COUR DES COMPTES - Quatrième Chambre - Arrêt d'appel - 10/09/2020

COUR DES COMPTES - Quatrième Chambre - Arrêt d'appel - 10/09/2020

Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) "Le Clos du Parc" à Vernou-sur-Brenne (Indre-et-Loire) - Appel d'un jugement de la chambre régionale des comptes Centre-Val de Loire - n° S-2020-1334

La Cour,

Vu la requête enregistrée le 29 novembre 2019 au greffe de la chambre régionale des comptes Centre-Val de Loire, par laquelle M. X , comptable de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EPHAD) « Le Clos du Parc » à Vernou-sur-Brenne, a élevé appel du jugement n° 2019-0011 du 4 octobre 2019 rendu par ladite chambre qui a prononcé à son encontre un débet de 6 483,70 € pour avoir payé en 2016 des dépenses sur le fondement de pièces justificatives insuffisantes ;

Vu les pièces de la procédure suivie en première instance ;

Vu le code général des collectivités territoriales, notamment l’annexe I mentionnée à l’article D. 1617-19, dans sa rédaction résultant du décret n° 2007-450 du 25 mars 2007 modifiant le code général des collectivités territoriales puis dans celle issue du décret éponyme n° 2016-33 du 20 janvier 2016 ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code de la santé publique, notamment ses articles L. 6112-1 et L. 6112-2 ;

Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu le décret n° 88-1084 du 30 novembre 1988 relatif à l’indemnité horaire pour travail normal de nuit et à la majoration pour travail intensif ;

Vu le décret n° 92-7 du 2 janvier 1992 instituant une indemnité forfaitaire pour travail des dimanches et jours fériés ;

Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

Vu l’arrêté du 30 avril 2003 relatif à l’organisation et à l’indemnisation de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ;

Vu l’arrêté interministériel du 16 novembre 2004 fixant le montant de l’indemnité forfaitaire pour travail des dimanches et jours fériés ;

Vu le rapport de M. Louis Vallernaud , conseiller maître, chargé de l’instruction ;

Vu les conclusions de la Procureure générale n° 338 du 9 juillet 2020 ;

Entendu lors de l’audience du 16 juillet 2020 M. VALLERNAUD, en son rapport, M. Gabriel FERRIOL, avocat général, en les conclusions du ministère public, les autres parties, informées de l’audience, n’étant ni présentes, ni représentées ;

Entendu en délibéré M. Denis BERTHOMIER, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;

1. Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes Centre-Val de Loire a constitué M. X en débet pour avoir, sur le fondement de 12 mandats collectifs n° 31, 171, 333, 422, 606, 740, 832, 999, 1154, 1270, 1377 et 1688 en date des 19 janvier, 17 février, 21 mars, 7 avril, 23 mai, 22 juin, 13 juillet, 23 août, 23 septembre, 21 octobre, 18 novembre 2016 et 25 janvier 2017, d’une part, payé à une infirmière et deux aides-soignantes des indemnités forfaitaires pour travail des dimanches et jours fériés pour un montant total de 3 739,15 € et, d’autre part, versé aux deux mêmes aides-soignantes des indemnités horaires pour travail normal de nuit augmentées de la majoration spéciale pour travail intensif pour un montant total de 2 744,55 €, alors qu’il ne disposait pas de la  « décision individuelle d’attribution prise par le directeur » , dont la rubrique 220223 de la liste des pièces justificatives des dépenses des collectivités territoriales et des établissements publics locaux mentionnée à l’article D. 1617-19 et jointe en annexe au code général des collectivités territoriales prévoit la production à l’appui du paiement de ce type d’indemnités ;

2. Attendu que la chambre a relevé qu’en l’espèce, au moment du paiement des indemnités en cause, le comptable ne disposait pas de ces décisions, que les mandats sur le fondement desquels elles ont été versées n’en comportaient pas les références et que les tableaux de service obligatoirement arrêtés par le directeur et portés à la connaissance de chaque agent ne pouvaient en tenir lieu ; qu’elle a estimé que dès lors qu’il ne disposait pas de l’ensemble des pièces justificatives requises pour contrôler la validité de la dette, M. X aurait dû suspendre les paiements et demander des précisions à l’ordonnateur, conformément aux dispositions figurant à l’article 38 du décret susvisé du 7 novembre 2012, et que faute de l’avoir fait, il avait engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;

3. Attendu que les premiers juges ont également considéré qu’en l’absence de décision de l’autorité compétente pour attribuer les indemnités, leur paiement était indu ; qu’ils en ont déduit que le manquement du comptable avait causé un préjudice financier à l’EHPAD « Le Clos du Parc » ; qu’après avoir estimé que, dans la mesure où ils « [concernaient] la même rubrique de la nomenclature relative aux pièces justificatives requises » , les manquements en cause étaient de même nature, ils ont prononcé à  l’encontre de M. X un débet unique, d’un montant total de 6 483,70 €, correspondant à la somme des indemnités forfaitaires pour travail des dimanches et jours fériés (3 739,15 €) et des indemnités horaires pour travail normal de nuit augmentées de la majoration spéciale pour travail intensif (2 744,55 €) irrégulièrement payées ;

4. Attendu que la chambre régionale des comptes a considéré que le comptable n’avait en l’espèce pas respecté les règles de contrôle sélectif des dépenses, au sens du deuxième alinéa du IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 ; qu’au soutien de cette conclusion, les premiers juges ont relevé que le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense applicable en 2016 prévoyait que « le mandatement de la paie [ferait] l’objet d’un contrôle a priori tous les mois, ce qui [n’introduisait] aucune possibilité de contrôle sélectif des indemnités en cause » ; qu’ils ont également estimé que les dispositions du CHD qui prévoyaient « la mise en place d’un contrôle a posteriori de « diverses primes », non précisées, au titre des mois de novembre et décembre 2016 » n’étaient pas applicables en l’espèce dans la mesure où « les indemnités en cause [n’étaient] pas juridiquement constitutives de primes » , de sorte que « le comptable aurait dû opérer un contrôle a priori exhaustif des mandats litigieux » ;

5. Attendu que l’appelant demande à la Cour de dire que les manquements n’étaient pas constitués et, à défaut, qu’il n’a pas causé de préjudice financier à l’établissement ;

Sur la régularité de la procédure

6. Attendu que M. X n’a formulé dans sa requête aucune observation sur la régularité de la procédure ; qu’aucun moyen d’ordre public n’est susceptible d’être invoqué à ce titre ; qu’ainsi la procédure suivie par les premiers juges a été régulière ;

Sur le fond

En ce qui concerne les manquements

S’agissant de la première charge

7. Attendu que le requérant invoque trois arguments pour contester l’irrégularité des paiements d’indemnités forfaitaires pour travail des dimanches et jours fériés auxquels il a procédé au bénéfice d’une infirmière et de deux aides-soignantes pour un montant total de 3 739,15 € ;

8. Attendu qu’il fait valoir en premier lieu que le versement de telles indemnités « résulte de l’application de [la] réglementation et constitue donc une obligation incombant à l’employeur public » , qui n’aurait en conséquence aucune décision à prendre à ce titre ; que cette analyse se déduit selon lui des dispositions de l’article 1 er du décret n° 92-7 du 2 janvier 1992 instituant une indemnité forfaitaire pour travail des dimanches et jours fériés, qui prévoient que « les fonctionnaires et agents des établissements mentionnés à l’article 2 du titre IV du statut général des fonctionnaires (…) perçoivent, lorsqu’ils exercent leurs fonctions un dimanche ou un jour férié, une indemnité forfaitaire sur la base de huit heures de travail effectif, dont le montant est fixé par arrêté conjoint du ministre du budget et du ministre chargé de la santé » , et de celles figurant à l’article 2 du même décret, selon lesquelles « l’indemnité forfaitaire est payée mensuellement à terme échu » ; qu’à l’appui du même raisonnement, il observe qu’ « en application des articles L. 6112-1 et L. 6112-2 du code de la santé publique et de leur statut, les infirmières et les (…) aides-soignantes sont soumises à une obligation de continuité de service » et « doivent donc exercer de façonobligatoire et non de droit leur travail aussi bien en horaire normal que de nuit ou les dimanches et jours fériés » ;

9. Attendu que M. X soutient en deuxième lieu que le tableau de service, « élaboré par le directeur de l’EHPAD » et « porté obligatoirement à la connaissance des agents devant travailler de nuit, les (…) dimanches et les jours fériés en application de l’article 5 de l’arrêté du 30 avril 2003 relatif à l’organisation et à l’indemnisation de la continuité des soins et de la permanence [pharmaceutique] dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d’hébergement pour personnes dépendantes » , équivaut à la décision individuelle d’attribution mentionnée dans la nomenclature et constitue donc une pièce justificative suffisante ; qu’il mentionne deux jugements n° 2014-0012 du 10 juillet 2014, concernant le centre hospitalier de Fismes  et n° 2016-0009 du 17 mars 2016, concernant l’EHPAD de Liancourt, par lesquels les chambres régionales des comptes de Champagne-Ardenne, Lorraine et de Nord-Pas-de-Calais, Picardie auraient pris des décisions en ce sens ;

10. Attendu que le requérant observe en troisième lieu que les informations figurant dans les tableaux de service et sur les fiches de paye des agents lui permettaient de contrôler l’exactitude de la liquidation des indemnités ; qu’en effet, les premiers, qui sont « produits tous les mois sur une clé USB et (…) enregistrés informatiquement au sein de la trésorerie » , mentionnent « les dates des astreintes effectuées dans le mois par chaque agent » , et les secondes indiquent « les taux et les montants attribués à chaque agent » compte tenu des astreintes ainsi réalisées ; qu’il ajoute que les taux appliqués de 5,61 € par heure travaillée les dimanches et jours fériés jusqu’au 30 juin 2016 puis de 5,95 € à compter du 1 er juillet 2016, étaient conformes à ceux prévus par l’arrêté interministériel du 16 novembre 2004 fixant le montant de l’indemnité forfaitaire pour travail des dimanches et jours fériés ; qu’en effet ce texte, pris pour l’application de l’article 1 er du décret susmentionné du 2 janvier 1992, a fixé ce montant à 44,89 € sur la base de huit heures de travail effectif et prévu qu’il « [serait] revalorisé dans les mêmes proportions que la valeur annuelle du traitement des fonctionnaires de l'Etat afférent à l'indice 100 majoré » ;

11. Attendu que, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne se déduit pas des dispositions précitées de l’article 1 er du décret n° 92-7 du 2 janvier 1992 instituant une indemnité forfaitaire pour travail des dimanches et jours fériés, ni de celles du code de la santé publique qui imposent aux personnels infirmiers et aides-soignants de contribuer à la continuité du service les dimanches et jours fériés, que les intéressés ont droit sans condition au versement des indemnités correspondantes ; qu’il en résulte en effet que leur paiement est subordonné à l’exercice de leurs fonctions par les intéressés à ces périodes ; que le premier moyen invoqué par M. X doit donc être écarté ;

12. Attendu que les tableaux de service, dont M. X indique qu’ils doivent être établis en application de l’article 5 de l’arrêté du 30 avril 2003 relatif à l’organisation et à l’indemnisation de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, figurent au nombre des pièces justificatives des indemnités d’astreinte ; que la rubrique 220225 de la nomenclature, relative aux astreintes des personnels non médicaux des établissements publics de santé (EPS) et des établissements publics sociaux et médico-sociaux (ESMS), à laquelle appartient l’EHPAD « Le Clos du Parc », subordonne en effet le versement des indemnités correspondantes à la production notamment d’une « décision du chef d’établissement fixant la liste des activités, des services et des catégories de personnels concernés par les astreintes » ;

13. Attendu toutefois que l’indemnité forfaitaire pour travail des dimanches et jours fériés n’a pas pour objet de rémunérer des astreintes, c’est-à-dire l’obligation dans laquelle se trouvent les agents de demeurer à leur domicile ou à proximité de leur domicile pendant des périodes durant lesquelles, sans être à la disposition permanente et immédiate de leur employeur, ils doivent être en mesure d’intervenir en cas de besoin ; qu’il résulte du décret susmentionné du 2 janvier 1992, qui l’a instituée, qu’elle vise à rétribuer la présence effective des agents, dans les murs de l’établissement, pour y exercer leurs fonctions les dimanches ou les jours fériés ; qu’elle ne relève donc pas de la rubrique 220225, mais du 2. du c) de la rubrique 220223 de la liste des pièces justificatives des dépenses des collectivités territoriales et des établissements publics locaux, qui concerne les primes et indemnités autres que les indemnités horaires pour travaux supplémentaires servies aux personnels non médicaux des EPS et ESMS et subordonne leur paiement à la production d’une « décision individuelle prise par le directeur et, pour les agents contractuels, [d’une mention de la prime ou de l’indemnité] au contrat » des intéressés ; que ces prescriptions, qui figuraient dans l’annexe à l’article D. 1617-19, dans sa rédaction résultant du décret n° 2007-450 du 25 mars 2007 modifiant le code général des collectivités territoriales, ont été reprises dans les mêmes termes par le décret éponyme n° 2016-33 du 20 janvier 2016, qui a actualisé ladite annexe ; qu’il convenait donc que M. X obtînt de l’ordonnateur des décisions individuelles, éventuellement regroupées dans un tableau, postérieures aux services effectués par les intéressées ;

14. Attendu que dans sa partie introductive, relative aux « définitions et principes » , la même annexe comporte un point 5, relatif à « l’utilisation de la liste des pièces justificatives pour le contrôle de la dépense » , qui souligne notamment que celle-ci est exhaustive et obligatoire ; que l’exhaustivité signifie que « lorsqu’une dépense est répertoriée dans la liste, les pièces justificatives nécessaires au paiement de cette dépense y sont toutes énumérées » ; que la liste est également « obligatoire en ce qu’elle constitue à la fois le minimum et le maximum des pièces justificatives exigibles par le comptable » et « s’impose à la fois aux ordonnateurs, aux comptables et aux juges des comptes » ; qu’il résulte de ce double principe que M. X n’était pas habilité à substituer à l’une des pièces dont il devait disposer avant de payer les indemnités forfaitaires de travail des dimanches et jours fériés une pièce prévue pour une autre catégorie d’indemnités ;

15. Attendu qu’en toute hypothèse, la « décision individuelle d’attribution prise par le directeur » dont la rubrique 220223 prévoit la production notamment pour l’indemnité forfaitaire pour travail des dimanches et jours fériés a la portée d’une décision créatrice du droit de percevoir cette indemnité, sous réserve que l’agent concerné exerce effectivement ses fonctions à ces périodes ; qu’il n’en va pas de même de la « décision du chef d’établissement fixant la liste des activités, des services et des catégories de personnels concernés par les astreintes » mentionnée par la rubrique 220225, dès lors que ces périodes de travail ne correspondent pas à des astreintes ; qu’il est donc inexact d’affirmer qu’elles seraient équivalentes ;

16. Attendu que la Cour n’est pas tenue par les décisions prises en d’autres espèces par elle-même ou d’autres juridictions ;

17. Attendu qu’en toute hypothèse, contrairement à ce que soutient le requérant, le jugement rendu le 10 juillet 2014 par la chambre régionale des comptes (CRC) de    Champagne-Ardenne, Lorraine sur les comptes pour l’exercice 2011 du centre hospitalier de Fismes n’a pas validé cette analyse ; qu’en effet, si la CRC a décidé qu’il n’y avait pas lieu de mettre en jeu la responsabilité du comptable pour avoir payé à des agents de cet établissement public une prime de sujétion spéciale alors qu’en contradiction avec le 2. du c) de la rubrique 220223 de la nomenclature, il ne disposait d’aucune décision attributive du directeur, c’est parce que le décret n° 90-693 du 1 er août 1990 qui l’a instaurée en accorde le bénéfice sans condition à l’ensemble des agents fonctionnaires et stagiaires relevant de la fonction publique hospitalière, à l’exception des personnels de direction et des pharmaciens, ainsi qu’aux personnels contractuels exerçant des fonctions similaires à celles de ces personnels titulaires ; que tel n’est pas le cas de l’indemnité forfaitaire pour travail des dimanches et jours fériés, dont le texte qui l’a instituée subordonne le versement à l’exercice effectif par les intéressés de leurs fonctions à ces périodes ;

18. Attendu que le jugement rendu le 17 mars 2016 par la CRC de Nord-Pas-de-Calais, Picardie sur les comptes pour les exercices 2008 à 2013 de l’EHPAD de Liancourt ne saurait davantage être invoqué au soutien de la même thèse ; qu’il en ressort en effet que cette juridiction a décidé de ne pas mettre en jeu la responsabilité de comptables qui avaient payé des indemnités forfaitaires pour travail des dimanches et jours fériés alors qu’ils ne disposaient pas non plus des « décisions individuelles d’attribution prise par le directeur » prévues par le 2. du c) de la rubrique 220223 de la nomenclature, parce que des « tableaux signés par le directeur attest [aient] le service fait des heures des dimanches et jours fériés » ; que tel n’était pas le cas des tableaux de service mentionnés par M. X , dont les exemples figurant au dossier montrent que la date de leur signature n’est pas mentionnée, ce qui rend incertain le moment où ils ont été établis et interdit donc d’y discerner une certification du service fait par l’ordonnateur ;

19. Attendu qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter dans toutes ses branches le second moyen invoqué par M. X au soutien de sa demande d’infirmation du jugement entrepris en tant qu’il lui a imputé le paiement irrégulier des indemnités forfaitaires pour travail des dimanches et jours fériés visées dans la première charge ;

20. Attendu qu’il en va de même du troisième moyen soulevé par le requérant, qui porte sur un grief distinct de celui qui fonde le jugement attaqué et est donc inopérant ; que c’est en effet le grief de ne pas avoir procédé au contrôle de la production des pièces justificatives et non celui de ne pas avoir vérifié l’exactitude de la liquidation des dépenses en cause qui a été retenu par les premiers juges pour décider de mettre en jeu sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;

21. Attendu que dans ses conclusions susvisées, la Procureure générale relève que le paiement des primes et indemnités en cause relève de la rubrique 220223 c.2) de la nomenclature des pièces justificatives des dépenses des collectivités territoriales et des établissements publics locaux , et non des rubriques 220224 et 220225 ; qu’elle relève par ailleurs que l’ordonnateur a bien établi chaque mois un tableau de service nominatif indiquant les dates des astreintes effectuées par les agents de l’établissement ; que les journées de présence recensées dans ces tableaux semblent correspondre aux montants versés aux agents intéressés ; qu’elle mentionne enfin l’arrêt de la Cour des comptes Commune de Tremblay-les-Villages , où il a été jugé que des tableaux mensuels signés de l’ordonnateur et comportant une date d’édition concordant avec le mois concerné pouvaient tenir lieu de décision fixant le taux applicable à chaque agent ; qu’elle conclut en conséquence au non-lieu à charge ;

22. Attendu que même en admettant une confusion possible, par l’ordonnateur, entre la notion d’astreinte et celle de service effectif, le rattachement des dépenses correspondantes relève de la rubrique 220223 c.2) de la nomenclature des pièces justificatives des dépenses des collectivités territoriales et des établissements publics locaux, et qu’il implique donc la production d’une décision individuelle d’attribution qui ne peut se déduire de la convergence apparente entre un tableau de service signé et des montants versés, mais être assise sur un document signé par l’ordonnateur postérieurement aux services effectués ; que, par ailleurs, l’arrêt susmentionné Commune de Tremblay-les-Villages porte sur l’appréciation d’un préjudice né du manquement commis par l’agent comptable à l’occasion du paiement d’indemnités non appuyées des pièces justificatives requises par la nomenclature, et non sur le manquement lui-même, non contesté par le comptable appelant ; qu’il s’agissait en outre d’une décision d’une nature différente, fixant le taux applicable à chaque agent, et non d’une décision d’attribution nécessairement postérieure au service fait ;

S’agissant de la seconde charge

23. Attendu que le requérant invoque deux arguments pour contester l’irrégularité des paiements d’indemnités horaires pour travail normal de nuit augmentées de la majoration spéciale pour travail intensif auxquels il a procédé au bénéfice de deux aides-soignantes pour un montant total de 2 744,55 € ;

24. Attendu que M. X fait valoir en premier lieu que, de même que pour l’indemnité forfaitaire pour travail des dimanches et jours fériés, le versement de l’indemnité horaire pour travail normal de nuit augmentée de la majoration spéciale pour travail intensif « résulte de l’application de [la] réglementation et constitue donc une obligation incombant à l’employeur public » , de sorte que celui-ci n’aurait aucune décision à prendre à ce titre ; que cette analyse résulte de ce que les aides-soignantes « ont par leurs statuts une obligation de continuité de soins au vu des articles L. 6112-1 et L. 6112-2 du code de la santé publique » et « doivent donc exercer de façon obligatoire et non de droit leur travail aussi bien en horaire normal que de nuit ou les dimanches et jours fériés » ; qu’il s’ensuit selon M. X que, par construction, « les personnels régis par le décret n° 2007-1188 du 3 août 2007 modifié portant statut particulier du corps des aides-soignantes et des agents des services hospitaliers qualifiés de la fonction publique hospitalière bénéficient de l’indemnité horaire pour travail normal de nuit et [de] la majoration pour travail intensif » ; que pour justifier le versement automatique de cette dernière, prévue par l’article 2 du décret n° 88-1084 du 30 novembre 1988 instituant relatif à l’indemnité horaire pour travail normal de nuit et à la majoration pour travail intensif, le comptable fait valoir qu’ « est retenue comme définition d’un travail intensif le fait d’exercer une activité continue ne se limitant pas à de simples tâches de surveillance » ;

25. Attendu que le requérant reprend en second lieu l’argumentaire, articulé à propos de la première charge, selon lequel le tableau de service équivaudrait à la décision individuelle d’attribution mentionnée dans la nomenclature et constituerait donc une pièce justificative suffisante et fait de nouveau valoir que les deux jugements susmentionnés des chambres régionales des comptes de Champagne-Ardenne, Lorraine et de Nord-Pas-de-Calais, Picardie auraient validé cette analyse ;

26. Attendu que, contrairement à ce que soutient M. X , il ne résulte pas du texte qui les a instituées, ni des dispositions du code de la santé publique qui imposent aux aides-soignants de contribuer à la continuité du service durant la nuit, que les intéressés ont droit au versement sans condition des indemnités horaires pour travail normal de nuit et de leur majoration spéciale pour travail intensif ; qu’il ressort en effet de l’article 1 er du décret susmentionné du 30 novembre 1988 que le bénéfice de ces indemnités est réservé aux agents « qui assurent totalement ou partiellement leur service normal dans le cadre de la durée hebdomadaire du travail entre vingt et une heures et six heures » et de son article 2 que la majoration n’est due que « lorsque le service normal de nuit nécessite un travail intensif » ; qu’ainsi le premier moyen soulevé par le requérant ne saurait être accueilli ;

27. Attendu que contrairement à ce qui se déduit de la requête de M. X, les indemnités horaires pour travail normal de nuit et leur majoration spéciale pour travail intensif n’ont pas pour objet de rétribuer des astreintes mais la réalisation de services de nuit ; qu’elles ne relèvent donc pas de la rubrique 220225 mais du 2. du c) de la rubrique 220223 de la nomenclature ; qu’en conséquence, leur paiement est subordonné à la production d’une « décision individuelle d’attribution prise par le directeur » et non à celle d’une « décision du chef d’établissement fixant la liste des activités, des services et des catégories de personnels concernés par les astreintes » ;

28. Attendu que, comme indiqué à l’attendu n° 14, les principes rappelés au point 5 de la partie introductive de l’annexe à l’article D. 1617-19 du CGCT, relatif à « l’utilisation de la liste des pièces justificatives pour le contrôle de la dépense » , selon lesquels celle-ci est exhaustive et obligatoire, interdisaient au comptable de considérer que les tableaux de service pouvaient tenir lieu de décisions attributives ;

29. Attendu qu’en toute hypothèse, la « décision individuelle d’attribution prise par le directeur » dont la rubrique 220223 prévoit la production notamment pour l’indemnité horaire pour travail normal de nuit et sa majoration spéciale pour travail intensif a la portée d’une décision créatrice du droit de percevoir cette indemnité, sous réserve que l’agent concerné exerce effectivement ses fonctions la nuit ; qu’il n’en va pas de même de la « décision du chef d’établissement fixant la liste des activités, des services et des catégories de personnels concernés par les astreintes » mentionnée par la rubrique 220225, dès lors que cette période de travail ne correspond pas à une astreinte ; qu’il est donc inexact d’affirmer qu’elles seraient équivalentes ; qu’à défaut d’obtenir de l’ordonnateur une décision individuelle d’attribution postérieure à l’exécution des services correspondants, M. X aurait dû suspendre les paiements ;

30. Attendu que, pour les raisons indiquées aux attendus n° 16 à 18, outre qu’ils ne lient pas la Cour, les jugements rendus le 10 juillet 2014 par la chambre régionale des comptes de Champagne-Ardenne, Lorraine sur les comptes pour l’exercice 2011 du centre hospitalier de Fismes et le 17 mars 2016 par la CRC de Nord-Pas-de-Calais, Picardie sur les comptes pour les exercices 2008 à 2013 de l’EHPAD de Liancourt n’ont pas validé cette analyse ;

31. Attendu qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter dans toutes ses branches le second moyen invoqué par M. X au soutien de sa demande d’infirmation du jugement entrepris en tant qu’il lui a imputé le paiement irrégulier des indemnités horaires pour travail normal de nuit et de la majoration spéciale pour travail intensif visées dans la seconde charge ;

En ce qui concerne le préjudice

32. Attendu qu’à l’appui de la demande tendant à ce que, dans l’hypothèse où la Cour considérerait qu’il a payé les indemnités forfaitaires pour travail des dimanches et jours fériés et les indemnités horaires pour travail normal de nuit et leur majoration spéciale pour travail intensif sur le fondement de pièces justificatives insuffisantes, elle admette que ces manquements n’ont pas causé de préjudice financier à l’établissement, M. X invoque dans les deux cas le fait que les agents concernés « ont bien effectué un travail donnant (…) droit à une rémunération complémentaire obligatoire » ; qu’au soutien semble-t-il de la même conclusion, il observe également que l’ordonnateur a « porté à la connaissance des agents inscrits les astreintes de nuit, dimanches et jours fériés auxquelles ils étaient soumis » ;

33. Attendu que pour déterminer si le paiement irrégulier d’une dépense par un comptable public a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné, il appartient au juge des comptes de vérifier, au vu des éléments qui lui sont soumis à la date à laquelle il statue, si la correcte exécution, par le comptable, des contrôles lui incombant aurait permis d’éviter que soit payée une dépense qui n’était pas effectivement due ; que dans le cas où le comptable a engagé sa responsabilité en payant une dépense sur le fondement de pièces justificatives insuffisantes, le manquement doit être regardé comme n’ayant, en principe, pas causé un préjudice financier à l’organisme public concerné lorsqu’il ressort des pièces du dossier, y compris d’éléments postérieurs aux manquements en cause, que la dépense reposait sur les fondements juridiques dont il appartenait au comptable de vérifier l’existence au regard de la nomenclature, que l’ordonnateur a voulu l’exposer et, le cas échéant, que le service a été fait ;

34. Attendu qu’en l’espèce, il n’y a pas de raison de douter de l’affirmation du requérant selon laquelle les agents concernés « ont bien effectué un travail donnant (…) droit à une rémunération complémentaire obligatoire » ;

35. Attendu qu’il ressort également des pièces du dossier, notamment d’une lettre adressée le 29 avril 2019 à la chambre régionale des comptes par la directrice de l’établissement, dans le cadre de l’instruction du réquisitoire, dans laquelle elle a « confirm [é] que ni [elle] , ni [son] prédécesseur (jusqu’en 2016) ne rédige [aient] d’arrêté individuel et nominatif pour l’attribution de ces primes dans la mesure où ces dernières s’impos [aient] à [eux] et (…) relev [aient] du cadre réglementaire et statutaire de la Fonction Publique Hospitalière » , que l’ordonnateur a souhaité exposer les dépenses en cause ;

36. Attendu qu’il résulte en revanche de l’absence de décisions attributives du directeur, seule autorité compétente pour allouer les indemnités forfaitaires pour travail des dimanches et jours fériés et les indemnités horaires pour travail normal de nuit augmentées de la majoration spéciale pour travail intensif, que les dépenses correspondantes étaient dépourvues du fondement juridique dont il appartenait au comptable de vérifier l’existence au regard de la nomenclature ; qu’elles présentaient donc un caractère indu et ont en conséquence causé un préjudice financier à l’EHPAD « Le Clos du Parc » ;

37. Attendu qu’il résulte de ce qui précède que l’argumentaire articulé par M. X pour contester que le paiement irrégulier des indemnités en cause a causé un préjudice financier à la maison de retraite doit être rejeté et que la chambre régionale des comptes Centre-Val de Loire n’a non plus pas commis d’erreur de droit sur ce point ;

Par ces motifs,

DECIDE :

Article unique – La requête de M. X est rejetée.

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Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents : M. Jean-Yves BERTUCCI, président de section, président de séance ; Mme Catherine DEMIER, conseillère maître, MM. Denis BERTHOMIER, Olivier ORTIZ, Yves ROLLAND, conseillers maîtres, Mme Dominique DUJOLS, conseillère maître.

En présence de Mme Marie-Hélène PARIS-VARIN, greffière de séance.

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par

Marie-Hélène PARIS-VARIN

Jean-Yves BERTUCCI

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.

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