COUR DES COMPTES - Quatrième Chambre - Arrêt d'appel - 01/12/2016

COUR DES COMPTES - Quatrième Chambre - Arrêt d'appel - 01/12/2016

Commune de Morsang-sur-Orge (Essonne) - Appel d'un jugement de la chambre régionale des comptes (CRC) d'Ile-de-France - n° S-2016-3737

La Cour,

Vu la requête enregistrée le 13 août 2015 au greffe de la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France, par laquelle M. X, comptable de la commune de Morsang-sur-Orge, a relevé appel du jugement n° 2015-0017 du 30 juin 2015 par lequel ladite chambre régionalel’a constitué débiteur envers cette commune pour la somme de 1 589,80 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2014 ;

Vu les pièces de la procédure suivie en première instance ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code général des collectivités territoriales, notamment ses articles L. 1612-15 et L. 1612-16, dans leur rédaction issue de la loi n° 96-142 du 21 février 1996 ;

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963, dans sa rédaction issue de l'article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’État, les départements, les communes et les établissements publics ;

Vu le décret n °62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ;

Vu le rapport de Mme Sylvie TORAILLE, conseillère maître ;

Entendu, lors de l’audience publique du 17 novembre 2016, Mme Sylvie TORAILLE, conseillère maître, en son rapport, Mme Loguivy ROCHE, avocate générale, en les conclusions du ministère public ;

Après avoir entendu en délibéré Mme Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS, conseillère maître, en ses observations ;

Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes d’Ile-de-Francea constituéM. X, comptable de la commune de Morsang-sur-Orge,débiteur envers cette commune pour la somme de 1 589,80 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2014, pour n’avoir pas apporté la preuve de diligences adéquates, complètes et rapides dans le recouvrement de 29 titres de recettes émis en 2003 et 2004 par cette commune à l’encontre du département de l’Essonne, et prescrits en 2009 sous la gestion de M. X ;

Attendu que l’appelant demande d’infirmer le jugement entrepris ; que, d’une part, il soutient que le jugement attaqué est entaché d’erreur de droit en ce qu’il n’a pas retenu comme unediligence adéquate, complète et rapidela procédure de mandatement d’office qu’il a mise en œuvre en 2005 à l’encontre du débiteur de la commune ; que l’inaction du préfet de l’Essonne ne peut être retenue à son encontre ; qu’à l’appui de ce moyen, il invoque un jugement de la chambre régionale des comptes de Provence Alpe Côte d’Azur dans une affaire réputée semblable ; que, d’autre part, il fait valoir qu’en retenant la prescription des créances comme critère exclusif de mise en cause de sa responsabilité, et en écartant l’examen des diligences accomplies, les premiers juges ont dénaturé la jurisprudence de la Cour fondée sur la notion de recouvrement définitivement compromis en la confondant avec la prescription de l’action en recouvrement ;

Attendu qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction en vigueur en 2009, «  La chambre régionale des comptes, saisie (…) par le comptable public concerné, (…) constate qu’une dépense obligatoire n’a pas été inscrite au budget ou l’a été pour une somme insuffisante. Elle opère cette constatation dans le délai d’un mois à partir de la saisine et adresse une mise en demeure à la collectivité territoriale concernée  » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 1612-16 du même code, «  A défaut de mandatement d’une dépense obligatoire par (…) le président du conseil général (…) dans le mois suivant la mise en demeure qui lui a été faite par le représentant de l’État dans le département, celui-ci y procède d’office  » ; qu’en vertu des dispositions du 3° de l’article L. 1617-5 du même code, l’action des comptables publics chargés de recouvrer les créances des communes se prescrit par quatre ans à compter de la prise en charge du titre de recettes, et ce délai est interrompu par tous actes interruptifs de la prescription ; qu’au nombre de ces actes interruptifs figurent les actes mentionnés par l’article 2 de la loi du 31 décembre 1968 susvisée, notamment «  toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par le créancier à l’autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance  » ;

Attendu, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier qu’après avoir interrompu la prescription de l’action en recouvrementde 29 titres de recettes émis en 2003 et 2004 parl’envoi au département de l’Essonne, le 12 août 2005, d’une mise en demeure restée infructueuse, et après avoir demandé au préfet de l’Essonne, le 27 septembre puis le 13 octobre 2005, par un courrier notifié le 25 octobre 2005, de mettre en œuvre la procédure de mandatement d’office de ces titres prévue par l’article L. 1612-16 du code général des collectivités territoriales,M. X s’est abstenu de toute nouvelle diligence de nature soit à assurer le recouvrement de cette créance, soit à interrompre la prescription de l’action en recouvrement ; qu’en particulier, l’appelant reconnaît n’avoir pas saisi la chambre régionale des comptes d’une demande tendant à ce qu’elle adresse une mise en demeure audépartement de l’Essonnesur le fondement des dispositions précitée de l’article L. 1612-15 du même code ; qu’il n’a pas davantage adressé à cette collectivité une communication écrite ayant trait au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de cette créance ;

Attendu que par suite de l’absence de tout nouvel acte interruptif de la prescription, la créance est devenue irrécouvrable au cours de l’exercice 2009, sous la gestion de M. X ; que, dès lors, les premiers juges ont pu, sans commettre d’erreur de droit, estimer que le comptable n’avait pas exercé dans les délais appropriés toutes diligences requises pour le recouvrement des créances qu’il avait prises en charge ;

Attendu que si l’appelant invoque, à l’appui de ce moyen, un jugement de lachambre régionale des comptes de Provence Alpes Côte d’Azur, l’absence de manquement relevé dans une affaire prétendument similaire est sans portée ; qu’en effet, le juge d’appel n’est pas davantage tenu qu’un juge de première instance par la solution donnée par un autre juge ou le même juge dans une affaire supposée similaire ; que dès lors,ce premier moyenne peut être accueilli ;

Attendu, en second lieu, qu’il est constant que les créances de la commune de Morsang-sur-Orge portaient sur une personne morale de droit public solvable ; que l’appelant n’apporte aucun élément permettant de considérer, et ne soutient d’ailleurs pas, que ces créances n’étaient pas fondées ; que par suite, leur recouvrement ne pouvait être définitivement compromis que du fait de l’intervention de la prescription de l’action en recouvrement ; qu’il suit de là que les premiers jugesont pu, sans commettre d’erreur de droit, mettreen cause la responsabilité du comptable pour avoir définitivement compromis le recouvrement de ces créances en s’abstenant d’accomplir un acte interruptif de prescription ; que, loin d’écarter l’examen des diligences accomplies, ils ont à bon droit jugé que l’absence de diligences accomplies par le comptable était de nature à engager sa responsabilité ; que dès lors,ce second moyenne peut être accueilli ;

Par ces motifs,

DECIDE  :

Article 1 er – La requête de M. X est rejetée.

------------

Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents : M. Jean-Philippe VACHIA, président de chambre, président de la formation ; M. Yves ROLLAND, conseiller maître, président de section, Mme Anne FROMENT-MEURICE, présidente de chambre maintenue en activité, MM. Jean-Pierre LAFAURE, Franc-Gilbert BANQUEY, Jean-Yves BERTUCCI, conseillers maitres, et Mme Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS, conseillère maître.

En présence de Mme Marie-Noëlle TOTH, greffière de séance.

Marie-Noëlle TOTH

Jean-Philippe VACHIA

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-16 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 142-15-I du même code.

Vous ne trouvez pas ce que vous cherchez ?

Demander un document

Avertissement : toutes les données présentées sont fournies directement par la DILA via son API et ne font l'objet d'aucun traitement ni d'aucune garantie.

expand_less