COUR DES COMPTES - Troisième Chambre - Arrêt - 30/11/2016

COUR DES COMPTES - Troisième Chambre - Arrêt - 30/11/2016

Académie des inscriptions et belles lettres - Exercice 2012 - n° S-2016-3681

La Cour,

Vu le réquisitoire n° 2015-70 RQ-DB en date du 18 septembre 2015, par lequel le Procureur général près la Cour des comptes a saisi la troisième chambre de la Cour des comptes d’une présomption de charge, en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X, receveur des fondations de l’Institut de France, en tant qu’agent comptable de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, au titre d’une opération relative à l’exercice 2012, notifié à l’intéressé le 8 octobre 2015 ;

Vu les comptes rendus par Mme X en qualité d’agent comptable de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, du 1 er janvier au 31 décembre 2012 ;

Vu les justifications produites au soutien du compte en jugement ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche ;

Vu le décret n° 2007-810 du 11 mai 2007 portant approbation du règlement général de l’Institut de France et des académies ;

Vu le décret n° 2007-811 du 11 mai 2007 portant approbation du règlement financier de l’Institut de France et des académies ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique et le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

Vu le cautionnement de Mme X (200 000 € - extrait d’inscription à l’Association française de cautionnement mutuel n° 247273) ;

Vu les observations écrites de Mme X du 12 décembre 2015 ;

Vu le rapport n° 2016-0623 de M. Grégoire HERBIN, conseiller référendaire, magistrat chargé de l’instruction ;

Vu les conclusions du Procureur général près la Cour des comptes ;

Vu les courriers électroniques adressés à la Cour par Mme X après la clôture de l’instruction, les 6, 7 et  8 juillet 2016 ;

Vu le mémoire produit le 27 septembre 2016 par Maître Bertrand MAHL, avocat à la Cour, chargé d’assurer la défense des intérêts de l’Académie des inscriptions et belles-lettres ;

Vu les pièces du dossier ; 

Entendu lors de l’audience publique du 30 septembre 2016 M. Grégoire HERBIN, conseiller référendaire en son rapport, M. Gilles MILLER, avocat général, en les conclusions du ministère public, Maître Marie-Laure BOURBON-PALDI, avocate à la Cour, représentant le cabinet de Maître Bertrand MAHL, chargée d’assurer la défense des intérêts de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, présente, et Mme X, agent comptable, présente et ayant eu la parole en dernier ;

Entendu en délibéré M. Michel CLEMENT, conseiller maître, en ses observations ;

Sur la présomption de charge unique, soulevée à l’encontre de Mme X au titre de l’exercice 2012 

Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la troisième chambre de la Cour des comptes de la responsabilité encourue par Mme X à raison du paiement en 2012 d’une somme globale à déterminer, mais qui ne serait pas inférieure à 36 152,56 €, imputée pour partie au compte n° 64-1300 « primes et gratifications » représentative d’indemnités versées à quatre agents du ministère de l’éducation nationale affectés à l’Académie des inscriptions et belles-lettres ; que ce paiement a été effectué en l’absence d’une convention entre cette administration et l’académie et sans que les modalités exactes de ces rémunérations complémentaires aient été formalisées ;

Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations

Sur le droit applicable

Attendu que, selon l’article 16 du décret n° 2007-811 du 11 mai 2007 susvisé, « le receveur des fondations est responsable personnellement et pécuniairement dans les conditions applicables aux comptables publics fixées par l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 » ;

Attendu que selon le premier alinéa du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables […] du paiement des dépenses » ;

Attendu que, selon les dispositions de l’article 12 B du décret du 29 décembre 1962 susvisé, les comptables sont tenus d’exercer en matière de dépense « le contrôle […] de la validité de la créance » ; que s’agissant de la validité de la créance, l’article 13 du même décret fait notamment porter le contrôle sur l’exactitude des calculs de liquidation et la production des justifications ;

Attendu que, selon les dispositions de l’article 37 du même décret, « lorsque, à l’occasion de l’exercice du contrôle prévu à l’article 12 B ci-dessus, des irrégularités sont constatées, les comptables publics suspendent les paiements et en informent les ordonnateurs » ;

Attendu que selon le deuxième alinéa du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière […] de dépenses […] dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » ; que selon le troisième alinéa du I de ce même article, la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics « se trouve engagée dès lors […] qu’une dépense a été irrégulièrement payée » ;

Sur les faits

Attendu que l’Académie des inscriptions et belles-lettres a bénéficié d’agents formellement mis à disposition par le ministère de l’éducation nationale ; que quatre fonctionnaires lui ont par ailleurs été affectés, M. Y secrétaire général, Mme Z, M. A et Mme B ; que chacun a été bénéficiaire, en 2012, de primes mensuelles complémentaires et de gratifications diverses dont les fondements juridiques demeurent inconnus en l’absence de production d’une convention, pour une somme globale à déterminer mais qui ne serait pas inférieure à 36 152,56 € ; que l’agent comptable a réglé, cette somme, sans avoir un accès systématique aux éléments qui lui auraient permis de s’assurer de la validité de ces paiements ;

Sur les éléments apportés à décharge par le comptable et l’ordonnateur

Attendu que Mme X a rappelé la répartition des responsabilités en matière de paiement des rémunérations et accessoires de rémunérations, en vigueur au sein de l’Institut de France et des académies, en citant la directrice des services administratifs qui a expliqué qu’en fonction d’une organisation « en pratique depuis de très nombreuses années » et n’ayant « jamais été modifiée », c’est au service de la paie qu’il revient de contrôler « la légalité des décisions » en matière de rémunération ; qu’elle n’avait pas demandé les pièces nécessaires et qu’elle n‘avait par conséquent aucun moyen d’assurer sa mission en matière de contrôle de la validité des dépenses dans ce domaine ; que les paiements ont été effectués par elle sur la base d’un « document global sans détail mais visé par des directeurs » ;

Attendu que l’ordonnateur, par son représentant, a confirmé cette organisation ; qu’il a précisé que « les supports d’ordonnancement de dépenses étaient formalisés et disponibles » ; que « de surcroît, le receveur des fondations a disposé dans le cadre de ses attributions, de toute latitude pour procéder à l’examen desdits supports » ;

Sur l’application au cas d’espèce

Attendu que l’agent comptable admet explicitement n’avoir procédé ni cherché à procéder à aucun contrôle de la validité des dépenses de rémunération ;

Attendu qu’il n’est pas prouvé que l’agent comptable ait cherché à examiner, en vue du contrôle des dépenses, les supports d’ordonnancement auxquels il lui était possible d’avoir accès selon l’ordonnateur ; qu’elle a procédé au paiement de ces dépenses sur la seule foi du « document global » transmis ;

Attendu que cette pièce justificative n’était pas suffisante pour que l’agent comptable puisse assurer le paiement de primes individuelles ; qu’elle ne lui permettait pas de vérifier la validité des dépenses et notamment l’exactitude des calculs de liquidation ;

Attendu qu’ainsi l’agent comptable a manqué à ses obligations en application des articles précités du décret du 29 décembre 1962 susvisé ; que la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X est engagée au titre de sa gestion 2012 à ce motif ;

Sur l’existence d’un préjudice financier causé par le manquement

Attendu qu’il n’est pas établi que le paiement était dû ; qu’ainsi le manquement de l’agent comptable a causé un préjudice financier à l’Académie des inscriptions et belles-lettres, au sens des dispositions du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée ;

Attendu qu’aux termes du même article, « lorsque le manquement du comptable a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’ainsi il y a lieu de constituer Mme X débitrice de l’Académie des inscriptions et belles-lettres pour la somme de 36 152,56 € au titre de l’exercice 2012 ;

Attendu qu’aux termes des dispositions du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 16 octobre 2015, date du premier avis de la notification du réquisitoire à Mme X ;

Attendu que ce paiement, au moment des faits, n’entrait pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif, au sens du IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée.

Par ces motifs,

DÉCIDE :

En ce qui concerne Mme X

Présomption de charge unique - exercice 2012

Article 1 er . – Mme X est constituée débitrice de l’Académie des Inscriptions et Belles-lettres pour la somme de 36 152,56 € au titre de l’exercice 2012, augmentée des intérêts de droit à compter du 16 octobre 2015, date de réception du réquisitoire ;

Article 2. - La décharge de Mme X au titre de l’exercice 2012 ne pourra être donnée qu’après apurement de la somme à acquitter, fixée ci-dessus.

Fait et jugé par Mme Sophie MOATI, présidente de chambre ; M. Omar SENHAJI, président de section, Mme Annie PODEUR, conseillère maître, MM. Michel CLEMENT, Damien CAZÉ, conseillers maîtres.

En présence de Mme Valérie GUEDJ, greffière de séance.

Valérie GUEDJ

Greffière de séance

Sophie MOATI

Présidente de séance

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-16 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-15 du même code.

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