COUR DES COMPTES - Quatrième Chambre - Arrêt d'appel - 19/11/2020

COUR DES COMPTES - Quatrième Chambre - Arrêt d'appel - 19/11/2020

Syndicat mixte de collecte et de traitement des ordures ménagères de l'Ouest rémois (SYCOMORE) (Marne) - Appel d'un jugement de la chambre régionale des comptes Grand Est - n° S-2020-1813

La Cour,

Vu la requête enregistrée le 10 février 2020 au greffe de la chambre régionale des comptes Grand Est, par laquelle Mme X, comptable du Syndicat mixte de collecte et de traitement des ordures ménagères de l’Ouest rémois (SYCOMORE), a élevé appel du jugement n° 2019-0034 du 3 décembre 2019 de ladite chambre qui l’a constituée débitrice envers cet établissement public de la somme de 6 253,52 €, pour avoir procédé à des paiements, au cours de l’exercice 2015, sans disposer de la pièce justificative prévue par la nomenclature ;

Vu les pièces de la procédure suivie en première instance et notamment le réquisitoire n° 2018-24 du procureur financier près la chambre régionale des comptes Grand Est en date du 25 juillet 2018 ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012portant application du deuxième alinéa du VI de l'article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l'article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011;

Vu le rapport de M. Patrick Bonnaud , conseiller maître, chargé de l’instruction ;

Vu les conclusions de la Procureure générale n° 480 du 12 octobre 2020 ;

Entendu lors de l’audience publique du 15 octobre 2020, M. Patrick Bonnaud , conseiller maître, en son rapport, M. Benoît GuÉrin , avocat général, en les conclusions du ministère public, les autres parties, informées de l’audience, n’étant ni présentes ni représentées ;

Entendu en délibéré Mme Catherine DÉmier , conseillère maître, réviseure, en ses observations ;

1. Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes Grand Est a constitué Mme X, comptable du SYCOMORE, débitrice envers  cet établissement public de la somme de 6 253,52 €, pour avoir au cours de l’exercice 2015 versé cette somme à titre de rémunération à un agent de collecte, déduction faite des aides financières proratisées versées par l’État, sans disposer à l’appui de ces paiements d’un acte portant référence à une délibération valide autorisant le renouvellement de l’engagement de cet agent en contrat unique d’insertion  ;

2. Attendu que l’appelante demande, en premier lieu, l’annulation du jugement, puis l’infirmation du double constat du manquement et préjudice, subsidiairement la réduction du débet, enfin l’infirmation du constat du non-respect du plan de contrôle hiérarchisé de la dépense ;

Sur la régularité

3. Attendu que l’appelante fait valoir que le réquisitoire se fonde sur une délibération n° 2013-38 du 16 octobre 2013 ; que le jugement statue sur une délibération n° 2013-31, de la même date ; que la référence du réquisitoire est erronée ; que la procédure est, selon elle, intégralement viciée ce qui justifie une annulation du jugement ;

4. Attendu que le rapport de la phase non contentieuse de la procédure, visé dans le réquisitoire, fait état de la délibération n° 2013-31 et que son contenu ne laisse aucun doute sur l’agent concerné ; que les pièces justificatives à l’appui du réquisitoire sont bien relatives à ce dernier ; que la réponse de l’ordonnateur au magistrat instructeur concerne ce même agent ; que celle de la comptable appelante au questionnaire du magistrat instructeur de la chambre, datée du 18 novembre 2018, traite de cet agent et adresse la délibération n° 2013-31 ; que le rapport à fin de jugement traite également de l’agent de collecte et se réfère à la délibération concernant ce dernier ;

5. Attendu, en conséquence, que cette erreur strictement matérielle affectant le réquisitoire est restée sans conséquence sur la contradiction, l’appelante ayant été suffisamment informée du grief élevé contre elle et ayant suffisamment manifesté, au cours de l’instruction, qu’elle avait compris la nature de ce grief ; qu’ainsi le principe du contradictoire a été respecté et qu’il n’y a pas lieu d’annuler, de ce chef, le jugement entrepris ;

Sur le fond

Sur le manquement

6. Attendu que l’appelante fait valoir, en premier lieu, comme il est dit ci-avant, que le contrat de travail faisait référence à la délibération créant l’emploi, sans toutefois qu’y soient précisés le numéro et la date de la délibération ; qu’ainsi la mention était insuffisante pour répondre aux prescriptions de la nomenclature ; que la demande de production de cette délibération aurait dû être faite en 2013 par le comptable alors en fonction ;

7. Attendu, que l’appelante soutient, ensuite, que l’agent a été embauché le 1 er septembre 2013 ; que son contrat a été depuis lors renouvelé ; qu’il ne peut donc être considéré comme un nouvel agent ; que les paiements en cause n’étaient donc pas des premiers paiements ; qu’ainsi, elle n’avait pas à se faire produire le contrat ;

8. Attendu qu’il n’est pas contesté que les pièces justificatives prévues pour les paiements ultérieurs ont été produites ; que la distinction entre premier paiement et paiements ultérieurs n’a pour effet que de distinguer les obligations de production des pièces par les ordonnateurs ; que les comptables doivent néanmoins détenir l’ensemble des pièces nécessaires à la justification de la dépense ;

9. Attendu que le premier contrat de 2013 portait sur une durée limitée à 12 mois non reconductible ; qu’un deuxième contrat a été signé pour la période allant de septembre 2014 à septembre 2015 ; qu’il n’est pas contesté que deux contrats successifs étaient donc en vigueur au cours de l’année 2015, le premier jusqu’au 1 er septembre et le second commençant le 2 septembre ; que, nonobstant la continuité de la situation de l’agent dans son emploi, le contrat de 2014 s’était éteint et un autre avait commencé, au demeurant produit à la comptable, sans qu’une délibération n’ait été prise pour autoriser le renouvellement du contrat ; qu’il relevait des obligations de celle-ci de contrôler la validité de ces deux contrats ;

10. Attendu, en, conséquence, que la comptable devait disposer du contrat faisant référence à la délibération appropriée, même en cas de « paiements ultérieurs », et que de surcroît, cette obligation portait également, au titre du « premier paiement », sur la rémunération du mois de septembre 2015 ; qu’il y a lieu en conséquence de rejeter ce moyen ;

11. Attendu en conséquence, que c’est à bon droit que la chambre régionale des comptes Grand Est a jugé qu’en ne s’assurant pas, avant de procéder aux paiements en cause, qu’elle disposait d’un acte d’engagement faisant référence à la délibération renouvelant l’emploi, la comptable a manqué à ses obligations de contrôle de la production des pièces justificatives     exigibles et a ainsi engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;

Sur le préjudice

12. Attendu qu’en dernier lieu, l’appelante argue de ce que la dépense était fondée juridiquement par la délibération n° 2013-31 du 16 octobre 2013 relative à la création de l’emploi, par celle du 31 mars 2015 qui, augmentant le salaire de l’intéressé, s’appuyait sur la délibération n° 2013-31 et par les contrats de travail correspondants ;

13. Attendu que la Procureure générale, dans ses conclusions susvisées, considère que le préjudice est avéré concernant la rémunération des trois premiers mois de l’année 2015 en l’absence de toute délibération du conseil syndical pouvant fonder juridiquement le recrutement au titre du deuxième contrat ;

14. Attendu que la délibération n° 2015-20 du 31 mars 2015, en se référant explicitement à la délibération n° 2013-30, établit suffisamment la volonté du conseil syndical de voir l’agent maintenu en fonction sans solution de continuité depuis 2013 ;

15. Attendu qu’ainsi, le manquement de la comptable à ses obligations de contrôle de la production des pièces justificatives n’a pas causé de préjudice financier au SYCOMORE ; que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requérante, il y a donc lieu d’infirmer le jugement dont est appel en ce qu’il a constitué Mme X débitrice envers ledit établissement public et en ce qu’il s’est dès lors prononcé sur le respect par la comptable du dispositif de contrôle sélectif de la dépense ;

Sur les conséquences de l’absence de préjudice

16. Attendu qu’aux termes de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963, lorsque le manquement de la comptable à ses obligations n'a pas causé de préjudice financier à l'organisme public concerné, le juge des comptes peut l'obliger à s'acquitter d'une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l'espèce ; qu’en application de l’article 1 er du décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012, la somme maximale pouvant être mise à la charge du comptable est fixée à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré ;

17. Attendu qu’à la date des paiements contestés, le montant du cautionnement du poste comptable s’élevait, pour l’année 2015, à 110 000 € ; que la somme maximale pouvant être mise à la charge de la comptable était donc de 165 € par manquement ;

18. Attendu qu’aucune circonstance atténuante n’a été établie ; que les paiements en cause doivent être considérés comme constitutifs d’un seul manquement ; qu’il y a donc lieu de fixer le montant de la somme à mettre à la charge de Mme X à son maximum, soit 165 €, au titre de l’exercice 2015 ;

Par ces motifs,

DÉCIDE :

Article 1 er . –Le jugement n° 2019-0034 du 3 décembre 2019 de la chambre régionale des comptes Grand Est est infirmé en ce qu’il a constitué Mme X débitrice envers le Syndicat mixte de collecte et de traitement des ordures ménagères de l’Ouest rémois (SYCOMORE) de la somme de 6 253,52 €, augmentée des intérêts de droit.

Article 2. –  Mme X devra s’acquitter d’une somme de 165 €, en application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ; cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du IX de l’article 60 précité.

Fait et jugé par M. Jean-Yves BERTUCCI, président de section, président de la formation, Mme Catherine DEMIER, conseillère maître, MM. Denis BERTHOMIER et Yves ROLLAND, conseillers maîtres et Mme Dominique DUJOLS, conseillère maître.

En présence de Mme Marie-Hélène PARIS-VARIN, greffière de séance.

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par

Marie-Hélène PARIS-VARIN

Jean-Yves BERTUCCI

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.

Vous ne trouvez pas ce que vous cherchez ?

Demander un document

Avertissement : toutes les données présentées sont fournies directement par la DILA via son API et ne font l'objet d'aucun traitement ni d'aucune garantie.

expand_less