CRTC - CRC GRAND EST - Jugement - 14/03/2018

CRTC - CRC GRAND EST - Jugement - 14/03/2018

Communauté de communes - Sauer Pechelbronn - (Bas-Rhin) - n° 2018-0003

La Chambre régionale des comptes Grand Est,

Vu le réquisitoire n° 2017-19 du 19 juillet 2017 du procureur financier près la chambre régionale des comptes Grand Est, notifié le 25 juillet 2017, à M. X, comptable, et à M. Y, président de la communauté de communes de Sauer‑Pechelbronn ;

Vu les observations de M. X, comptable, enregistrées au greffe de la chambre le 17 août 2017 et le 26 septembre 2017 ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifié ;

Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 modifié relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 ;

Vu l'arrêté interministériel du Ministre de l'intérieur et de la secrétaire d'Etat au budget du 26 octobre 2001 relatif à l'imputation des dépenses du secteur public local ;

Vu l’arrêté n° 2018-4 du 17 janvier 2018 du président de la chambre régionale des comptes Grand Est portant délégation de signature ;

Vu le rapport n° 2017-173 du 16 octobre 2017 de Mme Axelle TOUPET, premier-conseiller, magistrate chargée de l’instruction ;

Vu les conclusions n° 173-2017 du procureur financier du 24 octobre 2017 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Entendu, lors de l’audience publique du 14 février 2018, Mme Axelle TOUPET, en son rapport, puis M. Thierry FARENC, procureur financier, en les conclusions du ministère public, M. X et M. Y, dûment informés de la tenue de l’audience, n’étaient ni présents, ni représentés ;

Sur l’unique charge portant sur le paiementd’un mandat imputé à l’article 6288, chapitre 011 pour un montant total de 4 329,36 € relatif à une dépense d’investissement– exercice 2015

Sur le manquement présumé du comptable

1. Considérant que, par le réquisitoire susvisé, le ministère public a relevé qu’au cours de l’exercice 2015, le comptable de la communauté de communes de Sauer-Pechelbronn a pris en charge un mandat imputé à l’article 6288, au chapitre 011 de la section de fonctionnement pour un montant total de 4 329,36 € et relatif à l’achat d’un ensemble de climatisation réversible ; qu’il résulte des dispositions de l’annexe 1 à l'arrêté interministériel du ministre de l'intérieur et de la secrétaire d'Etat au budget du 26 octobre 2001, relatif à l'imputation des dépenses du secteur public local, que les climatiseurs sont des immobilisations par nature quelle que soit leur valeur unitaire (section I/ Administration et services généraux / § 6 Chauffage, sanitaire : Climatiseur) et que la dépense relative à l’achat d’un ensemble de climatisation aurait dû être imputée au chapitre 21 de la section d’investissement ;

2. Considérant que l’article 60, I, de de la loi du 23 février 1963 susvisée dispose que « les comptables sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière (…) de dépenses dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique (…) » ; que cette responsabilité se trouve engagée « dès lors (…) qu’une dépense a été irrégulièrement payée » ;

3. Considérant qu’en application de l’article 19 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, « Le comptable public est tenu d’exercer le contrôle :(…)2° S’agissant des ordres de payer :(…)b) De l’exacte imputation des dépenses au regard des règles relatives à la spécialité des crédits » ;

4. Considérant qu’il est constant que M. X, comptable de la communauté de communes de Sauer-Pechelbronn, a pris en charge le 31 mars 2015 un mandat n°369 d’achat d’un ensemble de climatisation réversible, imputé à l’article 6288 du chapitre 011 de la section de fonctionnement pour un montant total de 4 329,36 € ;

5. Considérant qu’en réponse au réquisitoire susvisé, M. X fait valoir que ledit climatiseur a été acheté suite à une rupture de canalisation et dans l’attente de réparations ne pouvant intervenir qu’après expertise de l’assureur de la collectivité ; qu’il s’est fondé, pour payer la dépense en cause, sur l’article 1.3.4 du chapitre 3 du titre 3 du tome II de l’instruction budgétaire et comptable M14, lequel indique que « les frais de réparation sont compris dans les charges de fonctionnement courant de la collectivité » ;

6. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales, dans sa version applicable à l’exercice 2015, « sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, le maire est chargé, d'une manière générale, d'exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier : […] 3° De préparer et proposer le budget et ordonnancer les dépenses, de les imputer en section d'investissement conformément à chacune des délibérations expresses de l'assemblée pour les dépenses d'équipement afférentes à des biens meubles ne figurant pas sur les listes et d'une valeur inférieure à un seuil fixé par arrêté des ministres en charge des finances et des collectivités locales ; […] » ;

7. Considérant qu’en application de l’article 2 de l’arrêté interministériel du 26 octobre 2001 relatif à l’imputation des dépenses du secteur public local, pris en application de l’article L. 2122-21 précité du code général des collectivités territoriales, la liste des biens meubles publiée en annexe audit arrêté constituent des immobilisations par nature, quelle que soit leur valeur unitaire ; qu’aux termes de la rubrique « 1.1.1 Immobilisations corporelles, 1.1.1.2. Biens meubles » du chapitre 3 de l’instruction budgétaire et comptable M14 : « Sont imputés à la section d'investissement, quelle que soit leur valeur unitaire : - les biens énumérés dans la nomenclature annexée à l'arrêté prévu par l'article L. 2122-21 3° du CGCT […] » ;

8. Considérant, d’une part, qu’il résulte de l’ensemble des dispositions précitées que l’achat d’un bien meuble figurant sur la liste annexée à l'arrêté visé par le 3° de l'article L. 2122-21 du CGCT est constitutif d’une immobilisation par nature ; que, d’autre part et d'une manière générale, les dépenses qui ont pour résultat l'entrée d'un nouvel élément d'une certaine consistance destiné à rester durablement dans le patrimoine de la collectivité et dont la valeur excède 500 euros constituent des dépenses d'immobilisations ; que les dépenses d’immobilisations doivent être imputées en section d’investissement ;

9. Considérant qu’il ressort précisément du paragraphe 6 « chauffage, sanitaire » de la section I « administration et services généraux » de l’annexe à l’arrêté du 26 octobre 2001 précité que les climatiseurs sont des immobilisations par nature ; que, dès lors et nonobstant la vocation temporaire de relance des serveurs informatiques qui a été initialement assignée à l’ensemble de climatisation en litige par la communauté de communes de Sauer-Pechelbronn, M. X ne saurait utilement soutenir que le bien en cause était assimilable à des frais de réparation pour justifier son imputation en section de fonctionnement ;

10. Considérant par ailleurs que M. X soutient qu’en présence de deux arrêtés interministériels préconisant des imputations comptables divergentes pour l’achat du climatiseur litigieux, il fallait privilégier le plus récent, en l’espèce l’arrêté relatif à l’instruction M14 plutôt que l’arrêté interministériel du 26 octobre 2001 relatif à l’imputation des dépenses du secteur public local ; que toutefois, M. X ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l’article 1.3.4 « immobilisations sinistrées » du chapitre 3 du tome II de l’instruction M14 pour prétendre que ladite instruction préconiserait l’imputation en section de fonctionnement d’un bien meuble tel que le climatiseur objet du mandat n°369, dès lors que les dispositions de l’article 1.3.4 ne sont pas applicables à la dépense en cause, laquelle porte sur un équipement neuf en bon état de marche ; qu’au surplus, les dispositions précitées de l’article « 1.1.1.2. Biens meubles » du chapitre 3 du tome II de l’instruction M14, qui s’appliquent à l’achat dudit climatiseur, ne présentent pas la moindre contradiction avec la nomenclature annexée à l’arrêté du 26 octobre 2001 à laquelle elles renvoient expressément ;

11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le paiement du mandat n°369 du 31 mars 2015 aurait dû être imputé en section d’investissement ; qu’en présence d’une imputation erronée en section de fonctionnement au chapitre 011 « charges à caractère général », il appartenait au comptable public d’en suspendre le paiement ; qu’à défaut d’y avoir procédé, M. X a manqué à ses obligations et a engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;

Sur la force majeure

12. Considérant qu’aux termes du V de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963, « Lorsque […] le juge des comptes constate l'existence de circonstances constitutives de la force majeure, il ne met pas en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public » ; que la force majeure est constituée par un événement imprévisible, irrésistible et extérieur ; qu’en l’espèce, M. X ne se prévaut d’aucune circonstance présentant un caractère de force majeure ;

13. Considérant, en conséquence, que la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X est engagée sur le fondement des dispositions précitées du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 modifiée ;

Sur l’existence d’un préjudice financier

14. Considérant que le paiement d’un mandat d’achat d’un bien meuble imputé à tort en section de fonctionnement alors que, constituant une immobilisation par nature, il aurait dû être imputé en section d’investissement et enregistré comme élément d’actif amortissable voire cessible, fausse durablement le bilan et le compte de résultat de la collectivité ; qu’en tout état de cause, l’imputation en section de fonctionnement d’une dépense d’investissement prive la collectivité du bénéfice d’une recette provenant du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu’à défaut de rétablissement des comptes préalablement au prononcé du jugement, le préjudice résultant du paiement indu est constitué pour la collectivité ;

15. Considérant que M. X soutient qu’une correction d’imputation pourrait être pratiquée par émission d’un mandat sur un compte d’immobilisation émargé par un titre au compte 773 « mandats annulés sur exercices extérieurs » ; que le délai de prescription du droit au fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée courant jusqu’au 1 er janvier 2020, le paiement en cause n’a pas causé d’appauvrissement définitif de la collectivité et donc pas de préjudice financier ;

16. Considérant que consécutivement au réquisitoire du 19 juillet 2017 du procureur financier, M. X n’a pas obtenu de la communauté de communes de Sauer-Pechelbronn la remise en ordre de l’écriture comptable erronée ;

17. Considérant que la situation budgétaire et comptable de la communauté de communes de Sauer-Pechelbronn, non rétablie au prononcé du jugement, a privé cette dernière du bénéfice d’une recette provenant du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée ;

18. Considérant qu’il n’est pas contesté que les comptes n’ont pas été rétablis préalablement au prononcé du jugement ; que la circonstance que le délai de prescription du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée court jusqu’au 1 er janvier 2020 ne garantit pas que cette recette ne sera pas perdue par la communauté de communes ; qu’en conséquence, le manquement de M. X a causé un préjudice financier à la communauté de communes de Sauer-Pechelbronn ;

19. Considérant que M. X doit être déclaré débiteur envers la communauté de communes de Sauer-Pechelbronn, d’une somme de 4 329,36 € ; qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, le débet porte intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics ; qu’en l’occurrence, le point de départ du calcul des intérêts est fixé au 24 juillet 2017, date à laquelle M. X a accusé réception du réquisitoire du 19 juillet 2017 ;

20. Considérant qu’aux termes du IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 modifié : « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas du décès du comptable ou du respect par celui-ci, sous l’appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l’obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI » ;

21. Considérant que, contrairement à ce que soutient M. X, le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense pour l’exercice 2015 ne visait pas la catégorie du mandat en cause; que dès lors, en l’absence de mise en œuvre d’un plan de contrôle sélectif, le comptable était tenu au contrôle exhaustif de la dépense ; qu’il suit de là que la somme laissée à la charge de M. X par le ministre chargé du budget ne pourra être inférieure à 3 ‰ du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable, lequel s’élève à 110 000 € pour l’année 2015 ;

Par ces motifs, décide :

Article 1 er : La responsabilité de M. X est engagée au titre de l’exercice 2015 à raison du paiement, sur un chapitre de la section de fonctionnement du budget de la communauté de communes de Sauer-Pechelbronn, d’une dépense d’immobilisation d’un montant de 4 329,36 € ;

Ce manquement ayant causé un préjudice financier à l’établissement, M. X est mis en débet pour la somme de quatre mille trois cent vingt-neuf euros et trente-six cents (4 329,36 €) au titre de l’exercice 2015 ; cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la date de notification du réquisitoire, soit le 24 juillet 2017.

Article 2 : Pour l’application des dispositions du second alinéa du paragraphe IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, le montant de la remise gracieuse qui pourra être accordée à M. X au titre du débet prononcé ci-dessus, devra comporter un laissé à charge qui ne pourra être inférieur à trois cent trente euros (330 €) soit 3 ‰ du montant du cautionnement du poste comptable pour l’exercice 2015 fixé à 110 000 €.

Article 3 : Il est sursis à statuer sur la décharge de M. X pour sa gestion au titre de l’exercice 2015 jusqu’à apurement des débets ci-dessus prononcés.

Article 4 : le présent jugement sera notifié à M. X, comptable, au président de la communauté de communes de Sauer-Pechelbronn, ordonnateur, ainsi qu’au ministère public près la chambre.

Fait et jugé à la chambre régionale des comptes Grand Est, hors la présence du rapporteur et du procureur financier, le quatorze février deux mille dix‑huit, par Mme Nathalie Gervais, présidente de séance, MM. Julien Millet et Marc Simon, conseillers.

La greffière,

Signé

Carine COUNOT

La présidente de séance,

Signé

Nathalie GERVAIS

La République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d'y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu'ils seront légalement requis.

En foi de quoi, le présent jugement a été signé par le président de la chambre régionale des comptes Grand Est et par le secrétaire général.

Le secrétaire général,

Signé

 Patrick GRATESAC

Le président de la chambre,

Signé

Dominique ROGUEZ

En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de leur notification selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code.

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