CDBF - Arrêt - 06/05/2022

CDBF - Arrêt - 06/05/2022

21ème conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 2015 à Paris (COP 21) - n° 257-835

LA COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE,

siégeant à la Cour des comptes, en audience publique, a rendu l’arrêt suivant :

Vu le code des juridictions financières, notamment le titre 1 er de son livre III relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la loi organique n° 2001‑692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code des relations entre le public et l’administration, notamment son article L. 221‑14 ;

Vu la loi n° 75‑1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ;

Vu la loi n° 2014‑1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives ;

Vu le décret n° 93‑1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d’œuvre confiées par des maîtres d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé ;

Vu le décret n° 2009‑151 du 10 février 2009 relatif à la rémunération de certains services rendus par l’État consistant en une valorisation de son patrimoine immatériel ;

Vu le décret n° 2012‑1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

Vu le décret n° 2015‑78 du 29 janvier 2015 portant création d’un secrétariat général chargé de la préparation et de l’organisation de la vingt-et-unième session de la conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques ;

Vu la communication en date du 27 septembre 2018, enregistrée le 28 septembre 2018 au parquet général, par laquelle le président de la quatrième chambre de la Cour des comptes a informé le procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, de faits relatifs à la gestion de la 21 ème conférence des parties à la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques en 2015 à Paris (COP 21) ;

Vu le réquisitoire du 15 mai 2019 par lequel le procureur général a saisi de cette affaire le Premier président de la Cour des comptes, président de la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision du 4 juin 2019 par laquelle le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a désigné M. Christophe Cantié, président de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, en qualité de rapporteur de l’affaire ;

Vu les lettres recommandées de la procureure générale du 3 juillet 2019, ensemble les avis de réception de ces lettres, par lesquelles ont été mis en cause, au regard des faits de l’espèce :

-          M. X..., secrétaire général chargé, de juillet 2013 à juillet 2016, de la préparation et de l’organisation de la COP 21 ;

-          M. Y..., chef du protocole au ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI) de mai 2010 à avril 2016 ;

-          M. Z..., sous-directeur de la logistique, de l’interprétation et de la traduction au protocole au MAEDI du 13 juin 2013 au 15 janvier 2016 ;

Vu la lettre du 14 janvier 2021 du président de la Cour de discipline budgétaire et financière transmettant au ministère public le dossier de l’affaire après le dépôt du rapport de M. Cantié ;

Vu la décision du 21 décembre 2021 de la procureure générale renvoyant MM. X..., Y... et Z... devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu les lettres recommandées du 3 janvier 2022 adressées par la greffière de la Cour de discipline budgétaire et financière à MM. X..., Y... et Z..., les avisant qu’ils pouvaient produire un mémoire en défense et les citant à comparaître le 18 mars 2022 devant la Cour de discipline budgétaire et financière, ensemble les avis de réception de ces lettres ;

Vu les demandes présentées par MM. Y... et Z..., par courriel et courrier du 22 février 2022, tendant à faire citer à comparaître comme témoins MM. A... et B... et Mme C... lors de l’audience publique et le permis, délivré le 7 mars 2022 par la vice‑présidente de la Cour de discipline budgétaire et financière, après conclusions de la procureure générale, de citer ces personnes à l’audience ;

Vu les lettres recommandées du 8 mars 2022 par lesquelles la greffière de la Cour de discipline budgétaire et financière a transmis aux témoins, MM. A... et B... et Mme C..., une convocation à l’audience publique ;

Vu le mémoire en défense produit le 2 mars 2022 par M. Y..., ensemble la pièce à l’appui ;

Vu le mémoire en défense produit le 4 mars 2022 par M. Z..., ensemble les pièces à l’appui ;

Vu le mémoire en défense produit le 7 mars 2022 par Maître Thiriez dans l’intérêt de M. X... ;

Vu les autres pièces du dossier, comprises les pièces produites par le ministère public et par les conseils de M. X... au cours de l’audience ;

Entendu le représentant du ministère public, présentant la décision de renvoi ;

Entendu en leur déposition sous serment les témoins, MM. A... et B... et Mme C... ;

Entendu la procureure générale en ses réquisitions ;

Entendu en leur plaidoirie Maîtres Thiriez et Weigel pour M. X..., Maître Vallat pour M. Z..., MM. X..., Y... et Z... ayant été invités à présenter leurs explications et observations, la défense ayant eu la parole en dernier ;

Après en avoir délibéré ;

Considérant ce qui suit :

Sur la compétence de la Cour

1. En application de l’article L. 312‑1 du code des juridictions financières, la Cour de discipline budgétaire et financière est compétente pour connaître des infractions susceptibles d’avoir été commises dans l’exercice de leurs fonctions par «  [...] b) Tout fonctionnaire ou agent civil ou militaire de l’État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics ainsi que des groupements des collectivités territoriales ; [...]   » .

2. Aux termes du décret du 29 janvier 2015 susvisé a été institué « auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international et de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, un secrétariat général chargé de la préparation et de l’organisation de la vingt-et-unième session de la conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques ainsi que de la onzième session de la conférence des parties agissant comme réunion des parties au protocole de Kyoto et des sessions des organes subsidiaires (COP 21/CMP 11) qui se tiendront à Paris en décembre 2015 » .

3. Il résulte de l’instruction, d’une part, que le secrétariat général de la COP 21 a été, de fait, mis en place dès 2013, d’autre part, que les services du protocole au MAEDI ont participé à la préparation de la COP 21.

4. Les agents de l’État qui ont participé à l’organisation et à la gestion de la COP 21 sont justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière en application des dispositions précitées de l’article L. 312-1 du code des juridictions financières. Tel est le cas en l’espèce de M. X..., nommé par un décret du 6 mars 2015 secrétaire général chargé de la préparation et de l’organisation de la COP 21, de M. Y..., nommé chef du protocole au ministère des affaires étrangères par un décret du 3 juin 2010 et de M. Z..., nommé par un arrêté du 13 juin 2013 dans les fonctions de sous-directeur de la logistique, de l’interprétation et de la traduction au protocole au ministère des affaires étrangères.

Sur la prescription

5. Aux termes de l’article L. 314‑2 du code des juridictions financières « La Cour ne peut être saisie par le ministère public après l’expiration d’un délai de cinq années révolues à compter du jour où aura été commis le fait de nature à donner lieu à l’application des sanctions prévues par le présent titre » . Ne peuvent être, par suite, poursuivies dans la présente affaire que les infractions commises moins de cinq ans avant, d’une part, la date à laquelle a été déférée au parquet général la communication susvisée du président de la quatrième chambre de la Cour des comptes, soit les faits commis depuis le 28 septembre 2013 pour les faits relatifs à l’attribution des marchés publics et au recouvrement des recettes liées à la location d’espaces privatifs à des entreprises, et, d’autre part, la date à laquelle le ministère public a saisi de sa propre initiative la Cour de discipline budgétaire et financière pour les faits relatifs aux conditions de location d’espaces privatifs aux délégations étrangères, soit les faits commis depuis le 15 mai 2014.

Sur les faits, leur qualification juridique et l’imputation des responsabilités

6. Aux termes de l’article L. 313‑4 du code des juridictions financières «   Toute personne visée à l’articleL. 312‑1qui, en dehors des cas prévus aux articles précédents, aura enfreint les règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses de l’Etat ou des collectivités, établissements et organismes mentionnés à ce même article ou à la gestion des biens leur appartenant ou qui, chargée de la tutelle desdites collectivités, desdits établissements ou organismes, aura donné son approbation aux décisions incriminées sera passible de l’amende prévue à l’article L. 313‑1   ».

Sur les marchés publics passés dans le cadre de l’organisation de la COP 21

Sur le droit applicable à l’époque des faits litigieux

7. Le II de l’article 1 er du code des marchés publics alors en vigueur dispose que « Les marchés publics et les accords‑cadres soumis au présent code respectent les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes permettent d’assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics ».

8. Aux termes du I de l’article 5 du même code, « La nature et l’étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant tout appel à la concurrence ou toute négociation non précédée d’un appel à la concurrence  […]  » .

9. L’article 17 du même code dispose en son alinéa premier que « Les prix des prestations faisant l’objet d’un marché sont soit des prix unitaires appliqués aux quantités réellement livrées ou exécutées, soit des prix forfaitaires appliqués à tout ou partie du marché, quelles que soient les quantités livrées ou exécutées » . En vertu de l’article 18 du même code, « I. - Sous réserve des dispositions de l’article 19, un marché est conclu à prix définitif. II. - Un prix définitif peut être ferme ou révisable » .

10. L’article 20 du même code précise qu’ « En cas de sujétions techniques imprévues ne résultant pas du fait des parties, un avenant ou une décision de poursuivre peut intervenir quel que soit le montant de la modification en résultant. Dans tous les autres cas, un avenant ou une décision de poursuivre ne peut bouleverser l’économie du marché, ni en changer l’objet ».

11. L’article 26 du même code dispose que « I. – Les pouvoirs adjudicateurs passent leurs marchés et accords‑cadres selon les procédures formalisées […] . II. – Les marchés et accords‑cadres peuvent aussi être passés selon une procédure adaptée, dans les conditions définies par l’article 28, lorsque le montant estimé du besoin est inférieur aux seuils suivants : 1° 134 000 € HT pour les marchés de fournitures et de services […] de l’État et de ses établissements publics ; […] / 5° 5 186 000 € HT pour les marchés de travaux » .

12. Le I de l’article 27 du même code dispose que « le pouvoir adjudicateur ne peut pas se soustraire à l’application du présent code en scindant ses achats ou en utilisant des modalités de calcul de la valeur estimée des marchés ou accords‑cadres autres que celles prévues par le présent article » .

13. A ux termes de l’article 28 du même code, « III- Le pouvoir adjudicateur peut également décider que le marché sera passé sans publicité ni mise en concurrence préalables si son montant estimé est inférieur à 15 000 euros HT. Lorsqu’il fait usage de cette faculté, il veille à choisir une offre répondant de manière pertinente au besoin, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même prestataire lorsqu’il existe une pluralité d’offres potentielles susceptibles de répondre au besoin » . Le seuil précité de 15 000 € a été porté à 25 000 € par le décret n° 2015‑1163 du 17 septembre 2015.

14. Aux termes du I de l’article 77 du même code, « Un marché à bons de commande est un marché conclu avec un ou plusieurs opérateurs économiques et exécuté au fur et à mesure de l’émission de bons de commande […] . L’émission des bons de commande s’effectue sans négociation ni remise en concurrence préalable des titulaires, selon des modalités expressément prévues par le marché. Les bons de commande sont des documents écrits adressés aux titulaires du marché. Ils précisent celles des prestations, décrites dans le marché, dont l’exécution est demandée et en déterminent la quantité » .

15. Aux termes de l’article 81 du même code, «  les marchés et accords‑cadres d’un montant supérieur à 25 000 euros HT sont notifiés avant tout commencement d’exécution » .

16. L’article 112 du même code dispose que «  Le titulaire d’un marché public de travaux, d’un marché public de services ou d’un marché industriel peut sous-traiter l’exécution de certaines parties de son marché à condition d’avoir obtenu du pouvoir adjudicateur l’acceptation de chaque sous-traitant et l’agrément de ses conditions de paiement ». L’alinéa 1 er de l’article 3 de la loi du 31 décembre 1975 susvisée dispose que « L’entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l’ouvrage […] ; » .

17. En vertu de l’article 118 du même code, « Dans le cas particulier où le montant des prestations exécutées atteint le montant prévu par le marché, la poursuite de l’exécution des prestations est subordonnée, que les prix indiqués au marché soient forfaitaires ou unitaires, à la conclusion d’un avenant ou, si le marché le prévoit, à une décision de poursuivre prise par le pouvoir adjudicateur » .

En ce qui concerne le marché passé avec le groupement D... et E...

18. À l’issue d’une procédure d’appel d’offres ouvert, le ministère des affaires étrangères a conclu, le 10 juillet 2012, avec un groupement d’entreprises formé par les sociétés D... et E..., un marché public à bons de commande sans montant maximum et pour un montant minimum de 900 000 € hors taxes (HT) sur une période ferme de trois ans. En application de l’article 1.3 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), le marché pouvait être reconduit tacitement pour une année supplémentaire pour un montant minimum de 300 000 € HT.

19. L’objet de ce marché aux termes de l’article 1.1 du CCAP était le suivant : «  Ce marché comprend la fourniture, l’installation et le démontage de matériels d’aménagement événementiel (tentes, dais, cloisonnages, planchers, agencements décoratifs, mobilier et accessoires, éclairage scénique, signalétique, distribution électrique, matériel de restauration...) suivant les besoins définis par l’administration, nécessaires à la tenue de sommets, de conférences internationales et de réunions d’experts organisés par le Ministère des affaires étrangères et européennes. Il comprend par ailleurs, dans certains cas, l’élaboration de documents techniques complémentaires à ceux fournis par l’Administration (plans, visuels, planning...) et une assistance technique sur les sites de l’événement durant la tenue de la manifestation. Ce marché concerne tous les évènements organisés par le Cabinet, les directions et les services du Ministère des affaires étrangères et européennes. Il vise à satisfaire les besoins liés à l’organisation par le Ministère des Affaires étrangères et européennes de deux types d’évènements : les sommets de Chefs d’État ou de gouvernement et les conférences internationales […]  » .

20. Le choix a été fait de prolonger ce marché de l’année supplémentaire qu’il prévoyait, soit de juillet 2015 à juillet 2016, pour répondre aux besoins de l’organisation de la COP 21 qui devait se tenir du 26 novembre au 13 décembre 2015.

21. Par un courrier du 5 février 2015, le groupement D.…‑E.… s’est engagé à prendre en compte, «  sans facturation additionnelle  », des prestations non comprises dans le marché initial et ainsi précisées : « Rôle d’intégrateur […] ;Prestations commerciales associées à la gestion des demandes d’espaces privatifs des délégations, ONG, etc. ... […]  ;Préconisations et exigences en matière de développement durable » . Le groupement a, par ailleurs, accepté de consentir une remise de 20 % sur le bordereau des prix unitaires joint à l’acte d’engagement du marché.

22. En réponse, par un courrier du 6 mars 2015, et «  dans ce contexte  », le secrétaire général de la COP 21 et le chef du protocole ont confirmé au groupement D...‑E... la reconduction pour une année supplémentaire du marché dont le coût a été alors évalué à 43,2 M€ toutes taxes comprises (TTC).

23. Le 13 août 2015 a été émis, dans le cadre du marché ainsi reconduit, un bon de commande d’un montant de 3,84 M€ TTC pour la construction de la salle de la conférence plénière décidée par l’État en exécution de l’annexe I de l’accord conclu entre le Gouvernement de la République française et le secrétariat de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et son protocole de Kyoto, signé à Paris le 20 avril 2015 et à Bonn le 27 mars 2015, et publié au Journal officiel de la République française par le décret n° 2015-1471 du 10 novembre 2015.

24. Un avenant conclu par la suite, le 6 novembre 2015 a, d’une part, modifié le CCAP du marché pour y préciser les modalités de paiement d’acomptes ainsi que l’acte d’engagement pour prévoir le paiement des factures sur un compte bancaire spécifique, d’autre part, ajouté aux documents du marché la commande de prestations d’étude et de fourniture de plans supplémentaires, prestations qui ne figuraient pas dans l’annexe financière initiale, ainsi qu’un bordereau complémentaire de prix unitaires correspondant à ces prestations.

25. Il résulte de l’instruction que le coût des prestations commandées au groupement D…‑E… a été évalué ex post à 70,7 M€.

En ce qui concerne l’avenant au marché et son commencement d’exécution

26. Il est fait grief à l’avenant du 6 novembre 2015 d’avoir été conclu sans publicité, ni mise en concurrence préalable, alors qu’il aurait confié aux cocontractants les prestations énumérées dans la lettre du groupement D...‑E... mentionnée au point 21, lesquelles ne figuraient pas au marché initial et qu’il en aurait par suite changé l’objet. Il lui est également fait grief d’avoir connu un commencement d’exécution avant sa signature.

27. Il résulte cependant de l’instruction que ces prestations qui semblent n’avoir fait l’objet d’autre formalisation que celle de l’échange de lettres mentionné aux points 21 et 22, ne figurent pas, en tout état de cause, dans l’avenant du 6 novembre 2015 dont l’objet se limite à ce qui en est exposé au point 24 et ne comprend que des prestations qui, bien qu’additionnelles, se rattachent à l’objet du marché initial et n’ont pas d’incidence financière sur un marché conclu sans maximum.

28. Il n’est pas, par ailleurs, établi que les prestations prévues par cet avenant aient connu un commencement d’exécution avant sa signature.

29. Dans ces conditions, le grief n’apparait pas constitué.

En ce qui concerne la révision du prix du marché

30. Il résulte de l’instruction que le marché initial du 10 juillet 2012 ne comportait aucune clause de modification des prix de nature à autoriser la remise figurant dans la lettre mentionnée au point 21.

31. Le fait pour le pouvoir adjudicateur d’avoir obtenu une baisse du prix du marché postérieurement à sa conclusion, en méconnaissance des dispositions des articles 17 et 18 du code des marchés publics précités, constitue une infraction aux règles relatives à l’exécution des dépenses, au sens de l’article L. 313-4 du code des juridictions financières.

En ce qui concerne la construction de la salle plénière

32. Il résulte de l’instruction que le bon de commande émis le 13 août 2015 fait suite à la décision figurant dans une lettre du 28 mai 2015 adressée par le secrétaire général au groupement d’entreprise D...‑E... de lui confier la réalisation de la salle de la conférence plénière de la COP 21.

33. Il résulte également de l’instruction que cette salle, dont le projet avait été conçu par l’agence d’architecture F... dans le cadre d’un marché d’études, constituait une construction entièrement nouvelle créée pour cet évènement, qui ne peut, eu égard aux modalités de conception, à l’ampleur, à la consistance et au coût de cette réalisation et alors même qu’elle serait susceptible de réutilisation, être regardée comme constitutive des «  aménagements temporaires à caractère évènementiel  » prévus par le marché, ce qu’a, au demeurant, souligné une note du contrôleur budgétaire et comptable ministériel du 12 août 2015 adressée au sous‑directeur de la logistique, de l’interprétation et de la traduction. La réalisation de la salle plénière constituait, dès lors, une prestation nouvelle qui n’entrait pas dans l’objet du marché tel que défini à l’article 1 du CCAP.

34. Le fait pour le pouvoir adjudicateur de ne pas avoir procédé à une mesure de publicité et de mise en concurrence selon les procédures prévues par le code des marchés publics, laquelle ne pouvait se limiter, eu égard au montant de la prestation, à la seule collecte de trois devis, constitue une infraction aux règles relatives à l’exécution des dépenses au sens de l’article L. 313-4 du code des juridictions financières.

En ce qui concerne le marché de maîtrise d’œuvre confié à l’agence F...

35. Un marché ayant pour objet d’élaborer un concept d’aménagement du site du Bourget a été attribué, à l’issue d’une procédure de publicité et de mise en concurrence adaptée, au groupement constitué par les sociétés F..., G..., H... et I..., pour un montant maximum de 133 000 € HT et une durée de six mois.

36. Par un avis publié au Journal officiel de l’Union européenne le 22 décembre 2010, une procédure de publicité et de mise en concurrence a été, par ailleurs, engagée par le ministère des affaires étrangères pour «  des prestations d’expertise, de conception architecturale (scénographie), de coordination de l’action technique des entreprises dans les domaines de l’aménagement événementiel, de supervision pour l’ensemble des prestations événementielles pour les besoins de l’administration avant, pendant et après les conférences, ainsi que l’assistance à l’élaboration des documents techniques nécessaires à la définition des besoins et à la passation de la commande publique  ». Ce marché, d’une durée de trois ans, était composé de trois lots, le premier relatif aux «  prestations d’expertise de conception architecturale (scénographie) relatives aux aménagements événementiels et au pilotage de l’ensemble du dispositif technique  », le deuxième concernant les «  prestations d’expertise relatives aux aménagements événementiels et à la coordination de l’ensemble du dispositif technique  » et le troisième lot ayant trait à des «  prestations d’expertise de supervision des aménagements événementiels  ».

37. Ce marché a été renouvelé, dans le cadre d’un appel d’offres ouvert, respectivement le 30 décembre 2014 pour le lot n° 1 attribué à la société J..., le 18 novembre 2014 pour le lot n° 2 attribué à la société K.., et le lot n° 3 attribué au cabinet L.... Seuls les lots 2 et 3 incluaient explicitement des prestations liées à la COP 21, celles du lot 3 étant qualifiées, aux termes du CCAP, de prestations d’assistance à maîtrise d’ouvrage.

38. Devant les difficultés techniques posées par le projet conçu par la société F..., et afin de répondre à un besoin en maîtrise d’œuvre du secrétariat général de la COP 21, l’agence d’architecture F... a été acceptée comme sous-traitante de la société L… par une déclaration de sous-traitance signée le 10 mars 2015 par le sous-directeur de la logistique, de l’interprétation et de la traduction au protocole.

39. L’agence F... a ainsi perçu un total de 340 224 € TTC, soit une somme de 70 224 € TTC au titre du marché initial passé selon une procédure adaptée, et une somme de 270 000 € TTC en sa qualité de sous-traitante de la société L....

40. Il résulte des dispositions rappelées au point 16 que le recours à la sous-traitance a exclusivement pour objet de permettre au titulaire d’un marché de sous-traiter l’exécution de certaines des prestations du marché dont il est attributaire.

41. Il résulte de l’instruction que le cabinet L… était exclusivement titulaire du lot d’assistance au maître d’ouvrage pour des prestations de supervision des aménagements évènementiels. Dès lors, l’agence d’architecture F..., qui exerce une activité de maîtrise d’œuvre, ne pouvait être la sous-traitante du cabinet L… pour les prestations qui lui ont été confiées relatives à des «  études de faisabilité technique et financière relatives à une salle plénière (SP1) susceptible d’accueillir 1 500 participants  ».

42. Ces prestations qui relevaient des dispositions alors en vigueur du décret du 29 novembre 1993 susvisé devaient, par ailleurs, être attribuées à l’issue d’une procédure de publicité et de mise en concurrence formalisée, dès lors que le seuil de 134 000 € HT pour les marchés de fournitures et de services de l’État prévu à l’article 26 du code des marchés publics a été franchi.

43. Le fait d’avoir accepté l’agence d’architecture F... comme sous-traitante du cabinet L… dans un montage contractuel qui méconnaissait les dispositions des articles 26 et 112 du code des marchés publics, constitue une infraction aux règles relatives à l’exécution des dépenses au sens de l’article L. 313-4 du code des juridictions financières.

En ce qui concerne les prestations confiées à la société M...

44. Le choix du site du Bourget pour la tenue de la conférence imposait de louer cet espace à la société concessionnaire du site. En conséquence et en application du 8° du II de l’article 35 du code des marchés publics, un marché négocié, sans publicité préalable ni mise en concurrence, a été signé avec la société d’exploitation M... le 21 septembre 2015 par le sous‑directeur de la logistique, de l’interprétation et de la traduction au protocole et notifié le 2 octobre 2015. Le montant minimal de ce contrat était de 9 067 309,25 € HT. Il se décomposait en des prestations à prix forfaitaire d’un montant de 4 067 309,25 € HT et des prestations sur bons de commande à prix unitaires d’un montant minimal de 5 000 000 € HT.

45. Par un premier avenant du 18 novembre 2015, un bordereau de prix unitaires complémentaire a été intégré au marché en vue de confier des prestations supplémentaires à la société M... relatives, notamment, au nettoyage, à l’entretien des sanitaires, au gardiennage, à la sûreté et à la vidéosurveillance du site. Par un second avenant du 25 février 2016 notifié le 1 er mars suivant, ce marché, dont le terme initial était prévu au 13 janvier 2016, a été prorogé pour une durée de deux mois. La société concessionnaire a facturé à l’État une somme totale de 2,17 M€ TTC au titre des prestations d’entretien et une somme de 8,89 M€ TTC au titre des prestations liées à la sécurité et à la sûreté.

46. Il est fait grief aux modifications du marché initial intervenues en 2015, d’avoir bouleversé l’économie du marché par l’adjonction de nouvelles prestations, en s’abstenant de toute publicité et de mise en concurrence.

47. Il résulte cependant de l’instruction et notamment du détail des prestations figurant dans le CCAP du marché du 21 septembre 2015, que si le bordereau de prix unitaires complémentaires de ce marché avait pour objet de confier à la société M... des prestations supplémentaires, ces prestations se rattachaient à l’objet du marché initial fixé sans maximum de montant. Par ailleurs, la signature d’un premier avenant, deux mois à peine après la conclusion du marché, n’était pas due à un défaut de prévision initiale mais au bouleversement du contexte sécuritaire après les attentats du 13 novembre 2015, ayant rendu indispensable le renforcement des mesures de sureté et de sécurité, compte tenu notamment du public qui devait être accueilli lors du déroulement de la COP 21.

48. Dans ces conditions, le grief n’apparait pas constitué.

En ce qui concerne les prestations d’assistance et de conseil au secrétariat général de la COP 21 réalisées par la société N...

49. Le secrétariat général de la COP 21 a confié à la société N... l’exécution de prestations d’assistance et de conseil pour la recherche, la mise en œuvre et le suivi de mécénats sur le fondement d’un seul devis d’un montant de 12 000 € HT. Les prestations ont été exécutées du 1 er octobre au 31 décembre 2014. Le secrétariat général a ensuite attribué à la société N..., un second marché pour le même objet, signé le 22 janvier 2015, après une procédure négociée sans publicité préalable, ni mise en concurrence.

50. Il résulte de l’instruction que le coût des prestations rendues par la société N... s’est élevé à 12 000 € HT en 2014 et 48 000 € HT en 2015, soit un total de 60 000 € HT. Ce montant excédait le seuil de 15 000 € HT, porté à 25 000 € HT en 2015, fixé à l’article 28 du code des marchés publics.

51. Dès lors, l’ensemble de ces prestations aurait dû faire l’objet d’une mise en concurrence dans le cadre d’un marché public à procédure adaptée, ainsi que le préconisait la sous-direction de la logistique, de l’interprétation et de la traduction. La seconde commande devait, en tout état de cause, faire l’objet d’une mise en concurrence, dès lors que son montant était à lui seul supérieur à ce seuil.

52. Ces achats irréguliers révèlent également que, contrairement à ce qu’impose l’article 5 du code des marchés publics, le pouvoir adjudicateur n’a pas effectué une évaluation préalable de ses besoins.

53. Le fait pour le pouvoir adjudicateur d’avoir méconnu les seuils de passation des marchés en fractionnant irrégulièrement ses achats, en méconnaissance des dispositions des articles 5, 26, 27 et 28 du code des marchés publics précitées, constitue une infraction aux règles relatives à l’exécution des dépenses au sens de l’article L. 313-4 du code des juridictions financières.

En ce qui concerne les prestations d’assistance en matière de développement durable réalisées par Mme O...

54. Le secrétariat général de la COP 21 a souhaité recourir à un prestataire pour l’assister dans le cadre de la mise en œuvre de mesures en matière de développement durable à l’occasion de l’organisation de la COP 21. La prestation a été effectuée en deux contrats conclus avec Mme O..., créatrice, avec le statut d’auto-entrepreneur, du cabinet P... à l’issue de son stage au sein du secrétariat général de la COP 21, d’un montant de 14 950 € HT en 2015 et de 12 675 € HT en 2016, soit un montant total de 27 625 € HT. Ces contrats ont été passés, de gré à gré, sans publicité, ni mise en concurrence.

55. Il ressort de l’instruction que le secrétariat général de la COP 21 disposait lors de la première commande des éléments lui permettant de constater que le montant du besoin à satisfaire concernant les études en cause, qui ne sont pas objectivement dissociables, était supérieur au seuil de 15 000 € HT fixé par l’article 28 du code des marchés publics, au-delà duquel la procédure de passation devait s’effectuer après une mesure de publicité et de mise en concurrence. La circonstance que, préalablement à la première commande, deux devis aient été sollicités dont un auprès de Mme O..., ne saurait être regardée comme une mise en concurrence suffisante, compte tenu de la nature et de la valeur estimée du besoin.

56. Le fait pour le pouvoir adjudicateur d’avoir méconnu les seuils de passation des marchés en fractionnant irrégulièrement ses achats, en méconnaissance des dispositions des articles 5, 26, 27 et 28 du code des marchés publics, constitue une infraction aux règles relatives à l’exécution des dépenses, au sens de l’article L. 313-4 du code des juridictions financières.

En ce qui concerne les commandes effectuées à la société Q…

57. Il ressort de l’instruction qu’un marché à bons de commande de fourniture de prestations de traiteur, avec un minimum de 400 000 €, a été attribué à la société Q... par la sous-direction de la logistique, de l’interprétation et de la traduction au protocole afin de couvrir les besoins du MAEDI dans le cadre de la tenue de certaines manifestations, telles que conférences et réunions. La fiche « marché » CHORUS a été signée le 9 mars 2015 par le sous-directeur de la logistique, de l’interprétation et de la traduction au protocole.

58. Une clause manuscrite a été insérée ab initio à l’article 5 du cahier des clauses particulières du 27 novembre 2014. Elle stipule que « l’administration se réserve la possibilité de commander en cours d’exécution du marché des prestations non prévues à l’annexe financière dans la limite de 5 % de chaque montant minimum annuel du marché. Les prestations donnent lieu à l’établissement d’un devis préalable de la part du titulaire qui devra être agréé par l’administration avant émission du bon de commande » . Ces stipulations permettaient donc de commander des prestations ne figurant pas dans la liste en annexe à ce cahier, à hauteur de 20 000 € au maximum.

59. De telles prestations ont été commandées pour un montant de 91 235,62 €, soit un dépassement très important du montant maximum autorisé pour des prestations complémentaires.

60. La méconnaissance manifeste des stipulations contractuelles figurant à l’article 5 du cahier des clauses particulières constitue une violation des dispositions de l’article 118 du code des marchés publics précitées et, par suite, une infraction à une règle relative à l’exécution de la dépense.

Sur la perception de recettes tirées de la location d’espaces sur le site de la COP 21

En ce qui concerne le recouvrement des recettes issues de la location d’espaces privatifs à des entreprises

61. Aux termes de l’article 2 du décret du 10 février 2009 susvisé, l’État est autorisé à percevoir des rémunérations au titre de la « location ou mise à disposition, à titre temporaire, de salles, d’espaces ou de terrains, en vue d’événements, de manifestations, de tournages d’œuvres audiovisuelles ou de prises de vue. » Le montant de ces rémunérations est fixé aux termes de l’article 3 du même décret « pour chaque prestation, selon les caractéristiques de la prestation, par arrêté du ministre concerné ou par voie de contrat relatif à une ou plusieurs prestations déterminées » .

62. L’article 11 du décret du 7 novembre 2012 susvisé précise que : « Les ordonnateurs constatent les droits et les obligations, liquident les recettes et émettent les ordres de recouvrer. / [...] / Ils transmettent au comptable public compétent les ordres de recouvrer  [...]  » . Aux termes de l’article 24 de ce décret : « Dans les conditions prévues pour chaque catégorie d’entre elles, les recettes sont liquidées avant d’être recouvrées. La liquidation a pour objet de déterminer le montant de la dette des redevables. Les recettes sont liquidées pour leur montant intégral, sans contraction avec les dépenses. / Toute créance liquidée faisant l’objet d’une déclaration ou d’un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation  [...] » .

63. Lors du déroulement de la COP 21, l’auditorium, des salles de réunion et les studios de télévision au sein du centre de presse ont été donnés en location à des entreprises étrangères et françaises. Les recettes tirées de ces locations se sont élevées à un total de 78 005,88 €.

64. Il résulte de l’instruction qu’aucun arrêté n’a été pris et qu’aucun contrat n’a été conclu pour fixer les caractéristiques et le prix de ces prestations. Ni le secrétariat général de la COP 21, ni le service du protocole n’ont été en mesure de transmettre le barème de prix et l’état des réservations permettant de justifier le montant des recettes associées.

65. Il résulte également de l’instruction qu’aucun titre de perception n’a été émis pour recouvrer les créances résultant de ces mises en location, lesquelles ont fait seulement l’objet d’une attribution de produits au sein du programme 341- Conférence Paris Climat 2015 .

66. Le fait d’avoir liquidé des recettes sans que le recouvrement ne soit fondé sur un acte réglementaire ou conventionnel et celui de ne pas avoir émis de titre de perception pour recouvrer ces recettes, en méconnaissance des dispositions précitées du décret du 7 novembre 2012 et du décret du 10 février 2009, constituent des infractions aux règles relatives à l’exécution des recettes au sens de l’article L. 313-4 du code des juridictions financières.

En ce qui concerne le recouvrement des recettes issues de la location d’espaces privatifs à des délégations étrangères

67. Le premier alinéa de l’article 13 du décret du 7 novembre 2012 précité dispose que : « Les comptables publics sont des agents de droit public ayant, dans les conditions définies par le présent décret, la charge exclusive de manier les fonds et de tenir les comptes des personnes morales mentionnées à l’article 1 er  » . Il résulte de ces dispositions que sauf dans les cas où la loi autorise l’intervention d’un mandataire, les personnes publiques ne peuvent décider par convention de faire exécuter une partie de leurs recettes ou de leurs dépenses par un tiers autre que leur comptable public.

68. Par ailleurs, aux termes du IV de l’article 17 de la loi organique du 1 er  août 2001 susvisée : « Peuvent donner lieu à rétablissement de crédits dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé des finances : / 1° Les recettes provenant de la restitution au Trésor de sommes payées indûment ou à titre provisoire sur crédits budgétaires ; / 2° Les recettes provenant de cessions entre services de l’État ayant donné lieu à paiement sur crédits budgétaires ».

69. Lors de la COP 21, les délégations étrangères ont pu louer et faire aménager des espaces de travail sur le site du Bourget. Le groupement D…-E..., auquel a été confié l’aménagement du site par le marché mentionné au point 18 a été chargé, par le secrétariat général de la COP 21, de la gestion commerciale de ces espaces et de la perception des recettes afférentes.

70. Par un courrier du 5 novembre 2015, le directeur des affaires financières du MAEDI a indiqué au mandataire du groupement D…‑E… avoir demandé aux services compétents de l’État d’émettre un titre de perception à l’encontre du groupement « afin d’obtenir le recouvrement de la somme de 5 354 400,00 € qui correspond à la facturation totale toutes taxes comprises des aménagements de base des espaces des délégations officielles étrangères, réalisés par [le] groupement pour le compte du MAEDI » . Ce titre de perception a été émis le 6 novembre 2015, pour un montant finalement fixé à la suite d’un titre d’annulation ultérieur à 5 178 260 €.

71. Le groupement D…‑E.… a en définitive reversé à l’État 5 209 030,80 € au titre des recettes tirées de la location des espaces aménagés au profit de délégations étrangères. Ces recettes ont été inscrites dans le budget de l’État au programme 341 - Conférence Paris Climat 2015 selon la procédure de rétablissement de crédits.

72. Faute de l’entrée en vigueur, à la date des faits litigieux, de l’article 40 de la loi du 20 décembre 2014 susvisée autorisant l’État à confier par mandat la perception de recettes publiques à un tiers, il n’était pas possible, en premier lieu, de donner à une entreprise prestataire un tel mandat, lequel aurait dû, au surplus, faire l’objet d’une procédure de publicité et de mise en concurrence.

73. Il est constant, en second lieu, que les recettes inscrites dans le budget de l’État au sein du programme 341 ‑ Conférence Paris Climat 2015  selon la procédure de rétablissement de crédits ne proviennent pas de la restitution au Trésor de sommes payées indûment ou à titre provisoire sur crédits budgétaires. Elles ne peuvent non plus être qualifiées de recettes provenant de cessions entre services de l’État ayant donné lieu à paiement sur crédits budgétaires. L’utilisation irrégulière de cette procédure a d’ailleurs été reconnue par la direction du budget dans sa réponse au rapport d’observations provisoires de la Cour des comptes.

74. Le fait d’avoir confié au groupement D…‑E… la facturation de la location des espaces et l’encaissement des sommes dues par les délégations étrangères, en méconnaissance des dispositions de l’article 13 du décret du 7 novembre 2012 citées au point 67, ainsi que le fait d’avoir inscrit des recettes au programme 341, en méconnaissance de la loi organique du 1 er  août 2001 précitée, constituent une infraction aux règles relatives à l’exécution des recettes au sens de l’article L. 313-4 du code des juridictions financières.

Sur l’imputabilité des infractions

En ce qui concerne l’organisation administrative de la COP 21

75. La préparation et l’organisation de la COP 21 ont été, d’une part, confiées, par le ministère des affaires étrangères au secrétaire général de la COP 21. Ce dernier, aux termes du décret du 29 janvier 2015 cité au point 2, établit le cahier des charges et demande aux services du ministère d’en assurer la mise en œuvre. Il est associé à la programmation des crédits octroyés. Il en coordonne la gestion et en rapporte l’exécution. La responsabilité du programme budgétaire spécifique créé (programme 341), a été, d’autre part, confiée au chef du protocole qui en a assuré, en sa qualité d’ordonnateur, le pilotage. Il est également pouvoir adjudicateur. Au sein de la direction du protocole, la sous-direction de la logistique, de l’interprétation et de la traduction (PRO/LIT) est chargée de la gestion budgétaire et de l’organisation logistique des conférences internationales. Elle élabore les marchés publics nécessaires à son activité. Enfin, le ministère des affaires étrangères dispose d’une mission des achats qui relève de la direction générale de l’administration et de la modernisation.

En ce qui concerne l’application de l’article L. 313-9 du code des juridictions financières

76. L’article L. 313-9 du code des juridictions financières dispose que « Les personnes visées à l’article L. 312-1 ne sont passibles d’aucune sanction si elles peuvent exciper d’un ordre écrit de leur supérieur hiérarchique ou de la personne légalement habilitée à donner un tel ordre, dont la responsabilité se substituera dans ce cas à la leur, ou donné personnellement par le ministre compétent, dès lors que ces autorités ont été dûment informées sur l’affaire » .

77. La défense se prévaut de ces dispositions en faisant valoir que les faits incriminés relatifs notamment à la révision du prix du marché passé avec le groupement D...‑E..., à la construction de la salle plénière et au marché de maîtrise d’œuvre confié à l’entreprise F... étaient connues du ministre et avaient fait l’objet de décisions d’autorisations soit expresses, soit résultant des échanges entre les parties. Elle produit, à l’appui de ce moyen, quatre documents signés ou annotés par le ministre des affaires étrangères et du développement international.

78. La circonstance qu’en diverses occasions et notamment dans les quatre documents produits, le ministre a exprimé sa volonté ferme que soit respectée l’enveloppe budgétaire du programme ainsi que les délais prescrits ne peut cependant être analysée comme un ordre écrit au sens des dispositions de l’article L. 313-9 du code des juridictions financières, d’avoir à ignorer, pour atteindre ces objectifs, les principes de la commande publique et les dispositions réglementaires qui les traduisent. Ce moyen ne peut, dès lors, qu’être écarté.

En ce qui concerne la répartition des responsabilités

79. L’ensemble des irrégularités relevées aux points précédents, relatives aux différents marchés passés dans le cadre de la préparation et de l’organisation de la COP 21 et à la location d’espaces, sont d’abord imputables à M. X... qui, en tant que secrétaire général, était chargé de la préparation et de l’organisation de la COP 21, et qui, plus spécifiquement, a validé la réduction de 20 % sur les bordereaux de prix unitaires du marché initial conclu avec le groupement D...‑E... et décidé de lui confier la réalisation de la salle plénière. Il est également personnellement intervenu en faveur de l’acceptation de l’agence d’architecture F... comme sous-traitante du cabinet L..., dans l’attribution des prestations d’assistance et de conseil à l’entreprise N... ainsi que dans l’attribution des prestations d’assistance en matière de développement durable à une ancienne stagiaire du secrétariat général de la COP 21.

80. Ces irrégularités sont également imputables à M. Y…, qui, comme ordonnateur responsable du programme 341 –  Conférence Paris Climat 2015 , était responsable des dépenses afférentes aux prestations attribuées en méconnaissance du droit des marchés publics, et qui, comme chef du protocole disposant de l’autorité hiérarchique sur la sous‑direction de la logistique, de l’interprétation et de la traduction au protocole, avait un devoir général de surveillance sur cette sous-direction. M. Y… a, en outre, proposé la réduction des bordereaux de prix unitaires du marché initial conclu avec le groupement D…‑E… avant de la valider. Il a été à l’origine des prestations confiées au cabinet F… en tant que sous-traitant et a formellement attribué les prestations d’assistance en matière de développement durable à Mme O….

81. Enfin, ces irrégularités sont également imputables à M. Z..., qui avait l’autorité hiérarchique sur l’agent qui a signé le bon de commande de la réalisation de la salle plénière, qui a signé la déclaration de sous-traitance avec l’agence d’architecture F... ainsi que l’acte d’engagement du 22 janvier 2015 confiant à la société N... un marché de prestations d’assistance et de conseil. En outre, M. Z..., en tant que représentant du pouvoir adjudicateur, est également responsable des commandes passées à la société Q.... Enfin, il est directement intervenu dans l’attribution irrégulière au groupement D...‑E... du mandat de recouvrer les recettes liées à la location d’espaces aux délégations étrangères.

Sur les circonstances

82. Il sera reconnu comme circonstances aggravantes globales pour MM. X..., Y... et Z... le fait que les intéressés ont été conscients de la plupart des irrégularités commises ou qu’ils ont vu leur attention appelée sur ces risques.

83. Il sera reconnu, en revanche, comme circonstances atténuantes globales pour les intéressés le fait que la COP 21 était un évènement à bien des égards exceptionnel, dont l’organisation faisait peser sur les acteurs en charge de sa préparation une obligation de résultats très lourde alors même que l’organisation générale mise en place retenue par le ministère était complexe et n’apparaît pas avoir pleinement répondu aux exigences d’une administration efficace. Il résulte de l’instruction que les personnes renvoyées ont dû, en outre, travailler dans un contexte de forte pression politique. Il ressort en particulier de l’instruction que le ministre des affaires étrangères est personnellement intervenu à plusieurs reprises dans les choix opérés en matière d’organisation de la conférence. Il convient enfin de tenir compte de ce que cette conférence internationale, considérée comme une réussite diplomatique, s’est déroulée dans des conditions financières maîtrisées.

84. Il sera reconnu comme circonstance atténuante particulière pour M. X..., le fait qu’il s’est opposé au recours au marché D...‑E... existant pour répondre aux besoins particuliers de la COP 21.

85. Il sera reconnu comme circonstance atténuante particulière pour M. Y... le fait qu’il a dû cumuler, contre son gré, les fonctions de chef du protocole et de responsable du programme 341, cumul dont il avait souligné par avance les difficultés en l’absence de moyens supplémentaires octroyés.

86. Il sera reconnu comme circonstance atténuante particulière pour M. Z... le fait qu’il a, à plusieurs reprises, alerté par écrit des irrégularités commises.

87. En revanche, la situation d’urgence dans laquelle les intéressés indiquent s’être trouvés pour préparer et organiser la COP 21, ne saurait être considérée comme une circonstance atténuante. La France ayant été désignée pour organiser la COP 21 en novembre 2013, et la préparation de cet événement ayant débuté avant même cette désignation, le secrétariat général de la COP 21 et les services du protocole disposaient d’un temps suffisant pour préparer l’organisation de la conférence de Paris sur le climat dans le respect du droit des marchés publics. C’est en réalité la déficience de l’organisation retenue pour l’organisation de la COP 21 et le manque d’anticipation, de coordination et de réactivité des différents services qui ont placé l’acheteur dans une situation d’urgence dont il ne peut se prévaloir.

Sur l’amende

88. Il sera fait une juste appréciation des irrégularités commises et des circonstances de l’espèce en infligeant à M. X… une amende de mille euros, à M. Y… une amende de mille euros et à M. Z… une amende de cinq-cents euros.

Sur la publication de l’arrêt

89. Il y a lieu, compte tenu des circonstances de l’espèce, en application de l’article L. 313‑15 du code des juridictions financières, de publier le présent arrêt sous forme anonymisée au Journal officiel de la République française, selon les modalités prévues par l’article L. 221‑14 du code des relations entre le public et l’administration, et sous la même forme anonymisée sur le site internet de la Cour.

ARRÊTE :

Article 1 er : M. X... est condamné à une amende de 1 000 € (mille euros).

Article 2 : M. Y... est condamné à une amende de 1 000 € (mille euros).

Article 3 : M. Z... est condamné à une amende de 500 € (cinq-cents euros).

Article 4  : Le présent arrêt sera publié, sous forme anonymisée, au Journal officiel de la République française et sur le site internet de la Cour.

Copie en sera adressée au ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, seconde section, le 18 mars deux-mille-vingt-deux par Mme Bergeal, présidente de la section des finances du Conseil d’État, présidente ; M. Yeznikian, conseiller d’État ; Mmes Vergnet et Coudurier, conseillères maîtres à la Cour des comptes.

Notifié le 6 mai 2022.

En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par la présidente de la Cour et la greffière.

La présidente,                                                                                  La greffière,

Catherine BERGEAL                                                                     Isabelle REYT

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