COUR DES COMPTES - Quatrième Chambre - Arrêt d'appel - 07/12/2018

COUR DES COMPTES - Quatrième Chambre - Arrêt d'appel - 07/12/2018

Commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue (Vaucluse) - Appel d'un jugement de la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d'Azur - n° S-2018-3463

La Cour,

Vu la requête enregistrée le 19 avril 2018 au greffe de la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur par laquelle Mme X, comptable de la commune d’Entraigues sur la Sorgue, a élevé appel du jugement n° 2018-0003 du 12 février 2018 rendu par ladite chambre régionale qui l’a constituée, au titre de la cinquième charge, débitrice envers  cette commune pour la somme de 58 763,03 €, augmentée des intérêts de droit calculés à compter du 26 juillet 2017, pour avoir procédé, au cours de l’exercice 2015, à des paiements de prestations extérieures en l’absence des pièces justificatives requises  ;

Vu les pièces de la procédure suivie en première instance, et notamment le réquisitoire du procureur financier près la chambre régionale Provence-Alpes-Côte d’Azur n° 2017-0034 du               17 juillet 2017 ;

Vu le code général des collectivités territoriales, et notamment son article D. 1617-19 ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code des marchés publics, dans sa rédaction issue du décret n° 2001-210 du 7 mars 2001 ;

Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

Vu le rapport de M. Jérôme-Michel MAIRAL, conseiller référendaire, chargé de l’instruction ;

Vu les conclusions du Procureur général n° 718 du 7 novembre 2018 ;

Entendu, lors de l’audience publique du 15 novembre 2018, M. Jérôme-Michel MAIRAL, en son rapport, Mme Loguivy ROCHE, avocate générale, en les conclusions du ministère public, les autres parties informées de l’audience n’étant ni présentes, ni représentées ;

Entendu en délibéré M. Denis BERTHOMIER, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;

1. Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes                                Provence-Alpes-Côte d’Azur a constitué Mme X débitrice envers ladite commune de la somme de 58 763,03 €, au titre de l’exercice 2015, pour avoir procédé au règlement de mandats payés à la société « Pomona-Passion Froid » en l’absence des pièces justificatives requises à l’appui du paiement de dépenses relevant du code des marchés publics, notamment un contrat écrit ou un certificat de l’ordonnateur attestant d’un contrat verbal ;

2.Attendu que Mme X soutient, en se référant au code des marchés publics, que les ordonnateurs sont seuls responsables de la computation des seuils prévus par ledit code ; qu’en outre, la nomenclature des pièces justificatives, telle que fixée par l'annexe I mentionnée à l'article D. 1617-19 susvisé du code général des collectivités territoriales, s’impose tant à l’ordonnateur qu’au comptable ; que le comptable est exclusivement tenu à la production des pièces qui y sont prévues ; que lorsque l’ordonnateur, sous son entière responsabilité, lui présente des factures qui semblent dénouées de tout contrat et dont le montant n’excède pas le seuil prévu à l’article 11 du code des marchés publics, le paiement peut être honoré sur la foi de ces seuls justificatifs ;

3. Attendu que dans ses conclusions susvisées, le Procureur général soutient la même argumentation que l’appelante ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête

4.Attendu que, pour apprécier la validité des créances, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications ; qu’à ce titre, il leur revient d’apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense concernée ; que pour établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l’ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature applicable leur ont été fournies et, en second lieu, si ces pièces sont, d’une part, complètes et précises, d’autre part cohérentes au regard de la catégorie de dépense définie dans la nomenclature applicable et de la nature et de l’objet de la dépense telle qu’elle a été ordonnancée ; que lorsque les pièces justificatives fournies sont insuffisantes pour établir la validité de la créance, il appartient aux comptables de suspendre  le paiement jusqu’à ce que l’ordonnateur leur ait produit les justifications nécessaires ;

5. Attendu que, depuis l’entrée en vigueur du décret n° 2001-210 du 7 mars 2001 portant code des marchés publics, les comptables publics n’ont plus à s’assurer, dans le cadre du contrôle qu’ils exercent sur la production des pièces justificatives, des modalités de passation desdits    marchés ; qu’à cette fin, la nomenclature des pièces justificatives définie par l’annexe I mentionnée à l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales a été modifiée par le décret n° 2003-301 du 2 avril 2003 ; que selon l’article 41 de la nomenclature précitée, le choix de la procédure de passation relève de la responsabilité de l’ordonnateur ; que la nomenclature issue du décret n° 2007-450 du 25 mars 2007 confirme ce principe en vertu duquel la dépense est présentée sous la seule responsabilité de l’ordonnateur, selon l’une des           sous-rubriques de la rubrique n° 4 «  Marchés publics  » ;

6. Attendu qu’au cas d’espèce, aucune facture prise isolément ne dépasse le seuil de dispense de procédure écrite prévu par l’article 11 du code des marchés publics, fixé à 15 000 € HT par le décret n° 2011-1853 du 9 décembre 2011, puis à 20 000 € HT à compter du 1 er octobre 2015 par le décret n° 2015-1163 du 17 septembre 2015 ;

7. Attendu qu’il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que l’appelante soutient que les dépenses litigieuses étaient suffisamment justifiées par la production de factures ; que, dès lors, il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris, au titre de la charge n° 5, en ce qu’il a constaté un manquement de la comptable et l’a constituée débitrice de la commune                                      d’Entraigues sur la Sorgue pour un montant de 58 763,03 €, augmenté des intérêts de droit calculés à compter du 26 juillet 2017 ;

8. Attendu qu’en raison de l’effet dévolutif de l’appel, il y a lieu de statuer sur le grief qui figurait à cet égard dans le réquisitoire susvisé du procureur financier ;

9. Attendu qu’en l’absence de manquement imputable au comptable, il n’y a pas lieu à charge au titre dudit grief ;

DECIDE  :

Article 1 er – Le jugement n° 2018-0003 du 12 février 2018 de la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur est infirmé en ce qu’il a constitué Mme X débitrice envers la commune d’Entraigues sur la Sorgue au titre de la charge n°5.

Article 2 – Il n’y a pas lieu à charge à l’encontre de Mme X au titre du grief du réquisitoire n° 2017-0034 du 17 juillet 2017 du procureur financier près la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur relatif à la cinquième charge.

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Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section.                            Présents : M. Jean-Yves BERTUCCI, président de section, président de la formation ;               MM. Denis BERTHOMIER, Olivier ORTIZ, conseillers maîtres, Mme Isabelle         LATOURNARIE-WILLEMS, conseillère maître, et M. Etienne CHAMPION, conseiller maître.

En présence de M. Aurélien LEFEBVRE, greffier de séance.

Aurélien LEFEBVRE

Jean-Yves BERTUCCI

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.

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