COUR DES COMPTES - Première Chambre - Arrêt - 20/06/2017

COUR DES COMPTES - Première Chambre - Arrêt - 20/06/2017

Direction des services fiscaux (DSF) de Paris-Centre - Service des impôts des entreprises (SIE) de Paris 9ème Est) - Exercice 2008 - n° S-2017-1856

La Cour,

Vu le réquisitoire en date 16 septembre 2016, par lequel le Procureur général près la Cour des comptes a saisi la première chambre de la Cour des comptes de présomptions de charges, en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X, comptable du service des impôts des entreprises de Paris 9 ème  Est, au titre d’opérations relatives à l’exercice 2008 ;

Vu l’accusé de réception de ce réquisitoire par M. X, daté du 30 septembre 2016 ;

Vu les comptes de la direction des services fiscaux de Paris-Centre rendus pour les exercices 2008 à 2011, y annexés les états des restes à recouvrer établis en leur qualité de receveur des administrations financières, responsables du service des impôts des entreprises de Paris 9 ème Est par M. X et Mme Y pour les exercices 2008 à 2011 ;

Vu les justifications produites au soutien de ces états annexes, ensemble les pièces recueillies au cours de l’instruction ;

Vu le code de commerce, notamment ses articles L. 622-24 et L. 622-26 ;

Vu le code général des impôts, ensemble son annexe 3 et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ;

Vu le décret n° 77-1017 du 1 er septembre 1977 relatif à la responsabilité des receveurs des administrations financières ;

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifiée dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificatives pour 2011 ;

Vu les pièces du dossier, notamment le mémoire en défense de M. X en date du 21 novembre 2016 ;

Vu le rapport de M. Benjamin LANCAR, auditeur,  magistrat chargé de l’instruction ;

Vu les conclusions du Procureur général n° 333 du 2 mai 2017 ;

Entendu lors de l’audience publique du 16 mai 2017 M. Benjamin LANCAR, auditeur en son rapport, M. Bertrand DIRINGER, avocat général, en les conclusions du ministère public, et M. X, comptable présent, ayant eu la parole en dernier ; 

Entendu en délibéré M. Alain LEVIONNOIS, conseiller maître, en ses observations ;

Sur la charge n° 1, soulevée à l’encontre de M. X, au titre de l’exercice 2008

Attendu que par le réquisitoire susvisé le Procureur général a saisi la première chambre de la Cour des comptes de la responsabilité encourue par M. X, comptable en fonctions du service des impôts des entreprises de Paris 9 ème  Est du 7 janvier 2008 au 31 août 2010, à raison de l’insuffisance des diligences au titre de l’exercice 2008, en vue du recouvrement d’une créance sur une SARL à hauteur de 292 984 € ;

Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations

Sur la règle de droit

Attendu qu’aux termes de la loi du 23 février 1963 susvisée, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes et des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en cette matière dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique ; que leur responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve engagée dès lors qu’une recette n’a pas été recouvrée ; que la responsabilité du comptable public en matière de recettes s’apprécie au regard de ses diligences, celles-ci devant être adéquates, complètes et rapides ;

Attendu qu’en application de l’article L. 622‑24 du code de commerce susvisé, « A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat […] La déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation. Les créances du Trésor public et des organismes de prévoyance et de sécurité sociale ainsi que les créances recouvrées par les organismes visés à l'article L. 5427‑1 à L. 5427‑6 du code du travail qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré. En tout état de cause, les déclarations du Trésor et de la sécurité sociale sont toujours faites sous réserve des impôts et autres créances non établis à la date de la déclaration. Sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai prévu à l'article L. 624‑1. […] » ; que l’article R. 622‑24 du même code fixe ledit délai à deux mois ;

Sur les faits

Attendu qu’un contrôle fiscal, engagé par l’administration en février 2008 sur la SARL concernée, s’est conclu par un redressement d’impôts à l’encontre de cette société pour un montant de 292 984 € au titre de la TVA et de l’impôt sur les sociétés ; que les documents ordonnant la prise en charge de cette créance ont été adressés au service des impôts des entreprises de Paris 9 ème Est le 11 juillet 2008 ;

Attendu que ladite SARL a été déclarée en liquidation judiciaire par un jugement du 21 mars 2008, publié le 4 avril 2008 ; que la créance de l’État n’a pas été déclarée au mandataire judiciaire, ni à titre provisionnel, ni à titre définitif ;

Attendu que la procédure a été clôturée pour insuffisance d’actif par un jugement du 6 janvier 2012, publié le 22 janvier 2012 ;

Attendu que la créance a ensuite fait l’objet d’un dégrèvement en février 2013 ;

Sur les éléments apportés à décharge par le comptable

Attendu que M. X indique que le défaut de déclaration de la créance fiscale au passif de la procédure collective est imputable au seul service de contrôle fiscal qui n'a pas mis le comptable public, alors qu'il y était tenu et en avait les moyens, en mesure de produire sa créance dans le délai imparti ;

Attendu que M. X considère également que les créances résultant de ce contrôle étaient probablement irrégulières du fait de la procédure suivie, entachée de nullité par une notification des actes de procédure à l'encontre du redevable au lieu du liquidateur judiciaire, représentant légal exclusif de la société ;

Attendu qu’il fait valoir à sa décharge, les difficultés liées aux conditions de gestion des postes dont il avait la charge et les conséquences d’une succession de restructurations sur l'exercice des métiers ;

Sur l’application au cas d’espèce

Attendu qu’à défaut de déclaration de la créance de l’État au passif de la procédure, celle‑ci s’est trouvée perdue à l’expiration du délai de deux mois suivant la publication du jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire, soit le 4 juin 2008 ;

Attendu qu’il résulte des dispositions rappelées ci-dessus du code du commerce, que lorsque la créance n’est pas matérialisée par un titre, il revient au comptable de procéder à une déclaration à titre évaluatif et provisionnel ; que les pièces au dossier établissent que M. X a été prévenu par la brigade de vérification de l’ouverture d’un contrôle fiscal de la SARL concernée le 1 er  février 2008  ; qu’il lui appartenait, dès lors qu’il était également informé de la mise en liquidation judiciaire de cette société par la publication le 4 avril 2008 du jugement prononcé à cette fin, de prendre les dispositions nécessaires en vue de déclarer la créance de l’État à titre provisionnel dans le délai requis, sans qu’il soit fondé à s’interroger sur l’éventuelle irrégularité de la procédure de contrôle fiscal ;

Attendu enfin que les éléments de contexte invoqués par M. X concernant les difficultés de fonctionnement de son service ne sont pas de nature à être pris en compte par la Cour s’agissant de la constatation d’un manquement d’un comptable à ses obligations ;

Attendu qu’il ressort du dossier que la décision de dégrèvement accordée au débiteur est due au manquement même du comptable à ses diligences ; qu’ainsi, en l’espèce, le dégrèvement ne peut justifier un non-lieu en faveur du comptable ;

Attendu que M. X a ainsi manqué à ses obligations de diligences adéquates, complètes et rapides pour le recouvrement de la créance fiscale de l’État sur la SARL ; que la Cour est fondée à engager sa responsabilité à ce motif, au titre de l’exercice 2008 ;

Sur l’existence d’un préjudice financier

Attendu que le manquement d’un comptable dans les mesures prises en vue du recouvrement d’une créance cause par principe un préjudice financier à la collectivité publique créancière ; qu’il n’y a absence de préjudice que s’il est établi que celle‑ci n’aurait pas pu être désintéressée quand bien même le comptable aurait satisfait à ses obligations ;

Attendu que l’ état de reddition des comptes de la procédure révèle une absence totale d’actif ; qu’il en résulte que le manquement de M. X n’a pas entraîné de préjudice pour le Trésor ;

Attendu qu’aux termes du deuxième alinéa du VI de l’article 60 modifié de la loi susvisée du 23 février 1963, lorsque le manquement du comptable aux obligations fixées par le I du même texte n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public dont il est le comptable, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce, dans la limite d’un millième et demi du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré, telle qu’elle est fixée par le décret du 10 décembre 2012 susvisé ;

Attendu qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en arrêtant à 200 € la somme à acquitter par M. X ;

Par ces motifs,

DÉCIDE :

En ce qui concerne M. X

Charge n° 1, exercice 2008

Article 1 er  . – M. X devra s’acquitter d’une somme de 200 €, en application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ; cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du IX de l’article 60 précité.

Article 2. – La décharge de M. X au titre de l’exercice 2008 ne pourra être donnée qu’après apurement de la somme à acquitter fixée ci-dessus.

Fait et jugé par M. Philippe GEOFFROY, président de section, président de la formation ; MM. Daniel‑Georges COURTOIS, Vincent FELLER, Guy FIALON, Alain LEVIONNOIS, et Mme Sophie THIBAULT, conseillers maîtres.

En présence de Mme Marie-Hélène PARIS-VARIN, greffière de séance.

Marie-Hélène PARIS-VARIN

Philippe GEOFFROY

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.

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