COUR DES COMPTES - Septième Chambre - Arrêt - 07/12/2022

COUR DES COMPTES - Septième Chambre - Arrêt - 07/12/2022

Direction des impôts des non-résidents (DINR) - Exercices 2016 à 2020 - n° S-2022-2045

La Cour,

Vu le réquisitoire n° 2022-31 en date du 19 juillet 2022, par lequel la Procureure générale près la Cour des comptes a saisi la Cour de charges soulevées à l’encontre de M. X et Mme Y, comptables de la direction des impôts des non-résidents (DINR), au titre des exercices 2016 à 2020, notifié le 22 juillet 2022 à Mme Y, directrice des impôts des non-résidents alors en fonctions, le 25 juillet 2022 au directeur général des finances publiques et le 18 août 2022 à M. X ;

Vu les comptes rendus en qualité de comptables de la direction des impôts des non-résidents par M. X du 1 er janvier 2016 au 20 février 2017, et Mme Y du 21 février 2017 au 31 décembre 2020 ;

Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu l’ordonnance n° 2020-326 du 25 mars 2020 modifiée relative à la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics ;

Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifiée dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificatives pour 2011 ;

Vu le rapport n° R-2022-0934-1 de M. Daniel-Georges COURTOIS, conseiller maître, magistrat chargé de l’instruction ;

Vu les conclusions n° 594 du Procureur général du 21 novembre 2022 ;

Vu la note produite par Mme Y, le 21 novembre 2022 ;

Vu les pièces du dossier ;

Entendu lors de l’audience publique du 23 novembre 2022, M. COURTOIS, conseiller maître, en son rapport, Mme Alice BOSSIÈRE, avocate générale, en les conclusions du ministère public, M. X et Mme Y, comptables présents, ayant eu la parole en dernier ;

Entendu en délibéré M. Philippe GEOFFROY, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;

Sur le droit applicable

1. Attendu qu’aux termes du I de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, «  les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes [...]  » ; que la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics «  se trouve engagée dès lors [...] qu’une recette n’a pas été recouvrée  [...] » ; que la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics en matière de recouvrement des recettes s’apprécie au regard de leurs diligences, lesquelles doivent être adéquates, complètes et rapides ;

2. Attendu qu’aux termes du VI du même article, «  la responsabilité personnelle et pécuniaire prévue au I est mise en jeu par le ministre dont relève le comptable, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes dans les conditions qui suivent. Les ministres concernés peuvent déléguer cette compétence. / Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en Conseil d’État en fonction du niveau des garanties mentionnées au II. / Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné ou que, par le fait du comptable public, l’organisme public a dû procéder à l’indemnisation d’un autre organisme public ou d’un tiers ou a dû rétribuer un commis d’office pour produire les comptes, le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;

3. Attendu qu’aux termes de l’article 18 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, «  Dans le poste comptable qu’il dirige, le comptable public est seul chargé : [...] 5° Du recouvrement des ordres de recouvrer et des créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou tout autre titre exécutoire ; 6° De l’encaissement des droits au comptant et des recettes liées à l’exécution des ordres de recouvrer [...]  » ;

4. Attendu qu’aux termes de l’article 426 de l’annexe III du code général des impôts «  les comptables secondaires de la direction générale des finances publiques peuvent proposer l’admission en non-valeur des créances de nature fiscale qu’ils estiment irrécouvrables  » ;

5. Attendu qu’aux termes de l’article 429 de l’annexe III du même code, «  les comptables secondaires de la direction générale des finances publiques doivent justifier, auprès du comptable principal dont ils relèvent, du recouvrement des impôts, droits, taxes, pénalités, intérêts de retard et frais de poursuite y afférents  », au 31 décembre de la quatrième année suivant celle de leur mise en recouvrement, pour les créances fiscales dont ils ont pris en charge les rôles ;

Sur la charge n° 1, soulevée à l’encontre de M. X et de Mme Y, au titre des exercices 2016 à 2020 :

6. Attendu que par le réquisitoire susvisé la Procureure générale a saisi la Cour des comptes de la responsabilité encourue par M. X et Mme Y à raison de l’absence de mise en jeu de la responsabilité du comptable secondaire, les diligences de ce dernier en vue du recouvrement de créances pour un montant global de 138 773,16 € ayant été insuffisantes ; que cette responsabilité se trouverait engagée au titre des exercices 2016 à 2020 à déterminer par l’instruction ;

Sur les faits

7. Attendu que M. G. restait redevable de trois créances, dues au titre de l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux, mises en recouvrement en 2009 et 2010 ;

8. Attendu que M. G. serait marié et domicilié au Royaume-Uni ; qu’une assistance internationale au recouvrement (AIR) a été mise en place pour le recouvrement des créances émises à son encontre ; qu’une tentative de saisie de parts sociales que le redevable détenait dans une société civile immobilière (SCI) a été notifiée à l’épouse du redevable le 14 octobre 2011 par les autorités britanniques ; que des actes en recouvrement auraient été exercés entre 2010 et 2020 ; qu’en l’absence de la preuve de la notification de ces actes au redevable ils ne peuvent être considérés comme interruptifs de prescription ;

9. Attendu que le 6 septembre 2011 les autorités britanniques ont informé l’AIR de la mise en faillite personnelle de M. G. le 21 décembre 2009 et que les dettes françaises d’impôt et de cotisations sociales n’étaient pas inscrites dans la liste des créanciers ; qu’en réponse, le service des impôts des particuliers des non-résidents (SIPNR) a demandé aux services de l’AIR de solliciter les autorités britanniques afin de déclarer les dettes du redevable ; qu’aucun suivi de ces actions n’a été assuré ;

10. Attendu qu’une première demande d’admission en non-valeur formulée par le SIPNR a été rejetée le 27 août 2014 par le comptable principal ; qu’une nouvelle demande d’admission en non-valeur, formulée le 21 juillet 2021, a été rejetée le 8 octobre 2021 ;

11. Attendu que trois sommes pour un montant total de 1 387,84 € ont été imputées au crédit des créances du redevable entre 2015 et 2018 sans autre précision sur la date ou l’origine des crédits ;

Sur les éléments apportés à décharge par Mme  Y

12. Attendu que la comptable fait valoir qu’elle a respecté les modes opératoires arrêtés par l’administration centrale de la direction générale des finances publiques (DGFiP) quant à l’examen des restes à recouvrer et insiste sur la multiplicité des cotes à contrôler (20 500 comptes de 2015 à 2018) ; qu’elle n’a pas été en mesure d’émettre un titre de versement à l’encontre du comptable secondaire ; que les actes effectués en vue du recouvrement ayant été considérés à tort comme interruptifs de prescription, les créances considérées n’apparaissaient pas dans les états « RAREFU » qui présentent les créances susceptibles d’être atteintes par la prescription ; que, la prescription ayant été découverte en 2021 lors de l’instruction de la demande d’admission en non-valeur, l’apurement comptable n’aurait pu avoir lieu qu’en 2022 lors de l’examen des états « RAREFU » ; qu’en tout état de cause, si la Cour entendait mettre en jeu sa responsabilité en 2021 elle excèderait le champ du contrôle qui s’arrête en 2020 ;

13. Attendu que la comptable fait également valoir que la prescription extinctive fait obstacle à la mise en cause de sa responsabilité en application du IV de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée et de la jurisprudence de la Cour dans son arrêt « communauté d’agglomération rouennaise » du 9 juillet 2014 ; que, considérant le manquement concerné, le fait générateur de la mise en cause de sa responsabilité serait la prescription de la créance intervenue le 6 octobre 2015 et qu’en conséquence le premier acte de mise en cause de sa responsabilité ne pouvait intervenir après le 31 décembre 2021, l’année 2021 constituant la cinquième année suivant celle (2016) au titre de laquelle les comptes de 2015 ont été produits ; que le réquisitoire lui ayant été notifié à la date du 22 juillet 2022, il lui a été adressé tardivement au sens des dispositions précitées, la prescription extinctive de la créance étant acquise ;

14. Attendu que la comptable précise que l’absence de mise en jeu du comptable secondaire ne paraît pas avoir causé de préjudice financier pour le Trésor, l’irrécouvrabilité des créances étant avérée tant en France qu’au Royaume-Uni, avant même leur prescription puisque les redevables ne déposaient plus de déclarations de revenus depuis 2013, n’étaient plus titulaires de comptes bancaires, ni de contrat d’assurance-vie, ni propriétaires de biens immobiliers ; que le redevable a cédé en 2006 et 2007 la majorité des parts détenues dans des sociétés françaises, les autres parts étant détenues dans des sociétés cessées ;

15. Attendu que la comptable mentionne que le redevable a fait l’objet d’une ordonnance de faillite au Royaume-Uni le 21 décembre 2009 ce dont le SIPNR avait été informé par les autorités britanniques ; que le 2 janvier 2012 le SIPNR avait demandé que sa propre créance soit déclarée à la procédure sans jamais savoir si la créance avait été admise à titre définitif au passif de la procédure ; que la demande de l’AIR avait été clôturée en 2016 par les autorités britanniques pour irrécouvrabilité ; qu’un seul versement d’un montant de 1 387,84 € avait été obtenu en février 2016 ;

Sur les éléments apportés à décharge par M. X

16. Attendu que le comptable insiste sur la situation très dégradée en matière de restes à recouvrer (plus de 20 000 comptes) que connaissait le SIPNR et souligne la complexité de l’action en recouvrement à l’égard des contribuables domiciliés à l’étranger ;

17. Attendu que le comptable appuie l’argument de Mme Y concernant le respect des procédures de contrôle des restes à recouvrer instaurées par la DGFiP, précisant que les créances en cause ne pouvaient pas figurer dans les états « RAREFU » examinés puisque les actes de procédure effectués étaient considérés comme interruptifs de prescription par le SIPNR ; qu’il mentionne qu’il ne peut lui être reproché d’avoir tardé pour tirer les conséquences d’une situation qui ne s’est révélée qu’en 2021 alors même que les modes opératoires en vigueur à la DGFiP ont été pleinement respectés ;

18. Attendu que le comptable reprend l’argumentation de Mme Y sur la prescription extinctive ;

Sur l’abstention des comptables principaux

19. Attendu qu’en application du VI de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée dont les dispositions sont rappelées au point 2 ci-dessus, la mise en jeu de la responsabilité d’un comptable secondaire par la voie administrative est réservée aux cas dans lesquels le manquement de ce comptable a causé un préjudice financier ;

20. Attendu à cet égard que la demande d’aide internationale au recouvrement a été clôturée en 2016 par les autorités britanniques ; que les redevables ne déposaient plus en France de déclarations de revenus depuis 2013, qu’ils n’étaient plus titulaires de comptes bancaires et qu’ils ne détenaient ni biens immobiliers ni contrats d’assurance-vie ; qu’il en résulte qu’au moment des faits, les redevables étaient impécunieux et que les créances en cause étaient irrécouvrables ; que dès lors, à supposer que le comptable secondaire ait manqué à ses obligations de diligences, ce manquement n’aurait en toute hypothèse pas causé de préjudice financier à l’État ;

21. Attendu qu’il résulte de ce qui précède qu’en tout état de cause, en s’abstenant d’engager la responsabilité du comptable secondaire, les comptables principaux successifs n’ont pas engagé leur responsabilité propre ; qu’il n’y a pas lieu à charge à l’encontre de M. X et de Mme Y ;

Sur la charge n° 2, soulevée à l’encontre de Mme Y, au titre de l’exercice 2020 :

22. Attendu que par le réquisitoire susvisé la Procureure générale a saisi la Cour des comptes de la responsabilité encourue par Mme Y à raison de l’insuffisance des diligences en vue du recouvrement d’une créance et de son admission en non-valeur en l’absence de preuve de l’irrécouvrabilité de cette créance non prescrite, pour un montant global de 279 709 € au titre de l’exercice 2020 ;

Sur les faits

23. Attendu que la société N. restait redevable au SIPNR à la date du 31 décembre 2020 d’une créance mise en recouvrement le 15 avril 2016, d’un montant de 184 286 €, et due au titre d’une retenue à la source de l’impôt sur le revenu ;

24. Attendu que, à la suite de différents actes infructueux effectués en vue du recouvrement de cette créance, une admission en non-valeur (ANV) a été demandée par le comptable du SIPNR le 14 mai 2020 ; que si cette demande a été rejetée au motif que les poursuites étaient insuffisantes, l’admission en non-valeur a toutefois été prise en compte par erreur ; que le comptable principal, afin d’éviter une nouvelle prise en charge dans Médoc , a précisé au SIPNR que l’acceptation de cette ANV était maintenue sous réserve de la transmission d’un certain nombre d’informations, ce qui a été fait par le SIPNR ;

25. Attendu que le 2 juin 2020, le service des impôts des entreprises de Paris 5 ème a confirmé qu’une demande d’assignation en procédure collective de la société était en cours d’instruction ; que le 21 octobre 2020 une procédure de liquidation judiciaire était ouverte à l’encontre de la société, publiée le 6 novembre 2020 ; que la créance à l’encontre de la société N n’a pas été déclarée dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement en méconnaissance des articles L. 622-24 et R. 622-24 du code de commerce ;

Sur les éléments apportés à décharge par Mme Y

26. Attendu que la comptable fait valoir que l’erreur de prise en compte de l’ANV n’a pas eu d’influence sur la rigueur avec laquelle la demande d’admission en non-valeur a été traitée, la créance étant bien irrécouvrable ; que le rejet initial de la demande était motivé par le fait que le dossier était incomplet sur trois points ; que les éléments demandés ont pu être rapidement transmis par le comptable secondaire, ce qui a permis de justifier l’ANV ;

27. Attendu que la comptable précise qu’à la date de présentation en non-valeur la société N. ne disposait plus de compte bancaire, ni de contrat d’assurance-vie ; que les déclarations fiscales déposées par la société démontraient une absence d’activité commerciale depuis plusieurs années ; que la société ne disposait plus de local à l’adresse de son siège social mais uniquement d’une boîte aux lettres ;

28. Attendu que la société détenait des parts sociales dans une SCI qui ne réalisait plus de chiffre d’affaires ; que la vente de ces parts aurait engendré des coûts de procédure supplémentaires à la charge de l’administration, sans aucune certitude de trouver un acquéreur compte tenu de l’absence de valeur de la SCI ;

29. Attendu que l’hypothèque inscrite le 20 août 2019 sur les terrains à bâtir détenus par la société N. ne venait pas en rang utile ; que la vente de ces biens n’était pas opportune puisqu’elle ne présentait pas d’intérêt financier suffisant pour le SIPNR ;

30. Attendu que la comptable fait valoir que l’absence d’inscription dans la procédure de liquidation judiciaire est également conforme aux instructions de la DGFiP ; qu’en l’espèce l’ouverture de la procédure collective fait suite à la situation de cessation des paiements constatée par d’autres créanciers et fixée au 21 avril 2019 par le tribunal de commerce ; que la direction a donc fait correctement application du principe selon lequel l’ANV doit être prononcée au plus près du constat de l’irrécouvrabilité ; qu’en application des consignes de la DGFiP les créances admises en non-valeur ne font l’objet d’aucun suivi par le comptable ;

31. Attendu que la comptable fait valoir que l’irrécouvrabilité de la créance a été confirmée par un message électronique du liquidateur en date du 2 septembre 2022 mentionnant qu’aucun actif n’a été réalisé dans le cadre de la liquidation judiciaire ; qu’en conséquence l’absence d’inscription dans la procédure collective n’a pas créé de préjudice pour le Trésor ;

32. Attendu que, dans ses observations susvisées du 21 novembre 2022, développées à l’audience publique, Mme Y invoque à décharge la force majeure, à raison des dispositions de l’article 1 er de l’ordonnance du 25 mars 2020 susvisée ;

Sur l’existence d’un manquement

33. Attendu qu’il ressort des dispositions législatives et réglementaires rappelées ci-dessus que l’admission en non-valeur (ANV) d’une créance fiscale de l’État est l’acte par lequel le comptable principal, ayant constaté, d’une part, l’irrécouvrabilité d’une créance en raison de la disparition du débiteur, de son insolvabilité ou, s’agissant d’une personne physique, de son indigence et, d’autre part, l’adéquation des diligences du comptable secondaire demandeur, procède à l’apurement de ladite créance ;

34. Attendu qu’il appartient au comptable public de s’assurer de la production de toute pièce justificative pertinente, nécessaire à l’exercice des contrôles qui lui incombent en vertu des lois et règlements ; qu’en l’espèce les pièces nécessaires au comptable principal pour le contrôle de la validité de l’ANV sont notamment les documents attestant des diligences accomplies par le comptable secondaire et de l’irrécouvrabilité des créances ;

Sur le défaut de diligences (premier grief)

35. Attendu qu’au moment où la créance a été admise en non-valeur, la société N. n’était plus active et ne disposait pas de revenu ou de patrimoine susceptible d’être appréhendé ; que la créance était ainsi irrécouvrable ; qu’il ne ressort pas du dossier que cette irrécouvrabilité résulte d’un défaut de diligences ; qu’il n’y a donc pas lieu à charge à l’encontre de Mme Y à raison de ce premier grief ;

Sur le défaut de production de justifications à l’appui de la demande d’ANV (second grief)

36. Attendu qu’il n’est pas contesté qu’au moment où la comptable principale a admis la créance en non-valeur, elle n’était pas destinataire des justifications tendant à établir l’irrécouvrabilité de la créance, lesquelles ne lui ont été adressées qu’ aposteriori  ; que, sur la forme, l’admission en non-valeur a ainsi été irrégulièrement prise en charge ;

37. Attendu qu’aux termes du V de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée «  Lorsque le ministre dont relève le comptable public, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes constate l’existence de circonstances constitutives de la force majeure, il ne met pas en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public  » ; qu’aux termes de l’article 1 er de l’ordonnance du 23 novembre 2022 susvisée, «  Pour l’appréciation de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics, la période du 12 mars au 10 août 2020 inclus est constitutive d’une circonstance de la force majeure telle que prévue au V de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée. […] » ;que ces dispositions généralesne délient pas le juge de son devoir d’interpréter chaque situation ;

38. Attendu que la créance a été admise en non-valeur durant la période mentionnée à l’ordonnance précitée ;

39. Attendu que Mme Y a précisé à l’audience qu’à l’époque des faits, le nombre d’agents présents dans le poste comptable n’atteignait pas le quart de l’effectif habituel ; que, faute de matériel approprié, le travail à distance n’avait pas encore été mis en place ; que dès lors les conditions dans lesquelles fonctionnaient le service en charge des admissions en non-valeur et ceux avec lesquels il était en lien se trouvaient très dégradées ;

40. Attendu qu’il y a lieu pour la Cour de prendre acte de ces éléments ; qu’il en ressort que l’irrégularité commise trouve une cause dans la désorganisation des services due à la situation d’urgence sanitaire ; qu’il y a donc lieu de constater l’existence de circonstances de force majeure ; que de la sorte il n’y a pas lieu à charge à l’encontre de Mme Y à raison de ce second grief ;

41. Attendu qu’aux termes de l’article 429 de l’annexe 3 du code général des impôts (CGI) susvisé, «  Les comptables publics secondaires de la direction générale des finances publiques doivent justifier, auprès du comptable principal dont ils relèvent, du recouvrement des impôts, droits, taxes, pénalités, intérêts de retard et frais de poursuite y afférents : 1° Au 31 décembre de la quatrième année suivant celle de leur mise en recouvrement, pour les créances fiscales dont ils ont pris en charge les rôles ; 2° Au 31 décembre de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle ils ont eu connaissance de leur exigibilité, pour les autres créances fiscales régulièrement liquidées. À défaut, la responsabilité des comptables secondaires est engagée et ils sont tenus de verser les montants correspondant aux créances non recouvrées  » ; qu’aux termes de l’article 430 de la même annexe «  La responsabilité des comptables prévue à l’article 429 n’est pas mise en jeu par le comptable principal dont ils relèvent lorsque [...] : 3° Les créances sont devenues irrécouvrables au cours d’exercices pour lesquels la responsabilité du comptable principal ne peut plus être mise en jeu  » ; qu’il y a donc lieu, afin de préserver les intérêts du Trésor, de surseoir à la décharge du comptable principal jusqu’à l’expiration du délai de quatre ans fixé par l’article 429, que dans le cas présent, ce sursis doit peser sur les exercices 2016 à 2020 ;

Par ces motifs,

DÉCIDE  :

En ce qui concerne M. X

Au titre des exercices 2016 à 2017 (charge n° 1)

Article 1 er . – Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité du comptable au titre de la charge n° 1.

En ce qui concerne Mme Y 

Au titre des exercices 2017 à 2020 (charge n° 1)

Article 2. – Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de la comptable au titre de la charge n° 1.

Au titre de l’exercice 2020 (charge n° 2)

Article 3. – Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de la comptable au titre de la charge n° 2.

Sursis à décharge

Article 4. – Il est sursis à la décharge de M. X pour sa gestion au titre des exercices 2016 à 2017, dans l’attente de l’examen des justifications produites par les comptables secondaires qui lui étaient rattachés.

Article 5. – Il est sursis à la décharge de Mme Y pour sa gestion au titre des exercices 2017 à 2020, dans l’attente de l’examen des justifications produites par les comptables secondaires qui lui étaient rattachés.

Fait et jugé par M. Claude LION, président de section, président de la formation ; MM. Philippe GEOFFROY, Yves PERRIN et Patrick BONNAUD, conseillers maîtres.

En présence de Mme Marie-Hélène PARIS-VARIN, greffière de séance.

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous commissaires de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par

Marie-Hélène PARIS-VARIN

Claude LION

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.

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