COUR DES COMPTES - Quatrième Chambre - Arrêt d'appel - 26/03/2020

COUR DES COMPTES - Quatrième Chambre - Arrêt d'appel - 26/03/2020

Communauté d'agglomération du Val de Fensch (Moselle) - Appel d'un jugement de la chambre régionale des comptes Grand Est - n° S-2020-0454

La Cour,

Vu la requête enregistrée le 7 août 2019 au greffe de la chambre régionale des comptes Grand Est, par laquelle Mme X, comptable de la communauté d'agglomération du Val de Fensch, a élevé appel du jugement n° 2019-0011 du 21 juin 2019 par lequel ladite chambre régionale l’a constituée débitrice des sommes de 3 588,90 €, 10 862,15 €, 28 182,19 €, au titre, respectivement, de sa gestion des exercices 2012, 2013 et 2014 et a mis à sa charge les sommes de 223 €, 226 € et 226 €, au titre, respectivement, de sa gestion des mêmes exercices ;

Vu les pièces de la procédure suivie en première instance, notamment le réquisitoire n°2018-20 du 13 juin 2018 du procureur financier près la chambre régionale des comptes Grand Est ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu l’article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu le décret n°88-631 du 6 mai 1988 relatif à l'attribution d'une prime de responsabilité à certains emplois administratifs de direction des collectivités territoriales et des établissements publics locaux assimilés ;

Vu le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 pris pour l'application du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu le décret n° 2010-1705 du 30 décembre 2010 relatif à l'indemnité de performance et de fonctions allouée aux ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts ;

Vu l’arrêté du 30 décembre 2010 de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement, et du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire fixant les montants annuels de référence de l'indemnité de performance et de fonctions allouée aux ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, et le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, successivement en vigueur au moment des faits ;

Vu le rapport de M. Patrick BONNAUD, conseiller maître, chargé de l’instruction ;

Vu les conclusions de la Procureure générale, n° 118 du 21 février 2020 ;

Entendu lors de l’audience publique du 27 février 2020, M. BONNAUD, conseiller maître, en son rapport, Mme Loguivy ROCHE, avocate générale, en les conclusions du ministère public, les autres parties, informées de l’audience, n’étant ni présentes, ni représentées ;

Entendu en délibéré M. Denis BERTHOMIER, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;

1. Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes Grand Est a constitué Mme X débitrice envers la communauté d'agglomération du Val de Fensch pour avoir payé à M. S., directeur général des services dudit établissement public, au cours des exercices 2012, 2013 et 2014, une indemnité de performance et de fonctions en méconnaissance des coefficients fixés par arrêtés du président de l’établissement et des plafonds et montants de référence résultant du décret n° 2010-1075 du 10 novembre 2010, de l’arrêté du 30 décembre 2010 pris pour son application et de la délibération du 30 juin 2011, manquant ainsi à ses obligations de contrôle de la liquidation de la dépense et de la production des justifications ;  

2. Attendu que par le même jugement, la chambre régionale des comptes Grand Est a mis à la charge de Mme X des sommes non rémissibles pour avoir payé, au cours des exercices 2012, 2013 et 2014, une prime de responsabilité à M. S., directeur général des services, sans disposer de toutes les pièces justificatives prévues par la nomenclature ;

3. Attendu que l’appelante demande à la Cour de constater un vice de fond et un manquement au caractère contradictoire de la procédure de nature à justifier une infirmation du jugement, ainsi qu’un vice affectant la cohérence interne du jugement ; qu’il y a lieu de considérer que par ces moyens, qu’elle qualifie de procédure, Mme X demande en fait l’annulation du jugement ;

4. Attendu, ensuite, que Mme X demande, pour d’autres motifs propres à chacune d’elles, l’infirmation des deux charges retenues à son encontre ;

Sur la régularité du jugement

5.   Attendu que l’appelante relève, en premier lieu, ce qu’elle estime constituer un défaut dans la procédure d'instruction ; qu’elle fait valoir que le rapport à fin de jugement, auquel elle souligne n’avoir pas été invitée à apporter contradiction, fonde son argumentation, s'agissant de la part fonction de l'indemnité de performance et de fonctions, sur des mentions fluctuantes portées sur les fiches de salaires de M. S., modifications qui selon le magistrat auraient dû alerter son attention ; que ces discordances n’apparaissent pas sur les fiches de salaire de format Xémélios jointes aux comptes de gestion jugés ; qu’il s’en déduit que l'instruction n'a pas été menée à partir des documents produits par la comptable à l’appui de son compte de gestion transmis au juge des comptes, seuls documents pouvant justifier la mise en jeu de sa responsabilité personnelle et pécuniaire ; que juger à partir d'autres éléments constituerait, selon l’appelante, un vice de fond affectant la procédure, ainsi qu'un manquement au caractère contradictoire de celle-ci ;

6. Attendu que par message du 22 mars 2019, adressé au greffe de la chambre régionale des comptes Grand Est, Mme X a reconnu avoir été informée de la clôture de l’instruction et a demandé communication du rapport à fin de jugement ; qu’elle a téléchargé ce rapport le 25 mars 2019 ; qu’elle a participé à l’audience publique du 21 juin 2019 au cours de laquelle ce rapport a été présenté et a eu la parole en dernier ; qu’ainsi, il est établi qu’elle a eu connaissance du rapport et que le caractère contradictoire a sur ce point été respecté ; que le défaut de contradiction allégué par Mme X manque en fait et que le moyen doit donc être rejeté ;

7. Attendu que la requérante pointe par ailleurs des différences entre les bulletins de paye mentionnés par le rapport à fin de jugement et ceux produits par ses soins à l’appui de ses comptes de gestion, et qu’elle affirme ne pouvoir être querellée sur des éléments étrangers auxdits comptes ; 

8. Attendu que le rapport à fin de jugement ne constitue qu’une consignation, pour l’information de la juridiction, de l’analyse que fait le rapporteur des observations, explications et documents produits par les parties à l'instance et de ses propositions de suites à donner ; que le jugement, motivé, statue sur chacun des griefs du réquisitoire et sur les observations des parties auxquelles ce réquisitoire a été notifié ;

9. Attendu que le jugement entrepris ne fait pas état des modifications du grade du directeur général qui apparaîtraient sur les bulletins de salaire ; qu’il en résulte que les mentions figurant à cet égard dans le rapport à fin de jugement, à les supposer erronées, n’ont pas influé sur le jugement attaqué ; que le moyen manque en droit et doit donc être rejeté ;

10. Attendu, en ce qui concerne l’incohérence interne au jugement alléguée par l’appelante, que le titre introduisant l’examen de la première charge précise que celle-ci porte sur un  montant de 43 706,34 € ; que ce montant est celui qui figure dans les réquisitions du procureur financier et que le jugement n° 2019-0011 du 21 juin 2019 le cite à bon droit, pour rappeler la teneur desdites réquisitions ; que le montant de 42 633,24 €, qui figure à l’attendu n° 12 du jugement et correspond au montant cumulé des débets mis à la charge de la comptable au titre de la première charge, est celui arrêté par la chambre ; qu’il en résulte que la coexistence de ces deux chiffres au sein du jugement attaqué est parfaitement justifiée et ne constitue en rien une incohérence ; que le moyen manque en fait et doit donc être rejeté ;

11. Attendu qu’il y a lieu, en conséquence, de rejeter l’ensemble des moyens de procédure invoqués par l’appelante ;

Sur le fond

Sur la première charge

En ce qui concerne la part fonction de l’indemnité de performance et de fonctions

12. Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes Grand Est a relevé que le passage du grade d’ingénieur en chef de classe normale au grade d’ingénieur en chef de classe exceptionnelle du directeur général des services avait fait l'objet d'un arrêté du 17 décembre 2012 avec effet rétroactif au 1er juillet 2012 ; qu’à compter de cette promotion, le montant servi mensuellement à M. S. au titre de la part fonction de son indemnité de performance et de fonctions, soit 2 100 €, dépassait le montant maximum de 1 900 € prévu par la délibération du 30 juin 2011 pour le grade d'ingénieur en chef de classe exceptionnelle ; qu’il s’ensuivait que la comptable avait payé indûment à M. S. les sommes correspondant à la différence entre ces deux montants ;

13. Attendu que l’appelante fait valoir que les bulletins de salaire qu’elle a joint à son compte ne font pas mention de ce changement de grade ; qu’elle a reçu un arrêté du 6 juin 2013, relatif à la part performance de l’indemnité de performance et de fonctions de M. S., qui lui attribue encore le grade d’ingénieur en chef de classe normale ; qu’elle allègue ainsi avoir pu être tenue dans l’ignorance de la promotion de M. S. ;

14. Attendu cependant que l’arrêté du 20 février 2013, qui attribue à M. S. un coefficient de la part performance de 0,1642 pour le mois de février le qualifie d’ingénieur en chef de classe exceptionnelle ; que les bulletins de paye produits par Mme X démontrent que ce coefficient a été appliqué dès le mois de février 2013 ; que ce constat établit suffisamment que l’appelante pouvait connaître le grade de M. S. à tout le moins dès février 2013 ; qu’elle n’a pas établi que l’arrêté du 17 décembre 2012 promouvant M. S. ne lui serait pas parvenu dans un délai comparable ; qu’elle aurait donc pu en avoir connaissance dès janvier 2013 ;

15. Attendu qu’il n’est pas contesté que la base de la part performance de l’indemnité de performance et de fonctions de M. S. a été maintenue à 4 200 €, ce qui correspond au grade d’ingénieur en chef de classe normale, jusqu’au mois de mars 2014 inclus, alors que Mme X aurait dû appliquer au calcul de la part fonction de l’indemnité de performance et de fonctions de M. S. la base de 3 800 €, correspondant au grade d’ingénieur en chef de classe exceptionnelle ; que le montant mensuel de cette part aurait donc dû être de 1 900 € et non de 2 100 €, soit un trop payé mensuel de 200 € ou annuel de 2 400 € ; que c’est ainsi, et à bon droit, qu’en a jugé la chambre régionale des comptes Grand Est en constituant Mme X débitrice envers la communauté d'agglomération du Val de Fensch de la somme de 2 400 € pour 2013 et de celle de 600 € pour 2014 ; qu’il y a donc lieu de rejeter le moyen de l’appelante relatif à la part fonction de l’indemnité de performance et de fonctions de M. S. ;

En ce qui concerne la part performance de l’indemnité de performance et de fonctions

16. Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes Grand Est a estimé qu’aucun arrêté ne soutenait le paiement de la part performance de l’indemnité de performance et de fonctions à M. S. ; qu’aucun versement n'aurait dû intervenir au titre du  mois de juin 2012 en l'absence d'arrêté attributif ; que les montants des bases de calcul auxquels s'appliquent les coefficients d'attribution sont annuels et non mensuels ; qu’en payant les mandats litigieux, le comptable a commis un manquement de nature à engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire, à hauteur de 39 633,24 € pour la part performance ;

17. Attendu que l’appelante soutient, tout d’abord, que les coefficients appliqués résultent des arrêtés et la base retenue, des textes nationaux validés par la délibération de 2011 ;

18. Attendu, en ce qui concerne les coefficients, qu’ainsi qu’en convient l’appelante, le coefficient de 0,1651 appliqué au mois de juin 2012 ne correspond à aucun arrêté, sauf à admettre qu’il résulte de l’arrêté du 20 septembre 2011 qui fixait pour ce mois ce coefficient à la part résultats de la prime de fonctions et de résultats de M. S. et à admettre qu’il se serait substitué pour les mois suivants à l’arrêté du 30 août 2011 fixant ce coefficient à 3,37 ; que le coefficient de 0,125 appliqué de juillet 2012 à janvier 2013 résulte de l’arrêté du 17 juillet 2012 ; que le coefficient de 0,1642 résulte de l’arrêté du 20 février 2013 qui disposait cependant « pour le mois de février 2013 » et non « à compter du mois de février 2013 » ; qu’il s’est appliqué jusqu’en  décembre 2013, à l’exception du mois de juin où a été appliqué un coefficient de 0,515 ; que le coefficient de 0,515 appliqué au mois de juin 2013 résulte de l’arrêté du 6 juin 2013, qui dispose « pour le mois de juin 2013 » ; que le coefficient de 0,5029 résulte de l’arrêté du 14 janvier 2014 qui dispose « pour le mois de janvier 2014 » ; que le coefficient de 0,5 résulte de l’arrêté du 3 mars 2014 qui dispose à compter de janvier 2014 ; que, laissant à part le coefficient de juin 2012 dont l’appelante convient qu’il n’était pas justifié, il apparaît donc que l’arrêté du 20 février 2013 qui disposait « pour le mois de février 2013 » s’est appliqué jusqu’en décembre 2013, le mois de juin excepté ; que l’arrêté du 6 juin 2013 qui disposait « pour le mois de juin 2013 » s’est bien appliqué pour ce seul mois ; que l’arrêté du 14 janvier 2014 qui disposait « pour le mois de janvier 2014 » s’est appliqué jusqu’en mars, quoiqu’il ait été remplacé par l’arrêté du 3 mars 2014 ; qu’aucune régularisation n’est apparue ; qu’ainsi les coefficients appliqués ont différé en ces divers cas de ceux fixés par les arrêtés ;

19. Attendu, en ce qui concerne la base, que la base de calcul de la part performance est restée fixée à 4 200 € jusqu’en mars 2014 inclus alors que, promu ingénieur en chef de classe exceptionnelle à compter du 1er juillet 2012, M. S. aurait dû bénéficier de la base afférente à son nouveau grade, soit 6 000 € à compter de cette date, ou, à tout le moins, à compter de janvier 2013, avec rappel depuis juillet 2012, l’arrêté de promotion ayant été pris, comme il a été dit supra , en décembre 2012 ; qu’ainsi, les dispositions du décret et de l’arrêté de 2010 susvisés ont été méconnues ; qu’en conséquence, ce moyen de l’appelante doit être rejeté ;

20. Attendu que l’appelante soutient ensuite que le coefficient s’appliquerait à la base annuelle pour déterminer le montant mensuel ;

21. Attendu, cependant, en premier lieu, que cette lecture, qui serait appliquée à la part performance n’est pas celle qui a été appliquée à la part fonction ; qu’en effet, le coefficient appliqué à la base annuelle a donné un montant annuel dont le paiement a été fait par douzième chaque mois ;

22. Attendu, ensuite, que la lecture de la délibération du 30 juin 2011 ne permet pas non plus de valider cette lecture, ni cette application différente de la notion de base annuelle aux deux parts de l’indemnité de performance et de fonctions ; qu’il ressort en effet de cette délibération que la communauté d'agglomération du Val de Fensch appliquera à ses agents le nouveau dispositif issu des décrets de 2008 sur la prime de fonctions et de résultats et de 2010 sur l’indemnité de performance et de fonctions ; que l’indemnité de performance et de fonctions sera attribuée selon les mêmes objectifs et contenus que la prime de fonctions et de résultats ; que, liée aux fonctions, la part fonction devrait être stable et versée mensuellement ; que la part résultat devrait être attribuée annuellement, en juin ; qu’exceptionnellement, des acomptes mensuels pourraient être versés ;

23. Attendu que le décret n°2010-1705 susvisé ne distingue pas, non plus, les modalités d’application du coefficient arrêté à la base annuelle ; qu’il est indiqué, en son article 2, que l’indemnité de performance et de fonctions comprend deux parts, performance et fonction ; qu’un arrêté fixe pour chaque grade dans la limite d’un plafond les montants annuels de référence de chacune de ces deux parts ; que pour la part liée à la performance, le montant de référence est modulable par application d’un coefficient compris dans une fourchette de 0 à 6 ; que le montant individuel fait l’objet d’un réexamen annuel ; que l’indemnité de performance et de fonctions est versée selon une périodicité mensuelle ; qu’un plafond individuel annuel est fixé, de 50 400 € pour les ingénieurs en chef de classe normale et de 58 800 € pour les ingénieurs en chef de classe exceptionnelle, par note de service du ministre chargé de l’agriculture ; que le respect du principe de parité doit conduire les collectivités territoriales à l’appliquer ;

24. Attendu qu’il en résulte que les textes ne soutiennent pas la lecture qu’en fait l’appelante ; qu’au surplus, cette lecture serait différente à la communauté d'agglomération du Val de Fensch selon que l’on considérerait la part fonction ou la part performance de l’indemnité de performance et de fonctions ; qu’il y a donc lieu de rejeter ce moyen ;

25. Attendu que l’appelante fait enfin valoir que cette lecture respecte les principes de l’indemnité de performance et de fonctions qui veulent que les coefficients des deux parts soient cohérents ; qu’une part fonction au maximum avec une part performance proche de 0 méconnaîtrait ces principes ; que, de plus, le montant qui résulterait d’une application du coefficient au 12 ème de la base annuelle serait trop bas ; que cette lecture respecterait aussi la délibération du 30 juin 2011 qui a affirmé que les attributions antérieures à la mise en place de l’indemnité de performance et de fonctions seraient maintenues ;

26. Attendu, tout d’abord, qu’il n’apparaît pas comme consubstantiel à l’indemnité de performance et de fonctions que les coefficients des deux parts soient de même niveau ou de niveaux proches ; qu’aux termes du décret de 2010, la part liée à la performance tient compte des résultats de la procédure d'évaluation individuelle prévue par la réglementation en vigueur et de la manière de servir ; que la part liée aux fonctions tient compte des responsabilités, du niveau d'expertise et des sujétions spéciales liées aux fonctions exercées ; qu’il n’est donc pas impossible qu’un agent affecté dans des fonctions importantes, qui justifient un coefficient de la part fonction élevé, les assure de façon insatisfaisante, ce qui justifierait une part performance basse ;

27.  Attendu qu’il ne résulte pas, non plus, des textes précités qu’il existerait des montants  « trop bas » de la part performance ; que, si l’on excepte l’année 2011, première année de mise en œuvre de l’indemnité de performance et de fonctions, où une note de service du ministre chargé de l’agriculture préconisait le maintien global du montant de l’année antérieure à la mise en œuvre du nouveau dispositif, un barème était proposé qui faisait correspondre à une manière de servir insuffisante, les coefficients de 0 à 0,149, à une manière de servir satisfaisante, les coefficients de 1,5 à 2,49, à une manière de servir très satisfaisante, les coefficients 2,5 à 3,49 et à une manière de servir exceptionnelle, les coefficients de 3,5 à 6 ;

28. Attendu, enfin, que le maintien des indemnités des années antérieures prévu par la délibération de 2011 peut être compris comme l’application à la communauté d'agglomération du Val de Fensch de la préconisation précitée et n’être valable que pour la première année de mise en œuvre du dispositif, sauf à vider l’indemnité de performance et de fonctions de son principal objectif ;

29. Attendu qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter ce moyen de l’appelante ;

En ce qui concerne le contrôle sélectif de la dépense

30. Attendu que le plan de contrôle sélectif de la dépense produit par Mme X pour les exercices 2012, 2013 et 2014 ne couvre pas les dépenses faisant l’objet de la présente charge et qu’en conséquence, elle était tenue d’exercer un contrôle exhaustif desdites dépenses ;

32. Attendu que la mention, dans le dispositif du jugement entrepris, de la somme minimale qui serait laissée à la charge du comptable par le ministre chargé du budget ne lie pas ce dernier dès lors que le IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 confère audit ministre une compétence exclusive pour fixer le montant de la remise gracieuse, le juge des comptes devant se limiter à l’appréciation du respect ou non d’un plan de contrôle sélectif des dépenses lorsqu’il en existe un ; que, dans l’exercice de cette compétence, au cas d’espèce, il reviendra au ministre d’apprécier le montant d’une éventuelle remise gracieuse en tenant compte du constat porté par le juge des comptes que la comptable appelante se trouvait, de 2012 à 2014, dans une situation où le plan de contrôle sélectif n’était pas applicable aux  dépenses incriminées ;

33. Attendu, dès lors, que la chambre régionale des comptes a excédé sa compétence en fixant, par le jugement dont il est relevé appel, le montant minimal de sommes devant obligatoirement être  laissées à la charge de la comptable dans l’hypothèse où elle obtiendrait une remise gracieuse ; qu’il convient donc, dans la limite de la requête en appel, de soulever d’office ce moyen relatif à la méconnaissance par le juge du champ d’application de la loi, et d’annuler les dispositions du jugement attaqué par lesquelles la chambre a statué sur le montant des sommes minimales que le ministre devra laisser à la charge de la comptable s’il lui accorde remise gracieuse de ses débets ;

Sur la seconde charge

33. Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes Grand Est a considéré que, si la délibération en date du 4 mai 1999 portait essentiellement  sur la création d'un emploi fonctionnel de secrétaire général à temps complet, elle  portait aussi sur sa prime de responsabilité ; qu’elle précisait que cet emploi était classé dans la catégorie démographique des villes de 20 000 à 40 000 habitants ; que l'emploi sur la base duquel le directeur général des services a été rémunéré sur la période de 2012 à 2014 était celui de directeur général des services d’une collectivité de 40 000 à 80 000 habitants, instauré par la délibération n° 2004-19 du 29 mars 2004 ; qu’aucune délibération n'a été prise pour réattribuer explicitement la prime de responsabilité au titulaire de cet emploi, ce qui a entraîné une incohérence entre cette délibération et celle du 4 mai 1999 ; que le comptable n'était donc pas en possession de la pièce expressément prévue par la nomenclature des pièces justificatives pour procéder au paiement et a ainsi manqué à son obligation de contrôle de la production  desdites pièces justificatives et engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire  ;

34. Attendu que l’appelanteestime qu’elle disposait, en sus de l'arrêté d'attribution en date du 14 avril 2004, d'une décision du bureau agissant sur délégation de l'assemblée délibérante en date du 4 mai 1999 qui fixe la nature et le principe de l'indemnité, les conditions d'attribution relatives à la nature de l'emploi et la détermination de la prime à son taux maximal ; que cette décision valant délibération du 4 mai 1999 constitue la pièce justificative nécessaire en ce qu’elle crée un poste de secrétaire général, auquel est attribuée une indemnité de responsabilité au niveau maximal ; que sont sans incidence le fait que ce poste ait changé d'appellation et celui que la strate démographique ait évolué impliquant une modification du tableau des effectifs, étant donné que le principe voté du versement de l'indemnité de responsabilité par la communauté de communes, dont la continuité juridique est la communauté d’agglomération, n'a pas été rapporté ;

35. Attendu qu’il résulte de l’article L.5211-41 du code général des collectivités territoriales susvisé que, lorsqu’une communauté de communes se transforme en communauté d'agglomération, l'ensemble des biens, droits et obligations de l'établissement public de coopération intercommunale transformé sont transférés au nouvel établissement public qui est substitué de plein droit à l'ancien établissement dans toutes les délibérations et tous les actes de ce dernier à la date de l'arrêté de transformation ; que l'ensemble des personnels de l'établissement transformé est réputé relever du nouvel établissement dans les conditions de statut et d'emploi qui sont les siennes ;

36. Attendu que la communauté de communes du Val de Fensch a pris, le 8 septembre 1999, une délibération portant extension de ses compétences en vue de sa transformation en communauté d’agglomération et, le 22 novembre 1999, une délibération portant transformation en communauté d’agglomération, visant, notamment, l’article L.5211-41 du code général des collectivités territoriales ;

37. Attendu, en conséquence, que la communauté d'agglomération du Val de Fensch résulte bien de la transformation de la communauté de communes du Val de Fensch, et qu’elle s’est donc substituée à la communauté de communes dans toutes les délibérations et tous les actes de cette dernière à la date de l'arrêté de transformation ; que, de même, l'ensemble des personnels a conservé, dans la communauté d’agglomération, les conditions de statut et d'emploi qui était les siennes dans la communauté de communes ;

38. Attendu cependant que, par délibération du 4 mai 1999, la communauté de communes du Val de Fensch a décidé de créer un emploi fonctionnel de secrétaire général à temps complet, de classer cet emploi dans la catégorie démographique des villes de 20 000 à 40 000 habitants et d’attribuer à l’agent qui occupera ces fonctions la prime de responsabilité prévue par le décret n° 88-631 du 6 mai 1988 au taux maximum ; que, par délibération du 29 mars 2004, prise à la suite de la nomination de M. S. à la direction générale des services de la nouvelle communauté d’agglomération, le poste de directeur général des services de 20 000 à 40 000 habitants est supprimé et, « afin d’être en adéquation avec la législation en vigueur », le poste de directeur général des services d’une collectivité de 40 000 à 80 000 habitants est créé ; que, par délibération du 24 janvier 2012, compte tenu du surclassement de la communauté d'agglomération du Val de Fensch par arrêté préfectoral du 1 er février 2005, le poste de directeur général des services de 40 000 à 80 000 habitants se voit substituer un poste de directeur général des services de 80 000 à 150 000 habitants ;

39. Attendu que, par arrêté du 14 avril 2004, il est décidé qu’à compter du 1 er avril 2004, « Monsieur S., Attaché Territorial, 4 ème échelon, indice brut 466, percevra la prime de responsabilité prévue par le décret n o 88 631 du 6 mai 1988 au taux maximum, conformément à la décision du Conseil de Communauté susvisée » ; que la seule délibération visée est la délibération n o 2004-19 du Conseil de Communauté en date du 2 avril 2004, créant l'emploi de directeur général des services pour les établissements publics de coopération intercommunale  de 40 000 à 80 000 habitants ; que cette délibération ne vise pas la délibération de 1999 ;

40. Attendu que le dispositif instauré par la délibération de 1999, qui attribue la prime de responsabilité au secrétaire général puis au directeur général des services de la communauté de communes du Val de Fensch puis de la communauté d'agglomération du Val de Fensch a persisté, comme le soutient l’appelante, après la transformation de la communauté de communes en communauté d'agglomération, en application des dispositions de l’articleL. 5211-41 du code général des collectivités territoriales ;

41. Attendu, toutefois, que la suppression du poste de secrétaire général qui résulte de la délibération du 29 mars 2004, aurait dû entraîner la disparition des avantages qui lui avaient été rattachés, telle la prime de responsabilité ; qu’à défaut que la délibération créant le nouvel emploi de directeur général des services d’établissement public de coopération intercommunale de 40 000 à 80 000 habitants ait assorti ce nouvel emploi de la même prime, l’octroi de cette prime à M. S. par l’arrêté du 14 avril 2004 est dépourvu de fondement juridique adéquat faute d’être autorisé par la délibération du 29 mars 2004 à laquelle cet arrêté se réfère ;

41. Attendu que les arguments de l’appelante sur l’absence d’incidence du nom du poste, de la strate démographique et des modifications du tableau des effectifs ne sauraient contredire  la solution de continuité introduite par la suppression, par délibération, du poste auquel avait été associée l’attribution de la prime de responsabilité au taux maximum et la création d’un nouveau poste auquel le bénéfice de cette prime n’a pas été associé ; qu’il n’est pas davantage  possible d’estimer, comme le fait la Procureure générale dans ses conclusions susvisées, que la délibération de 1999 continuerait à s’appliquer malgré les changements de dénomination et de strate géographique de l’emploi concerné ; qu’il y a lieu, en conséquence, de rejeter les moyens de l’appelante en ce qui concerne la charge n° 2 ;

Par ces motifs,

DECIDE :

Article 1 er - Les articles 3, 6 et 9 du jugement n° 2019-0011 du 21 juin 2019 de la chambre régionale des comptes Grand Est sont annulés.

Article 2- Les paiements mis en cause par la première charge n’entraient pas dans un plan de contrôle sélectif de la dépense.

Article 3- La requête de Mme X est rejetée.

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Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents : M. Jean-Yves BERTUCCI, président de section, président de la formation, Mme Catherine DEMIER, conseillère maître, MM. Denis BERTHOMIER, Olivier ORTIZ, Yves ROLLAND, conseillers maître, Mme Dominique DUJOLS, conseillère maître.

En présence de Mme Michelle OLLIER, greffière de séance.

Michelle OLLIER

Jean-Yves BERTUCCI

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.

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