COUR DES COMPTES - Quatrième Chambre - Arrêt d'appel - 27/06/2019

COUR DES COMPTES - Quatrième Chambre - Arrêt d'appel - 27/06/2019

Syndicat des déchets ménagers de Moselle Est (SYDEME) (Moselle) - Appel d'un jugement de la chambre régionale des comptes Grand Est - n° S-2019-1585

La Cour,

Vu la requête enregistrée le 14 décembre 2018 au greffe de la chambre régionale des comptes Grand Est, par laquelle M. X, comptable du syndicat des déchets ménagers de Moselle Est (SYDEME), a élevé appel du jugement n° 2018-0015 du 12 octobre 2018 en demandant l’infirmation de la charge n° 3 ;

Vu les pièces de la procédure suivie en première instance, notamment le réquisitoire du procureur financier n° 2017-28 du 25 septembre 2017 ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l'article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l'article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

Vu le rapport de Mme Catherine DÉMIER, conseillère maître, chargée de l’instruction ;

Vu les conclusions n° 324 de la Procureure générale du 28 mai 2019 ;

Entendu, lors de l’audience publique du 6 juin 2019, Mme Catherine DÉMIER, conseillère maître, en son rapport, Mme Loguivy ROCHE, avocate générale, en les conclusions du ministère public, les parties, informées de l’audience, n’étant ni présentes ni représentées ;

Après avoir entendu en délibéré M. Olivier ORTIZ, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;

1. Attendu que par le réquisitoire susvisé, le ministère public près la chambre régionale des comptes a relevé le remboursement d’un préfinancement de 2 100 000 € dans le cadre de la convention de mandat conclue le 21 juin 2002 entre le SYDEME et la société d'équipement du bassin lorrain (SEBL), dont le montant global actualisé par un avenant n° 3 du 27 octobre 2009, s’élevait à 40 627 545,00 € ; que le certificat de paiement n° 26 produit à l'appui du mandat n° 2798 permettait de constater que le montant total des paiements effectués au profit de la société mandataire s’élevait, une fois le mandat en cause réglé, à 42 487 586,89 € ; qu’ainsi, en prenant en charge ce mandat, le comptable n’a pas assuré, selon le ministère public, le contrôle de l’exactitude de la liquidation et de la production des pièces justificatives ;

2. Attendu que par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes Grand Est a constitué M. X, agent comptable du SYDEME, débiteur de 2 091 542,42 € au titre de l’exercice 2014 (charge n° 3) ;

3. Attendu que le requérant demande l’infirmation de la charge n° 3 tant sur le manquement que sur le préjudice ;

Sur le manquement

4. Attendu que M. X fait valoir que c’est à tort qu’on lui reproche d'avoir pris en chargele mandat en cause sans avoir disposé de l'avenant n° 4 modifiant la convention conclue entre le SYDEME et la SEBL ; qu’il argue qu’il disposait de cet avenant sur lequel figurent la signature du président du SYDEME et de la directrice générale de la SEBL, ainsi que la mention du montant maximal de 2 100 000 € de la somme à verser à la SEBL, soit un montant supérieur à celui figurant sur le mandat (2 091 542,42 €) ; qu’ainsi la somme qu’il a payée est restée en deçà du montant maximal figurant dans l’avenant ; qu’en conséquence, il estime qu'étant en possession de cet avenant et du certificat de paiement, il a pu contrôler l’exacte liquidation du mandat ;

5. Attendu, toutefois, que le jugement entrepris n’a pas fait grief au comptable d’avoir payé en l‘absence de cet avenant, mais d’avoir payé alors que ledit avenant ne comportait pas l’information lui permettant de vérifier l’exacte liquidation de la dépense prise en charge ;

6. Attendu que sans disposer des pièces justificatives appropriées, le comptable a payé au-delà de la somme de 40 627 545,00 €, plafond fixé par la convention, au lieu de suspendre le paiement ; que, dès lors, le moyen du requérant ne peut être accueilli ;

7. Attendu que le requérant estime par ailleurs qu’il ne peut lui être fait grief que « l'autorisation de signature de l'avenant par le conseil syndical donnée à son président ait été octroyée par délibération après la signature dudit avenant » ;

8. Attendu, cependant, que les premiers juges n’ont pas fondé leur décision sur des considérations liées à la date de signature de l’avenant n° 4 et à celle de son approbation par l’assemblée délibérante ; qu’en conséquence, ce moyen manque en fait ;

Sur l’existence d’un préjudice pour l’établissement public

9. Attendu que l’appelant conteste l'existence d'un préjudice financier qui découlerait du paiement qu’il a effectué ; qu’en effet, la volonté de l'organisme délibérant de verser ladite somme est, selon lui, sans équivoque et que le paiement ne peut être qualifié d'indu ; qu’ainsi le comité syndical a délibéré à différentes reprises pour autoriser les dépenses prévues dans l'avenant n° 4 ; qu’il disposait, lors du paiement, des pièces exprimant la volonté des parties de poursuivre leurs relations contractuelles ; qu’en conséquence, le SYDEME n’a pas subi de préjudice financier ;

10. Attendu qu’il ressort des pièces que le protocole de clôture du mandat de maîtrise d’ouvrage entre le SYDEME et son cocontractant, signé le 2 novembre 2016, constate le montant des dépenses liées à l’opération, savoir 41 884 919,89 € TTC, et fixe la rémunération définitive du cocontractant à 703 700,42 € TTC, soit un montant total de 42 588 620,31 €, supérieur au montant de 42 487 586,89 € payé par le comptable au titre de la convention à la date du manquement ;

11. Attendu  que, comme l’observe le ministère public près la Cour, ce protocole matérialise la volonté des parties de poursuivre la relation contractuelle et d’achever la construction de l’usine de méthanisation alors même que le montant prévu contractuellement allait être dépassé ; qu’en conséquence, le manquement du comptable n’a pas causé de préjudice financier au sens de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ; qu’il convient donc d’infirmer le jugement du 12 octobre 2018 en ce qu’il a constitué M. X débiteur de la somme de 2 091 542,42 € au titre de l’exercice 2014 (charge n° 3) et, par suite de l’effet dévolutif de l’appel, de statuer sur la charge financière à mettre à la charge du comptable ;

12. Attendu qu’il résulte du deuxième alinéa du VI de l’article 60 précité et du décret du 10 décembre 2012 susvisé que, lorsque le manquement du comptable à ses obligations n’a pas causé de préjudice à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce, dans la limite de 1,5 pour mille du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable ; qu’en l’espèce, le cautionnement pour l’exercice 2014 a été fixé à 243 000 € ; qu’ainsi le montant maximum de la somme susceptible d’être mise à la charge de    M. X s’élève à 364,50 € ;

13. Attendu que les circonstances invoquées par le comptable ne sont pas de nature à tempérer le constat d’irrégularité ; qu’il y lieu dès lors d’arrêter la somme non rémissible mise à la charge du comptable à 364 € ;

Par ces motifs,

DÉCIDE :

Article 1 er -   Le jugement de la chambre régionale des comptes Grand Est n° 2018-0015 du 12 octobre 2018 est infirmé en qu’il a constitué M. X, comptable du Syndicat des déchets ménagers de Moselle Est, débiteur de la somme de 2 091 542,42 € au titre de l’exercice 2014 (charge n° 3).

Article 2 – M. X devra s’acquitter d’une somme non rémissible de 364 €.

------------

Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section.                       Présents : M. Gilles ANDRÉANI, président de chambre, président de la formation ;                 MM. Denis BERTHOMIER, Olivier ORTIZ, Yves ROLLAND et Jérôme-Michel MAIRAL, conseillers maîtres.  

En présence de M. Aurélien LEFEBVRE, greffier de séance.

Aurélien LEFEBVRE

Gilles ANDRÉANI

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.

Vous ne trouvez pas ce que vous cherchez ?

Demander un document

Avertissement : toutes les données présentées sont fournies directement par la DILA via son API et ne font l'objet d'aucun traitement ni d'aucune garantie.

expand_less