COUR DES COMPTES - Première Chambre - Arrêt - 24/05/2017

COUR DES COMPTES - Première Chambre - Arrêt - 24/05/2017

Direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris - Pôle de gestion fiscale de Paris Nord-Est - Ex-direction des services fiscaux de Paris-Est (Service des impôts des entreprises (SIE) de Paris - 11ème arrondissement Folie-Méricourt) - Exercice 2011 - n° S-2017-1574

La Cour,

Vu le réquisitoire n° 2016-67 RQ-DB du 13 octobre 2016, par lequel le Procureur général près la Cour des comptes a saisi la première chambre de ladite Cour en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X, comptable du service des impôts des entreprises (SIE) de Paris - 11 ème arrondissement Folie-Méricourt, à raison d’opérations relatives à l’exercice 2011, ensemble la preuve de sa notification à ladite comptable, le  31 décembre 2016, au directeur régional des finances publiques d’Ile-de-France et du département de Paris, le 16 décembre 2016, et au directeur général des finances publiques, le 16 décembre 2016 ;

Vu les comptes de la direction régionale des finances publiques d’Ile-de-France et du département de Paris rendus pour les exercices 2008 à 2011, y annexés les états des restes à recouvrer établis en sa qualité de receveur des administrations financières par Mme X, comptable intérimaire, pour la période du 15 janvier 2010 au 31 mars 2011 ;

Vu les justifications produites au soutien des états des restes à recouvrer susvisés, ensemble les pièces recueillies au cours de l’instruction ;

Vu les observations écrites présentées par Mme X, en réponse au réquisitoire susvisé, le
27 janvier 2017 ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ;

Vu le décret n° 77-1017 du 1 er septembre 1977 relatif à la responsabilité des receveurs des administrations financières ;

Vu la décision fixant à 174 000 € le montant du cautionnement relatif au poste comptable pour 2011 ;

Vu les réserves formulées le 5 mars 2012 par Mme Y, successeur de Mme X, sur la gestion de ses prédécesseurs ;

Vu le rapport de M. Jean-Christophe Chouvet , conseiller maître, magistrat chargé de l’instruction ;

Vu les conclusions du Procureur général ;

Entendu, lors de l’audience publique du 25 avril 2017, M. Jean-Christophe CHOUVET, en son rapport,  M. Bertrand DIRINGER, avocat général, en les conclusions du ministère public,     Mme X  n’étant ni présente ni représentée ;

Entendu en délibéré M. Guy FIALON, conseiller maître, en ses observations ;

Sur la présomption de charge unique à l’encontre de Mme X , relevée dans le réquisitoire susvisé du 13 octobre 2016, sur l’exercice 2011

Attendu que par le réquisitoire susvisé le Procureur général a estimé que la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X pourrait être mise en jeu, sur l’exercice 2011, au motif qu’à la clôture dudit exercice, une créance de TVA de 5 694 €, mise en recouvrement le 12 janvier 2007, et notifiée au débiteur le 16 janvier 2007, n’aurait pas été recouvrée, faute de diligences suffisantes ;

Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations

Sur la règle de droit

Attendu qu’aux termes de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes et des contrôles qu’ils sont tenus d’exercer en cette matière dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique susvisé ; que leur responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve engagée dès lors qu’une recette n’a pas été recouvrée ; que la responsabilité du comptable public en matière de recettes s’apprécie au regard de ses diligences, celles-ci devant être adéquates, complètes et rapides ;

Attendu qu’aux termes de l’article L. 274 du livre des procédures fiscales, les comptables publics des administrations fiscales qui n’ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l’envoi de l’avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable ;

Sur les faits

Attendu qu’une personne physique restait redevable, à la clôture de l’exercice 2011, d’une somme de 5 694 €, au titre de la taxe à la valeur ajoutée ; que cette créance mise en recouvrement le 12 janvier 2007, l’avis ayant été reçu le 16 janvier 2007, a fait l’objet d’une mise en demeure reçue le 29 janvier 2007 ; que Mme X n’avait pas émis de réserve sur cette créance ; que son successeur à compter du 1 er avril 2011, Mme Y, a émis des réserves sur cette opération ; que la créance a été incluse dans un plan de règlement de ses dettes fiscales souscrit par le redevable le 16 avril 2012, avant d’être admise en non-valeur par une décision du 15 octobre 2012 ;

Sur les éléments apportés à décharge par la comptable

Attendu que, dans sa réponse susvisée au réquisitoire du ministère public, Mme X a fait valoir que la créance en cause n’avait jamais été incluse dans les actes de poursuite diligentés à l’encontre du redevable postérieurement à sa mise en recouvrement en 2007, soit bien avant sa prise de fonctions en 2010 ; que c’est en raison du caractère temporaire de ses fonctions de comptable intérimaire qu’elle n’avait pas formulé de réserves sur la gestion de ses prédécesseurs et, notamment, sur le défaut de recouvrement de la créance en cause ;

Attendu qu’elle précise que les avis à tiers détenteurs émis en vue du recouvrement d’autres créances détenues sur le même redevable s’étaient avérés infructueux, de telle sorte que, si la créance en cause avait été comprise dans ces actes de poursuite, les diligences auraient été tout aussi improductives ; que, sous sa gestion, une lettre a été adressée au débiteur, le 9 décembre 2010, pour lui fixer un rendez-vous le 23 décembre 2010, celui-ci ayant pour objet le règlement de sa dette ;

Attendu qu’elle fait également valoir que le paiement spontané de 100 €, intervenu le 11 janvier 2011 et imputé par le comptable sur la créance la plus ancienne, alors qu’il aurait pu l’être à la créance en cause, faute d’indication de la part du redevable, témoignait de la volonté de ce dernier de reconnaître l’ensemble de ses dettes fiscales ;

Attendu qu’elle estime qu’il ressort du rapport de demande d’admission de la créance en non-valeur que l’insolvabilité du débiteur était manifeste ;

Attendu qu’elle fait enfin valoir que le plan de règlement incluait la créance en cause, ce qui témoignait de ce que celui-ci renonçait tacitement au bénéfice de la prescription extinctive de ladite créance et emportait pour conséquence qu’à cette date, le recouvrement de ladite créance ne se trouvait pas définitivement compromis, les versements prévus par le plan de règlement pouvant être valablement affectés à l’apurement de celle-ci ;

Sur l’application au cas d’espèce

Attendu que la mise en demeure évoquée n’avait pas l’effet interruptif de prescription prévu par l’article L. 257-0 A du livre des procédures fiscales, dans la mesure où celui-ci est entré en vigueur le 1 er octobre 2011 ;

Attendu que la reconnaissance de dette interruptive de la prescription ne peut résulter que d’un acte ou d’une démarche par lequel le redevable se réfère clairement à une créance définie par sa nature, son montant et l’identité du créancier ; que tel n’était pas le cas du versement spontané de 100 € effectué le 11 janvier 2011 par le contribuable, sans affectation précise, alors qu’il restait redevable d’un ensemble de créances ; que dès lors, ce versement n’a pu interrompre le cours de la prescription de la créance en cause ; qu’il en va de même du rendez‑vous proposé par le comptable ;

Attendu ainsi que faute de diligences interruptives de la part de Mme X au plus tard le 16 janvier 2011, la créance en cause, mise en recouvrement le 16 janvier 2007, s’est trouvée prescrite sous sa gestion ;

Attendu que les actions menées postérieurement à cette date par le successeur de Mme X n’ont pas permis de recouvrer la créance ; que cette créance a été admise en non-valeur ; que les versements effectués au titre du plan de règlement précité ne peuvent, faute de précision, être imputés en tout ou partie à cette créance ;

Attendu qu’il n’apparaît pas que le recouvrement de la créance était gravement compromis dès avant le 15 janvier 2010, date de prise de fonctions de Mme X ; que le caractère infructueux des avis à tiers détenteurs notifiés pour d’autres créances n’épuisait pas les diligences possibles pour la créance litigieuse ; que Mme X disposait du temps nécessaire pour accomplir tout acte interruptif de ladite prescription ; que, de ce fait, ne peuvent être retenus à décharge les moyens tenant à l’inaction de ses prédécesseurs quant à cette créance ; que, dès lors, l’existence ou non de réserves de sa part quant à cette créance est indifférente à l’affaire ;

Attendu ainsi que Mme X a manqué à ses obligations de diligences adéquates, complètes et rapides, en matière de recouvrement de cette créance ; qu’il y a donc lieu d’engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire au titre de l’exercice 2011 ;

Sur l’existence d’un préjudice financier

Attendu que le défaut de recouvrement d’une créance cause, par principe, un préjudice financier à la collectivité publique créancière ; que le préjudice n’est absent que dans l’hypothèse où la collectivité publique créancière n’aurait pas pu être désintéressée, quand bien même le comptable aurait satisfait à ses obligations ; que, contrairement à ce qu’elle soutient dans ses observations susvisées, Mme X n’établit pas que le redevable aurait été insolvable au moment où les diligences interruptives étaient possibles ; que, dans ces conditions, le manquement de la comptable doit être considéré comme ayant causé un préjudice financier à l’Etat ;

Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du VI de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée : «lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier, le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante» ;

Attendu qu’il y a lieu, ainsi, au titre de l’exercice 2011, de constituer Mme X débitrice envers l’Etat de la somme de 5 694 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de sa responsabilité personnelle et pécuniaire, soit à compter du 31 décembre 2016, date de réception du réquisitoire susvisé ;

Par ces motifs,

DÉCIDE :

Présomption de charge unique. Exercice 2011.

Article 1 er . – Mme X est constituée débitrice de l’Etat de la somme de 5 694 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 31 décembre 2016.

Article 2. – Mme X ne pourra être déchargée de sa gestion au titre de l’année 2011 qu’après l’apurement du débet fixé ci-dessus.

Fait et jugé par M. Philippe GEOFFROY, président de section, présidant la séance; MM. Daniel-Georges COURTOIS, Bruno ORY-LAVOLLEE, Vincent FELLER, Mme Dominique DUJOLS et M. Guy FIALON, conseillers maîtres.

En présence de Mme Valérie GUEDJ, greffière de séance.

Valérie G uedj

Philippe GEOFFROY

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.

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