COUR DES COMPTES - Quatrième Chambre - Arrêt d'appel - 28/11/2019

COUR DES COMPTES - Quatrième Chambre - Arrêt d'appel - 28/11/2019

Commune de Pompey (Meurthe-et-Moselle) - Appel d'un jugement de la chambre régionale des comptes Grand Est - n° S-2019-2773

La Cour,

Vu la requête enregistrée le 9 janvier 2019 au greffe de la chambre régionale des comptes Grand Est, par laquelle M. X, comptable de la commune de Pompey, a élevé appel du jugement n° 2018-0016 du 9 novembre 2018 de ladite juridiction qui l’a constitué, au titre de l’exercice 2015, débiteur envers cette commune de la somme de 4 229,08 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 2 mars 2018 (charge n° 2) ;

Vu les pièces de la procédure suivie en première instance, notamment le réquisitoire du procureur financier près la chambre régionale des comptes Grand Est n° 2018/07 du 29 janvier 2018 ;

Vu le code général des collectivités territoriales et notamment son article D. 1617-19 ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code du travail ;

Vu l’article 60 de la loi de finances modifié n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et la loi    n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l'article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l'article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

Vu le mémoire et les documents produits les 2 mai et 22 juillet 2019 par Maître Christine TADIC au nom de la commune de Pompey ;

Vu le rapport de M. Patrick BONNAUD, conseiller maître, chargé de l’instruction ;

Vu les conclusions n° 679 de la Procureure générale du 31 octobre 2019 ;

Entendu lors de l’audience publique du 7 novembre 2019, M. Patrick BONNAUD en son rapport, Mme Loguivy ROCHE, avocate générale, en les conclusions du ministère public, ainsi que Me Christine TADIC, conseil de la commune de Pompey, M. X, informé de l’audience, n’étant ni présent, ni représenté ; 

Entendu en délibéré M. Olivier ORTIZ, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;

1. Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes Grand Est a jugé que M. X avait manqué à ses obligations en payant au cours des mois de janvier, février et mars 2015 la rémunération de M. C., agent contractuel de la commune de Pompey, sans disposer «  d’un contrat faisant référence à la délibération créant l'emploi ou à la délibération autorisant l'engagement pour (…) les contrats aidés ou les vacataires  » ; que ce manquement avait causé un préjudice financier à la commune et qu’il y avait donc lieu de constituer le comptable débiteur des sommes ainsi payées à tort, réduites de l’aide de l’État perçue au titre de l’embauche d’un contrat unique d’insertion (charge n° 2) ;

2. Attendu que l’appelant demande à la Cour de retenir l’absence de préjudice financier pour la commune et «  d’invalider le jugement de première instance  » ; qu’il y a lieu de considérer qu’il sollicite, au titre de la charge n° 2 en ce qu’elle le concerne, l’infirmation du jugement entrepris ;

Sur le mémoire produit le 2 mai 2019 par la commune

3. Attendu qu’en vertu des dispositions des articles R. 242-25 et R. 242-26 du code des juridictions financières, dans le délai d’un mois à dater de la transmission de la requête, les autres personnes ayant la faculté d’appeler peuvent produire des mémoires en défense ; qu’en l’espèce, le mémoire présenté par la commune au soutien de l’appelant a été transmis au-delà des délais supplémentaires accordés par le greffe de la chambre régionale des comptes ; que, toutefois, le caractère tardif de ce mémoire qui n’est pas un appel incident, ce que confirme Me TADIC à l’audience, est sans effet sur la procédure ainsi que le relève la Procureure générale dans ses conclusions ;

Sur la régularité du jugement

4. Attendu qu'aux termes de l'article R. 242-13 du code précité dans sa rédaction en vigueur à la date du jugement, « Le jugement, motivé, statue sur chacun des griefs du réquisitoire et sur les observations des parties auxquelles il a été notifié » ; que dans ses productions du      12 octobre 2018, la commune, par le ministère de son avocat, faisait valoir devant la chambre régionale des comptes que le recrutement de M. C. avait pour objet de remplacer un agent en longue maladie et qu’aucun nouveau poste n’avait été créé ; qu'en ne discutant pas un moyen présenté par la commune, partie à l’instance, les premiers juges ont méconnu les dispositions de l'article R. 242-13 du code des juridictions financières et porté ainsi atteinte au caractère contradictoire de la procédure ; que s’agissant d’une règle d’ordre public, sa méconnaissance constitue un moyen d’annulation à soulever d’office par le juge d’appel ; qu'en conséquence,  le jugement du 9 novembre 2018  doit être annulé en ce qu’il a considéré que le manquement du comptable avait causé un préjudice à la commune et qu’il l’a constitué, par voie de conséquence, débiteur envers celle-ci ;

5. Attendu que l’affaire est en état d’être jugée ; qu’il y a lieu de l’évoquer et de statuer sur le réquisitoire susvisé du procureur financier du 29 janvier 2018 ;

Sur l’existence d’un préjudice financier

6. Attendu que le réquisitoire du procureur financier fait grief au comptable d’avoir payé la rémunération d’un agent contractuel en l’absence des pièces prévues à la rubrique 21011 de la nomenclature des pièces justificatives annexée au code général des collectivités territoriales en application de l’article D. 1617-19 susvisé dudit code, le contrat de travail ne mentionnant pas la référence à la délibération autorisant l’engagement de l’agent ; que, s’agissant de ce  manquement, les faits ne sont pas contestés par l’appelant ;

7. Attendu que le comptable a fait valoir devant les premiers juges qu’à son sens, le préjudice financier découlant dudit manquement n’était pas constitué au motif qu’il s’agissait d’un simple défaut de formalisme par rapport aux exigences légales ; que pour la commune, le principe du service fait avait en effet pour conséquence une obligation de rémunération de M. C. ; que     M. X reprend et développe ces moyens en appel et fait valoir que l’ordonnateur estime
lui-même que la commune de Pompey n'a subi aucun préjudice financier ;

8. Attendu que le maire a fait valoir devant la chambre régionale des comptes que la somme en cause résulte d’un contrat unique d’insertion signé avec l’État pour remplacer un agent en longue maladie et qu’aucun nouvel emploi n’avait alors été créé ; qu’à compter du 1 er juillet 2015, la compétence, l’emploi et M. C. ont été transférés à la communauté de communes et que l’intéressé n’a donc plus fait partie du personnel communal à cette date ; que la collectivité n’a pas subi de préjudice dès lors que M. C. a accompli son service conformément à ses obligations contractuelles ; que le maire développe ces moyens en appel  en arguant que lorsqu'un contrat d'engagement entre une collectivité et un agent public est annulé pour excès de pouvoir, quel que soit le degré de connaissance par l'agent public de l'irrégularité de son engagement, les sommes dues par la collectivité au titre du service fait lui demeurent acquises ;

9. Attendu que pour déterminer si le paiement irrégulier d’une dépense par un comptable public a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné, il appartient au juge des comptes d'apprécier si la dépense était effectivement due et, à ce titre, de vérifier que la dépense résulte de la volonté de l'ordonnateur, expresse et préalable, et qu’elle correspond à un service fait ;

10. Attendu que par le contrat de l’espèce, pris en application des articles L. 5134-19 et suivants du code du travail, M. C. a été recruté en qualité d’agent du service des espaces verts, pour assurer l’entretien des massifs et espaces verts, la propreté de la ville, participer aux activités de viabilité hivernale et servir avec polyvalence aux services techniques pour des interventions sur les bâtiments et la préparation et la mise en place des manifestations ; qu’il s’agit d’un agent contractuel de droit privé auquel s’appliquent les règles du code du travail  aux termes desquelles l’employeur est tenu de s’acquitter de l’intégralité du salaire dû au salarié ; qu’à défaut, il engage sa responsabilité contractuelle ; qu’il n’est pas contesté que M. C. a accompli son travail ;

11. Attendu que, dans le cas présent, le poste existait comme emploi permanent figurant au tableau des effectifs de la commune ; que s’il n’a pas été établi que le conseil municipal ait autorisé que le poste en question fût pourvu par un contractuel, il s’agit néanmoins d’un remplacement sur un emploi permanent d’un agent en congé de longue maladie, autorisé par l’article 3-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 susvisée ;

12. Attendu qu’il résulte de ce qui précède que le paiement de la rémunération de M. C. constituait, pour la commune de Pompey, une dette exigible reposant sur un fondement juridique et que la volonté du maire était expresse et préalable au service fait et au paiement ; que, dès lors, le manquement de M. X n’a pas causé de préjudice financier à la commune de Pompey ;

13. Attendu qu’aux termes du VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 susvisée, « lorsque le manquement du comptable n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en Conseil d’État en fonction du niveau des garanties » constituées par le comptable lorsqu’il a été installé dans son poste ; que le décret n° 2012-1386 du              10 décembre 2012 a précisé que ce montant maximal était fixé « à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré » ;

14. Attendu que le montant du cautionnement prévu pour le poste comptable était fixé à         176 000 € jusqu’au 31 août 2015 ; qu’ainsi le montant maximal de la somme susceptible d’être mise à la charge du comptable s’élève à 264 € par manquement et par exercice ; qu’aucune circonstance atténuante ne peut être retenue au cas d’espèce ; qu’il y a donc lieu de mettre la somme de 264 € à la charge de M. X au titre de sa gestion de l’exercice 2015 ;

Par ces motifs,

DÉCIDE  :

Article 1 er . – Le jugement n° 2018-0016 du 9 novembre 2018 de la chambre régionale des comptes Grand Est est annulé en ce qu’il a considéré, au titre de la charge n° 2, que le manquement commis par M. X avait causé un préjudice financier à la commune de Pompey et que, par voie de conséquence, il l’a constitué débiteur envers cette   commune de la somme de 4 229,08 €.

Article 2. – M. X devra s’acquitter d’une somme de 264 €, en application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ; cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du IX de l’article 60 précité.

Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section.                       Présents : M. Jean-Yves BERTUCCI, président de section, président de séance,                    Mme Catherine DÉMIER, conseillère maître, MM. Olivier ORTIZ et Yves ROLLAND, conseillers maîtres et Mme Dominique DUJOLS, conseillère maître.

En présence de M. Aurélien LEFEBVRE, greffier de séance.

Aurélien LEFEBVRE

Jean-Yves BERTUCCI

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.

Vous ne trouvez pas ce que vous cherchez ?

Demander un document

Avertissement : toutes les données présentées sont fournies directement par la DILA via son API et ne font l'objet d'aucun traitement ni d'aucune garantie.

expand_less