe Chouvet , conseiller maître, chargé de l’instruction ;

Vu les conclusions du Procureur général ;

Entendu lors de l’audience publique du 23 juin 2016, M. Chouvet , en son rapport, et M. Bertrand Diringer , avocat général, en ses conclusions du ministère public, M mes Y et A ainsi que MM. X et Z, informés de l’audience, n’étant ni présents, ni représentés ;

Entendu en délibéré, M. Vincent Feller , conseiller maître, en ses observations ;

Sur la présomption de charge n° 5 (SARL Kada Distribution) soulevée à l’encontre de M. X au titre de l’exercice 2007 ou de M me Y et de M. Z au titre des exercices 2008 à 2010, ou de M me A au titre de l’exercice 2010

Attendu que le Procureur général a estimé que la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X, comptable de Mantes-la-Jolie-Est, pouvait être mise en jeu à hauteur de 67 859,63 € au titre de l’exercice 2007, ou à défaut celle de ses successeurs, M me Y et M. Z, au titre des exercices 2008 à 2010, ou celle de M me A au titre de l’exercice 2010, en raison de l’insuffisance de diligences, notamment du défaut de transmission à la société Kada Distribution des avis de mise en recouvrement rendus exécutoires en 2007 ;

Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations

Sur la règle de droit

Attendu qu’aux termes de l'article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes et des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en cette matière dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique ; que leur responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve engagée dès lors qu’une recette n’a pas été recouvrée ; que la responsabilité du comptable public en matière de recettes s’apprécie au regard de ses diligences, celles-ci devant être adéquates, complètes et rapides ;

Attendu qu’il résulte de l’article R. 256-6 du livre des procédures fiscales (LPF) susvisé, dans sa rédaction en vigueur à l’époque des faits, que la notification de l'avis de mise en recouvrement comporte l'envoi au redevable, soit au lieu de son domicile, de sa résidence ou de son siège, soit à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître au service des impôts, de l'ampliation prévue à l'article R. 256-3 ;

Sur les faits

Attendu que la société Kada Distribution dont le siège social était situé à Aubervilliers (93) restait redevable d’un montant total de 68 662 € de créances fiscales résultant d’un contrôle fiscal externe diligenté en 2006 ;

Attendu que le contrôle fiscal a révélé l’absence d’activité au siège social d’Aubervilliers, et que le service vérificateur a décidé de domicilier fiscalement la société au siège effectif de deux autres activités, qui auraient été exercées à Mantes-la-Jolie et Mantes-Ville ;

Attendu que le chef du service comptable du service des impôts centralisateur de Bobigny a transmis le 10 avril 2007 une fiche de solvabilité ainsi que la copie de la notification de redressements concernant cette société au comptable du SIE de Mantes-Est ;

Attendu que ce dernier a adressé une requête aux fins de mesures conservatoires auprès du juge de l’exécution du Tribunal de grande instance de Versailles le 25 avril 2007 puis a procédé à l’inscription de nantissement sur le fonds de commerce de la société, en vertu d’une ordonnance du juge d’exécution du 3 mai 2007 ;

Attendu que les fiches de prises en charge des rappels d’impôts sont parvenues au SIE de Mantes-Est le 15 juin 2007 ;

Attendu les avis de mise en recouvrement, adressés le 21 juin 2007 par le comptable du SIE de Mantes-Est au siège social de la SARL Kada Distribution à Aubervilliers, ont été retournés par la Poste, revêtus de la mention « n’habite pas à l’adresse indiquée » et qu’aucune mise en demeure n’aurait été émise en vue du recouvrement de ces créances ;

Attendu que le dossier de la société a été transféré au Pôle de recouvrement spécialisé de Versailles le 31 août 2007 ;

Attendu que la société a introduit une réclamation contentieuse suspensive de paiement le 25 février 2008 ; que le comptable a fait opposition au paiement du prix de vente du fonds de commerce, signifiée par huissier le 21 avril 2010 ;

Attendu que la société a été déclarée en liquidation judiciaire le 28 septembre 2010 par jugement publié le 14 octobre 2010 ; que les créances ont été déclarées au passif de la procédure, laquelle a été clôturée pour insuffisance d’actif le 24 février 2012 ;

Sur les moyens invoqués à décharge

Attendu que le comptable relève que les avis de mise en recouvrement ont été édités avec l’adresse du siège social mentionnée sur les prises en charges communiquées par la DDFiP 93 et inchangées au registre du commerce et des sociétés ;

Attendu que M. X précise que dès la réception de la note du service vérificateur d’Aubervilliers du 10 avril 2007, il a effectué une enquête sur place à l’adresse des deux fonds de commerces mentionnés et a constaté l’absence de boîte au nom de la société ; que selon lui le retard dans la communication des deux avis de mise en recouvrement ne résulte pas d’une négligence du service mais de la volonté manifeste du redevable défaillant, et n’a entrainé aucune irrégularité qui ait empêché de poursuivre l’action en recouvrement ;

Attendu qu’il estime que la validité des deux avis de mise en recouvrement n’est pas remise en cause par le conseil de la société dans sa réclamation en date du 25 février 2008, assortie d’une demande de sursis de paiement ;

Attendu que le comptable du SIE de Mantes-Est relève qu’il a, dès avant le transfert du dossier, sollicité l’engagement de mesures conservatoires pour garantir le recouvrement des créances ; que l’action en recouvrement a été suspendue à partir de la demande du sursis de paiement et que la procédure contentieuse s’est achevée avec le rejet de la requête portée devant le juge administratif, intervenu le 26 juin 2013 ;

Attendu que M. Z précise qu’il a pris ses fonctions au SIE Mantes-Est à compter du 28 septembre 2011 ;

Sur l’application au cas d’espèce

En ce qui concerne M. Z

Attendu que M. Z n’était pas en fonctions lors des exercices visés par le réquisitoire pour cette présomption de charge ; qu’il n’y a donc pas lieu à charge à son encontre à ces motifs ;

En ce qui concerne M. X, M me Y et M me A

Attendu que la notification de l'avis de mise en recouvrement a été régulièrement adressée, conformément aux articles L. 256 et R. 256-6 du LPF, au siège social de la Sarl Kada tel qu’il est mentionné au registre du commerce et des sociétés, et que le contribuable n’a pas fait connaître une autre adresse au service des impôts ;

Attendu en l’espèce que la réclamation introduite par le conseil de la société le 25 février 2008 vise les deux avis de mise en recouvrement en date du 21 juin 2007 et que l’authentification de la dette n’est pas contestée ;

Attendu qu’ainsi il n’est pas établi que les comptables successifs aient manqué à leurs obligations de diligences ; qu’il n’y a donc pas lieu de mettre en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X, M me Y et M me A à ces motifs ;

Attendu qu’aucune autre charge n’ayant été élevée au titre de 2007 à l’encontre de M.  X, en sa qualité de comptable de Mantes-Est, il convient de le décharger pour cet exercice ;

Par ces motifs,

DÉCIDE :

Présomption de charge n° 5, en ce qui concerne M. X, Mme Y,  Mme A et M. Z:

Article 1 . – Il n’y a pas lieu d’engager la responsabilité de M. X, M me Y,  M me A et M. Z au titre de la présomption de charge n° 5.

Article 2 . – M. X est déchargé de sa gestion pour l’année 2007.

Fait et jugé en la Cour des comptes, première chambre, première section, par M. Philippe GEOFFROY, président de section, présidant la séance, MM. Daniel-Georges COURTOIS, Olivier MOUSSON, Vincent FELLER, M me Dominique DUJOLS et M. Alain LEVIONNOIS, conseillers maîtres.

En présence de M me Marie-Hélène PARIS-VARIN, greffière de séance.

Marie-Hélène PARIS-VARIN

Philippe GEOFFROY

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-16 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-15 du même code.

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