COUR DES COMPTES - Septième Chambre - Arrêt d'appel - 06/12/2022

COUR DES COMPTES - Septième Chambre - Arrêt d'appel - 06/12/2022

Commune de Tourrettes-sur-Loup (Alpes-Maritimes) - Exercice 2018 - Appel d'un jugement de la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d'Azur - n° S-2022-1974

La Cour,

Vu la requête du 20 février 2022, enregistrée le 24 février suivant au greffe de la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur, par laquelle par Mme X, agent comptable de la commune de Tourrettes-sur-Loup (Alpes-Maritimes), a élevé appel du jugement n° 2021-0013 du 23 décembre 2021, par lequel la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur l’a constituée débitrice de la somme de 21 928,09 € au titre de l’exercice 2018 ;

Vu les pièces de la procédure suivie en première instance et, notamment, le réquisitoire du procureur financier près la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur n° 2021-0024 du 28 juin 2021 ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, notamment ses articles 61 à 63 ;

Vu le décret n° 2008-580 du 18 juin 2008 relatif au régime de la mise à disposition applicable aux collectivités territoriales et aux établissements publics administratifs locaux ;

Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

Vu le rapport de M. Patrick SITBON, conseiller maître, magistrat chargé de l’instruction ;

Vu les conclusions du Procureur général n° 506 du 13 octobre 2022 ;

Entendu, lors de l’audience publique du 8 novembre 2022, M. SITBON, en son rapport, M. Nicolas GROPER, avocat général, en les conclusions du ministère public, les autres parties, informées de l’audience, n’étant ni présentes ni représentées ;

Entendu en délibéré M. Denis BERTHOMIER, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;

1. Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur a constitué Mme X, agent comptable de la commune de Tourrettes-sur-Loup, débitrice d’une somme de 21 928,09 € au titre d’un paiement effectué sur sa gestion 2018, par lequel le centre communal d’action sociale (CCAS) remboursait à la commune de Tourrettes-sur-Loup les rémunérations d’un agent communal mis à disposition du CCAS ; que le manquement retenu tient au fait que le paiement a été effectué sans que le comptable dispose des pièces justificatives requises par l’article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, en son annexe I, soit une convention de mise à disposition et une délibération en autorisant la conclusion ; que selon le jugement entrepris il est résulté de ce manquement un préjudice financier pour la collectivité ;

Sur la régularité de la procédure suivie devant la chambre régionale des comptes

2. Attendu que, selon la requérante, la décision des premiers juges omet de discuter certains arguments formulés par les parties, lesquels tendent à établir l’absence de préjudice financier ; que, par suite, le jugement contesté n’aurait pas respecté les prescriptions du deuxième alinéa de l’article R. 242-13 du code des juridictions financières selon lequel «  Le jugement, motivé, statue sur chacun des griefs du réquisitoire et sur les observations des parties auxquelles il a été notifié » ;

3. Attendu à cet égard qu’ont été produits en première instance les bulletins de paye de l’agent de la commune mis à disposition du CCAS au cours de l’exercice 2018 ; que les budgets du CCAS pour les exercices 2018 et 2021 ont été transmis à la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur ; que par ailleurs le maire de la commune de Tourrettes-sur-Loup a transmis à la chambre régionale des comptes Provence-Alpes- Côte d’Azur le 19 juillet 2021 une lettre par laquelle il expose, d’une part, que deux délibérations ont été prises en janvier et en mars 2021 fixant le principe et le cadre de la mise à disposition d’un agent auprès du CCAS, et d’autre part que, précédemment à ces délibérations, la mise à disposition de facto de cet agent n’a pas causé de préjudice financier à la collectivité ;

4. Attendu que le jugement entrepris ne discute pas les éléments précités, même succinctement ; qu’il méconnaît ainsi les dispositions du code des juridictions financières rappelées au point 0 ci-dessus ; que ces éléments concernent la question du préjudice financier et non l’existence d’un manquement ; qu’il y a donc lieu d’annuler le jugement en ce qu’il a décidé que le manquement commis par X a causé un préjudice financier à la commune de Tourrettes-sur-Loup ;

5. Attendu que ce point est en état d’être jugé ; qu’il y a lieu de l’évoquer afin de statuer au fond ;

Sur le fond

6. Attendu que pour déterminer si le paiement irrégulier d’une dépense par un comptable public a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné, il appartient au juge des comptes de vérifier si la correcte exécution, par le comptable, des contrôles lui incombant aurait permis d’éviter que soit payée une dépense qui n’était pas effectivement due ; que les manquements du comptable à ses obligations de contrôle des pièces justificatives requises ou de la certification du service fait, doivent être regardés comme n’ayant, en principe, pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné lorsqu’il ressort des pièces du dossier, y compris d’éléments postérieurs aux manquements en cause, que la dépense repose sur les fondements juridiques dont il appartenait au comptable de vérifier l’existence, que l’ordonnateur a voulu l’exposer, et, le cas échéant, que le service a été fait ;

7. Attendu en premier lieu que, comme le soutient l’appelante, il résulte des dispositions des articles 61 à 63 de la loi du 26 janvier 1984 et du II de l’article 2 du décret du 18 juin 2008 susvisés, que l’organisme d’accueil est tenu de rembourser à la collectivité territoriale d’origine la rémunération du fonctionnaire qu’elle a mis à disposition, ainsi que les cotisations et contributions y afférentes et les charges liées ; qu’ainsi, le paiement litigieux disposait d’un fondement légal et réglementaire ;

8. Attendu en deuxième lieu que le maire de la commune a précisé, par une lettre du 19 juillet 2021 versée au dossier, qu’il avait connaissance de la mise à disposition de l’agent communal auprès du CCAS, dans les conditions mises en œuvre au moment des faits ; qu’ainsi il est établi que l’ordonnateur a voulu exposer la dépense ;

9. Attendu, en troisième et dernier lieu, que Mme X a produit les bulletins de paie pour 2018 de l’agent mise à disposition auprès du CCAS ; qu’ainsi le service fait n’est pas en cause ;

10. Attendu qu’il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres éléments avancés à décharge, qu’il y a lieu de dire que le manquement de la comptable n’a pas causé de préjudice financier à la commune ;

11. Attendu qu’aux termes des dispositions du deuxième alinéa du VI de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, «  Lorsque le manquement du comptable […] n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce  » ; que le décret du 10 décembre 2012 susvisé fixe le montant maximal de cette somme à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable ;

12. Attendu que le montant du cautionnement prévu pour le poste comptable pour l’exercice 2018 s’établissait à 155 000 € ; qu’ainsi le montant maximum de la somme susceptible d’être mise à la charge de Mme X pour l’exercice 2018 s’élève à 232,50 € ; qu’aucune circonstance particulière n’étant susceptible d’être retenue, il sera fait une juste appréciation de l’espèce en fixant la somme dont devra s’acquitter Mme X à 232 € ;

Par ces motifs,

DECIDE :

Article 1 er . – Le jugement n° 2021-0013 du 23 décembre 2021 de la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur est annulé en ce qu’il a constitué Mme X débitrice de la commune de Tourrettes-sur-Loup pour une somme de 21 928,09 € augmentée des intérêts de droit.

Article 2. – L’affaire est évoquée devant la Cour des comptes.

Article 3. – Mme X devra s’acquitter, au titre de l’exercice 2018, d’une somme de 232 €, en application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ; cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du IX de l’article 60 précité ;

Article 4. – La décharge de Mme X au titre de l’exercice 2018 ne pourra être accordée qu’après apurement de la somme à acquitter, fixée ci-dessus.

Fait et jugé par M. Philippe GEOFFROY, président de section, président de la formation ; M. Denis BERTHOMIER, conseiller maître, Mme Catherine PAILOT-BONNÉTAT, conseillère maître, MM. Guy DUGUÉPÉROUX et Claude LION, conseillers maîtres.

En présence de Mme Carole H’SOILI, greffière de séance.

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous commissaires de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par

Carole H’SOILI

Philippe GEOFFROY

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.

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