COUR DES COMPTES - Première Chambre - Arrêt - 22/05/2018

COUR DES COMPTES - Première Chambre - Arrêt - 22/05/2018

Direction départementale des finances publiques (DDFIP) du Doubs - Service des impôts des entreprises (SIE) de Besançon-Est - Exercice 2010 - n° S-2018-1294

La Cour,

Vu le réquisitoire n° 2017-77-RQ-DB en date 13 décembre 2017, par lequel le Procureur général près la Cour des comptes a saisi ladite Cour de présomptions de charges, en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X, comptable du service des impôts des entreprises de Besançon-Est, au titre d’opérations relatives à l’exercice 2010 ;

Vu l’accusé de réception de ce réquisitoire par M. X, daté du 21 décembre 2017, par le directeur départemental des finances publiques du Doubs, daté du 18 décemre 2017 et par le directeur général des finances publiques, daté du 19 décembre 2017 ;

Vu les comptes rendus par le trésorier-payeur général puis par le directeur des finances publiques du Doubs pour les exercices 2005 à 2011, y annexés les états des restes à recouvrer établis en leur qualité de receveur des administrations financières, responsables du service des impôts des entreprises de Besançon-Est par MM. X, Y, Z pour les exercices 2005 à 2011 ;

Vu les justifications produites au soutien des états des restes à recouvrer, ensemble les pièces recueillies au cours de l’instruction ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code général des impôts, ensemble son annexe 3 et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ;

Vu le décret n° 77-1017 du 1 er  septembre 1977 relatif à la responsabilité des receveurs des administrations financières ;

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifiée dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificatives pour 2011 ;

Vu les pièces du dossier, notamment le mémoire en défense de M. X du 10 janvier 2018 ;

Vu le rapport numéro R-2018-0325-1 à fin d’arrêt de M. Thierry Savy , conseiller référendaire, magistrat chargé de l’instruction ;

Vu les conclusions n° 236 du Procureur général du 30 mars 2018 ;

Entendu lors de l’audience publique du 10 avril 2018, M. Thierry Savy , en son rapport, M. Bertrand  Diringer , avocat général, en les conclusions du ministère public, M. X, informé de l’audience, n’étant ni présent, ni représenté ;

Entendu en délibéré M. Daniel-Georges Courtois , conseiller maître, en ses observations ;

Sur la charge n° 1, soulevée à l’encontre de M. X, au titre de l’exercice 2010 :

Attendu que par le réquisitoire susvisé le Procureur général a estimé que la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X pouvait être mise en jeu, au titre de l’exercice 2010, au motif que le comptable aurait manqué à ses obligations dans le recouvrement d’une créance de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à hauteur de 3 684 € ;

Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations

Sur la règle de droit

Attendu qu’aux termes de la loi du 23 février 1963 susvisée, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes et des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en cette matière dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique ; que leur responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve engagée dès lors qu’une recette n’a pas été recouvrée ; que la responsabilité du comptable public en matière de recettes s’apprécie au regard de ses diligences, celles-ci devant être adéquates, complètes et rapides ;

Attendu que selon l’article 11 du décret du 29 décembre 1962 susvisé, « les comptables publics sont seuls chargés : de la prise en charge et du recouvrement des ordres de recettes qui leur sont remis par les ordonnateurs, des créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou autre titre dont ils assurent la conservation ainsi que de l'encaissement des droits au comptant et des recettes de toute nature que les organismes publics sont habilités à recevoir […] de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux organismes publics » ; que selon l’article 12 du même texte, « les comptables sont tenus d'exercer : A. - En matière de recettes, le contrôle :  […] dans la limite des éléments dont ils disposent, de la mise en recouvrement des créances de l'organisme public et de la régularité des réductions et des annulations des ordres de recettes » ;

Attendu qu'aux termes des dispositions combinées des articles L. 622-24 et R. 622-24 du code de commerce, à partir de la publication du jugement d'ouverture de la procédure collective, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement audit jugement, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans le délai de deux mois ; que les créances dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation ; qu'aux termes de l'article L. 622-26 du code de commerce, faute d'avoir déclaré leurs créances dans le délai prévu, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes, à moins que les juges commissaires ne les relèvent de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ;

Sur les faits

Attendu qu’une société par actions simplifiée (SAS) a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire par jugement du 10 mai 2010, publié au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) le 1 er juin 2010 ;

Attendu que M. X a procédé le 8 juillet 2010 à une déclaration des créances fiscales à concurrence de 20 680 € à titre définitif et 3 262 € à titre provisionnel ; qu’aucune somme n’a été déclarée, à titre provisionnel ou définitif, s’agissant de la TVA du mois de mai 2010 ;

Attendu que la SAS concernée a déposé, le 21 juillet 2010, une déclaration de TVA pour le mois de mai 2010, d’un montant de 3 684 € ;

Attendu que le directeur des services fiscaux a prononcé une décharge de droits le 20 septembre 2011 d’un montant de 3 684 €, au titre de la TVA de mai 2010 ;

Attendu que la procédure de liquidation s’est conclue par une clôture pour insuffisance d’actif le 9 mai 2012 ;

Sur les éléments apportés à décharge par le comptable

Attendu que M. X fait observer que la créance, d’un montant de 3 684 €, résultant du dépôt de la déclaration CA3 du mois de mai 2010 par la SAS, existait toujours dans les écritures du poste comptable lors de son départ à la retraite le 27 mai 2011 ; que la déclaration CA3 du mois de mai 2010 a été déposée le 21 juillet 2010 au lieu du 24 juin 2010, date légale ;

Attendu que le comptable précise que l’enregistrement de la liquidation judiciaire du 10 mai 2010 dans les applications informatiques entraîne également la suspension des obligations déclaratives et qu’il est donc nécessaire de replacer la société en « activité » pour saisir la déclaration sans paiement et ensuite « suspendre » à nouveau les obligations déclaratives ; que de ce fait, la déclaration n’a été saisie que le 4 août 2010 entraînant l’émission d’un avis de mise en recouvrement reçu par la SAS le 3 septembre 2010 ;

Attendu que le comptable relève le fait que la déclaration de chiffre d’affaires déposée par la SAS ne fait aucune référence expresse à la période concernée par celle-ci, si ce n’est qu’elle se rapporte au « mois de mai » ; qu’il est donc difficile d’affirmer avec exactitude qu’elle ne concerne que la période précédant le jugement de liquidation judiciaire ; que le montant de la TVA due est du même ordre de grandeur que les mois précédents ; que cela laisserait supposer qu’il s’agit bien d’une TVA due au titre d’un mois complet, la période avant le jugement ne représentant que cinq jours ouvrés ; que la signature de la déclaration par la société va dans ce sens ;

Attendu qu’il fait valoir à sa décharge, les difficultés liées aux conditions de gestion du poste dont il avait la charge en profondeur l'exercice des métiers ;

Sur l’application au cas d’espèce

Attendu que le comptable a effectué une déclaration des créances fiscales au passif de la procédure le 8 juillet 2010 ; mais qu’il a omis de déclarer à titre provisionnel, en application des dispositions précitées, la créance de TVA du mois de mai 2010 ; qu’un examen du dossier lui aurait révélé l’existence d’une créance due au titre de mai 2010 quoique non encore liquidée ; qu’au surplus, avant même la date de forclusion, le redevable avait effectué une déclaration de TVA se rapportant au mois considéré ; que M.  X n’a pas effectué de déclaration complémentaire à titre provisionnel dans le délai prévu, lequel expirait le 1 er août 2010 ; que la perte de la créance est ainsi intervenue sous la gestion et du fait de M. X;

Attendu que les éléments de contexte invoqués par M. X concernant les applications informatiques et difficultés conjoncturelles du service ne peuvent être pris en compte par la Cour s’agissant de la constatation d’un manquement d’un comptable à ses obligations ; que l’imprécision alléguée de la déclaration du redevable relative au « mois de mai » ne peut venir à décharge, l’existence d’une créance de TVA due au titre de mai 2010 étant en toute hypothèse connue ; que M. X a donc manqué à son obligation de diligences adéquates, complètes et rapides en vue du recouvrement d’une créance ;

Attendu qu’il ressort du dossier que la décision de décharge de droits du 20 septembre 2011 est motivée par le manquement du comptable à ses obligations ; qu’ainsi le dégrèvement ne peut justifier un non-lieu en faveur du comptable ;

Attendu ainsi qu’il y a lieu d’engager la responsabilité de M. X au titre de l’exercice 2010 ;

Sur l’existence d’un préjudice financier

Attendu que le manquement d’un comptable dans les mesures prises en vue du recouvrement d’une créance cause par principe un préjudice financier à la collectivité publique créancière ; qu’il n’y a absence de préjudice que s’il est établi que celle‑ci n’aurait pas pu être désintéressée quand bien même le comptable aurait satisfait à ses obligations ;

Attendu, au cas présent, que l’ état de reddition des comptes de la procédure atteste au contraire que des créanciers chirographaires ont été désintéressés ;

Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du VI de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée : « lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier, le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;

Attendu que le préjudice s’établit à hauteur de la créance non recouvrée ;

Attendu qu’il y a lieu, ainsi, de constituer M. X débiteur envers l’Etat de la somme de 3 684 € au titre de l’exercice 2010, augmentée des intérêts au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de sa responsabilité personnelle et pécuniaire, soit le 21 décembre 2017, date de réception du réquisitoire susvisé ;

Par ces motifs,

DÉCIDE :

Charge n° 1, exercice 2010

Article 1 er. – M. X est constitué débiteur envers l’Etat de la somme de 3 684 € au titre de l’exercice 2010, augmentée des intérêts de droit à compter du 21 décembre 2017.

Article 2. – La décharge de M. X au titre de l’exercice 2010 ne pourra être donnée qu’après apurement du débet fixé ci-dessus.

Fait et jugé par M. Philippe Geoffroy , président de section, présidant la formation de délibéré ; MM. Daniel-Georges Courtois , Noël Diricq , Bruno
Ory-Lavollée , Christophe Rosenau et Guy Fialon , conseillers maîtres.

En présence de Mme Marie-Hélène Paris-Varin , greffière de séance.

Marie-Hélène Paris-Varin

Philippe Geoffroy

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.

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