COUR DES COMPTES - Septième Chambre - Arrêt - 15/12/2022

COUR DES COMPTES - Septième Chambre - Arrêt - 15/12/2022

Chambre régionale d'agriculture (CRA) d'Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine, dite chambre régionale d'agriculture Grand Est (CRAGE) - Exercices 2017 à 2019 - n° S-2022-2078

La Cour,

Vu le réquisitoire n° 2022-14 du 29 mars 2022 par lequel la Procureure générale près la Cour des comptes a saisi la Cour de charges soulevées à l’encontre de Mme X et M. Y, agents comptables successifs de la chambre régionale d’agriculture (CRA) d’Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine, dite CRA Grand Est (CRAGE), au titre des exercices 2017 à 2019, notifié aux intéressés respectivement les 7 et 6 avril 2022 ;

Vu les comptes rendus en qualité de comptables de la CRAGE, par Mme X, du 1 er  janvier 2017 au 1 er  janvier 2019, et M. Y, du 2 janvier au 31 décembre 2019 ;

Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;

Vu le code de commerce, notamment ses articles L. 622-24, L. 622-26 et R. 622-24  ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu les lois et règlements applicables à l’organisme, notamment l’ordonnance n° 2015-1538 du 26 novembre 2015 relative à l’évolution des circonscriptions des chambres d’agriculture et le décret n° 2015-1539 du 26 novembre 2015 portant diverses dispositions pour l’adaptation des chambres d’agriculture à la réforme régionale ;

Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

Vu l’arrêté du 31 janvier 2018 fixant la liste des pièces justificatives des dépenses des organismes soumis au titre III du décret du 7 novembre 2012 susvisé ;

Vu les instructions codificatrices M91, commune à tous les établissements publics nationaux à caractère administratif, et M92 spécifique aux chambres d’agriculture, applicables aux exercices visés par le réquisitoire ;

Vu le rapport n° R-2022-0973-1 à fin d’arrêt de M. Jean-François GUILLOT, conseiller maître, magistrat chargé de l’instruction ;

Vu les conclusions n° 584 du Procureur général du 17 novembre 2022 ;

Vu les pièces du dossier ;

Entendu lors de l’audience publique du 24 novembre 2022, M. GUILLOT, conseiller maître, en son rapport, M. Pierre VAN HERZELE, avocat général, en les conclusions du ministère public ; les autres parties informées de l’audience n’étant ni présentes, ni représentées ;

Entendu en délibéré M. Patrick SITBON, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;

Sur la charge n° 1, soulevée à l’encontre de Mme X au titre des exercices 2017 et 2018

1. Attendu que, par le réquisitoire susvisé, la Procureure générale a saisi la Cour des comptes de la responsabilité encourue, au titre des exercices 2017 et 2018, par Mme X, à raison de l’insuffisance de diligences pour le recouvrement de trois créances émises à l’encontre d’une société par actions simplifiée pour un montant total de 14 851 € ; que la société débitrice a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, convertie en liquidation judiciaire ; que les créances de la chambre n’auraient pas été déclarées dans les délais légaux par son agent comptable et qu’aucune demande en relevé de forclusion n’aurait été sollicitée, ce qui aurait définitivement compromis leur recouvrement ;

Sur les éléments apportés à décharge par la comptable

2. Attendu que la comptable ne conteste pas le défaut de déclaration des créances auprès du mandataire judiciaire ainsi que l’absence de demande d’un relevé de forclusion dans les délais légaux ;

3. Attendu qu’elle indique qu’à l’époque des faits, en plus de son poste à temps plein dans un service de la direction générale des finances publiques, elle était agent comptable, en adjonction de service, de la CRAGE et d’un autre établissement public national ; qu’elle souligne que «  sans que cela puisse être un motif pour [la] défaire de [sa] responsabilité  », elle a «  profité de la création de la nouvelle agence comptable qui devait regrouper la chambre régionale et quelques chambres départementales pour démissionner de [ses] fonctions d’agent comptable de la chambre d’agriculture Grand Est  » ; qu’en outre, «  la distance géographique entre le siège social, la direction administrative et l’agence comptable ne [lui] permettait pas de travailler de façon efficiente notamment dans ces premières années de fonctionnement de la chambre  » ;

4. Attendu qu’elle fait valoir que «  même si cela ne peut justifier l’absence de déclaration de créances auprès du mandataire, si les perspectives de recouvrement n’étaient pas nulles, la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire, peuvent amener à penser que le recouvrement des créances par la chambre d’agriculture Grand Est était bien compromis  » ;

Sur le droit applicable en matière deresponsabilité des comptables publics

5. Attendu qu’aux termes du I de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée,« les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes  »  ; que leur responsabilité «  se trouve engagée dès lors [...] qu’une recette n’a pas été recouvrée  » ; que la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics en matière de recouvrement des recettes s’apprécie au regard de leurs diligences, lesquelles doivent être adéquates, complètes et rapides ;

6. Attendu qu’aux termes du III du même article, la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics «  ne peut être mise en jeu à raison de la gestion de leurs prédécesseurs que pour les opérations prises en charge sans réserve lors de la remise de service ou qui n’auraient pas été contestées par le comptable entrant, dans un délai fixé par l’un des décrets prévus au paragraphe XII ci-après  » ;

7. Attendu qu’aux termes de l’article 17 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, «  Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des actes et contrôles qui leur incombent en application des dispositions des articles 18, 19 et 20, dans les conditions fixées par l’article 60 de la loi du 23 février 1963  » ;

8. Attendu qu’aux termes de l’article 18 du même décret, «  Dans le poste comptable qu’il dirige, le comptable public est seul chargé : [...] 4° De la prise en charge des ordres de recouvrer [...] qui lui sont remis par les ordonnateurs ; 5° Du recouvrement des ordres de recouvrer et des créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou tout autre titre exécutoire ; 6° De l’encaissement des droits au comptant et des recettes liées à l’exécution des ordres de recouvrer  » ;

Sur le droit applicable aux procédures collectives

9. Attendu qu’aux termes de l’article L. 622-24 du code de commerce, « À partir de la publication dujugement,tousles créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d’État [...]. / La déclaration des créances doit être faite alors même qu’elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n’est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d’une évaluation. Les créances du Trésor public et des organismes de prévoyance et de sécurité sociale ainsi que les créances recouvrées par les organismes visés à l’article L. 5427-1 à L. 5427-6 du code du travail qui n’ont pas fait l’objet d’un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré. En tout état de cause, les déclarations du Trésor et de la sécurité sociale sont toujours faites sous réserve des impôts et autres créances non établis à la date de la déclaration. Sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai prévu à l’article L. 624-1 » ; que l’article R. 622-24 du même code fixe ledit délai à deux mois ;

10. Attendu qu’aux termes de l’article L. 622-26 du même code «  À défaut de déclaration dans les délais prévus à l’article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s’ils établissent que leur défaillance n’est pas due à leur fait[…]./ L’action en relevé de forclusion ne peut être exercée que dans le délai de six mois. Ce délai court à compter de la publication du jugement d’ouverture ou, pour les institutions mentionnées à l’article L. 3253-14 du code du travail, de l’expiration du délai pendant lequel les créances résultant du contrat de travail sont garanties par ces institutions. Pour les créanciers titulaires d’une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié, il court à compter de la réception de l’avis qui leur est donné. Par exception, si le créancier justifie avoir été placé dans l’impossibilité de connaître l’obligation du débiteur avant l’expiration du délai de six mois, le délai court à compter de la date à laquelle il est établi qu’il ne pouvait ignorer l’existence de sa créance  » ;

Sur les faits

11. Attendu que les trois créances visées par le réquisitoire, d’un montant total de 14 851 €, correspondent aux ordres de recettes n° OR-2014-BU0000154 du 20 octobre 2014 de 5 019 €, n° OR‑2015‑BU0000278 du 27 décembre 2015 de 5 110 €, et n° OR-2016-BU‑0000572 du 31 décembre 2016 de 4 722 € ; que ces trois ordres de recettes ont été émis en application d’un avenant financier annuel à une convention pour l’encadrement du recyclage agricole des boues, conclu entre la CRA de Lorraine et la société débitrice ;

12. Attendu que, par courriel du 6 novembre 2017 envoyé à la cheffe du pôle financier – ressources humaines de la CRAGE, à la suite d’une relance reçue le même jour pour les 14 851 € dus, la société débitrice a indiqué qu’elle avait été placée en redressement judiciaire le 17 octobre 2017, et a transmis les coordonnées du mandataire judiciaire afin de permettre la déclaration des créances à celui-ci ; que ce courriel a été transféré le 23 novembre 2017 à la comptable ; que, par lettre du 9 novembre 2017, reçue le 15 novembre 2017 au service « comptabilité » selon le tampon figurant sur la lettre, le mandataire judiciaire désigné a informé la CRAGE de l’ouverture de la procédure et a invité la chambre à déclarer ses créances ;

13. Attendu que le jugement du 17 octobre 2017 du tribunal de commerce d’Épinal prononçant l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, et mentionnant le 1 er  janvier 2017 comme date de cessation des paiements, a été publié au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) le 24 octobre 2017 ; que la comptable pouvait donc, jusqu’au 24 décembre 2017, procéder à la déclaration des créances, ce qu’elle n’a pas fait ; qu’elle n’a pas non plus sollicité ultérieurement un relevé de forclusion ; que p ar jugement du 13 février 2018, publié au BODACC le 20 février 2018, le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire ; que l’état des créances admises a été déposé le 14 mai 2018 au greffe du tribunal, selon l’annonce publiée au BODACC le 20 mai 2018 ; qu’à ce jour, la procédure n’a pas encore été clôturée ;

Sur l’existence d’un manquement

14. Attendu que la comptable, qui n’a pas émis de réserve sur les deux premières créances antérieures à sa prise de fonction, ne conteste pas l’absence de déclaration due, selon elle, à une erreur dans le classement des pièces relatives aux créances ; que si elle souligne, d’une part, le fait qu’elle devait assumer, en plus de ses fonctions principales, celles d’agent comptable en adjonction de service de deux établissements et, d’autre part, les difficultés liées à l’éloignement géographique de son poste comptable principal en Alsace et de la direction administrative et financière de la chambre située en Lorraine, ces éléments de contexte ne constituent pas une circonstance de force majeure au sens des dispositions du V de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée et ne sont pas de nature à l’exonérer de sa responsabilité ;

15. Attendu ainsi que Mme X a manqué à ses obligations en matière de recouvrement des recettes ; qu’il y a lieu de mettre en jeu sa responsabilité, au titre de l’exercice 2017, à hauteur du montant total des trois créances, soit 14 851 €, dont le recouvrement a été irrémédiablement compromis par leur non-déclaration au passif de la procédure collective et par le défaut de demande d’un relevé de forclusion ;

Sur l’existence d’un préjudice financier

16. Attendu que le défaut de recouvrement d’une créance cause en principe un préjudice financier à l’organisme concerné ; que toutefois, il n’y a pas de préjudice lorsque la preuve est apportée qu’en toute hypothèse la créance n’aurait pas pu être recouvrée ;

17. Attendu, en l’espèce, que cette preuve n’a pas été apportée ; que la société débitrice n’a été déclarée en cessation de paiements que le 1 er  janvier 2017 ; que les deux premières créances nées avant la prise de fonctions de Mme X, et la troisième datant de 2016, n’étaient pas irrécouvrables avant cette date ; que si la comptable estime que la conversion de la procédure de règlement judiciaire en liquidation judiciaire était de nature à compromettre le recouvrement des créances, aucune pièce au dossier n’atteste que les perspectives de recouvrement auraient été nulles si les créances avaient été déclarées ; que le manquement de la comptable a donc causé un préjudice financier à la CRAGE, au sens des dispositions du troisième alinéa du VI de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée ;

18. Attendu qu’aux termes du même article, «  Lorsque le manquement du comptable a causé un préjudice financier à l’organisme concerné, le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante  » ; qu’ainsi, il y a lieu de constituer Mme X débitrice de la CRAGE pour la somme de 14 581 €, au titre de l’exercice 2017 ;

19. Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée «  Les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics  » ; qu’en l’espèce cette date est le 7 avril 2022, date de réception du réquisitoire par la comptable ;

Sur la charge n° 2, soulevée à l’encontre de M. Y au titre de l’exercice 2019

20. Attendu que, par le réquisitoire susvisé, la Procureure générale a saisi la Cour des comptes de la responsabilité encourue, au titre de l’exercice 2019, par M. Y à raison du défaut de contrôle de la validité de la dette, qui porte notamment sur la production des pièces justificatives, lors du paiement, par mandat n° 1376 du 4 juin 2019, d’une subvention de 20 000 € au profit de la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) de Meurthe-et-Moselle ; que l’attribution de cette subvention aurait été autorisée par une décision du bureau, alors qu’aucune délégation de la session au bureau n’a été produite pour l’habiliter à prendre une telle décision ; qu’au surplus, aucune délibération approuvant la signature du contrat de partenariat, pas plus que les pièces justificatives requises à l’appui d’un contrat de partenariat, n’auraient été produites ;

Sur les éléments apportés à décharge par le comptable et l’ordonnateur en fonctions

21. Attendu que le comptable et l’ordonnateur font valoir que la chambre, réunie en session «  a donné explicitement délégation en matière de subventions au bureau de la CRAGE par deux délibérations n° F1/2016 du 15/12/2015 et n° 2019/F8 [jointes à l’appui] » ;que,«  à la date de prise de décision du Bureau, celui-ci avait bien reçu délégation de la part de la Session en matière de subventions à accorder  » ;

22. Attendu qu’ils font aussi valoir que le contrat conclu entre la FDSEA de Meurthe-et-Moselle et la CRAGE «  a été intitulé à tort "contrat de partenariat" car iln’avait comme vocation qu’à venir appuyer la décision d’attribution de la subvention de 20 000 euros décidée en Bureau. Par ailleurs, la lecture du contrat met clairement en avant non pas un partenariat mais bien une prestation de service demandée par la CRAGE à la FDSEA afin que cette dernière mette en avant la "marque" Chambres d’agriculture du Grand Est lors de son congrès  » ; qu’ils ajoutent qu’il s’agit plus d’un «  contrat de prestation de service qu’un contrat de partenariat puisque la CRAGE, hormis la subvention versée, n’était en rien un partenaire actif au congrès de la FDSEA. Elle n’y a pas participé et sa seule demande était de bénéficier d’un peu de publicité via la promotion faite par la FDSEA à travers les actions contractualisées  » ;

23. Attendu qu’ils en concluent que la volonté de la chambre était effectivement de verser une subvention à l’appui d’un contrat de prestation de service ; qu’ils demandent que les conséquences en soient tirées, s’agissant de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable ;

Sur le droit applicable en matière de responsabilité des comptables

24. Attendu qu’en application de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, «  les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables […] du paiement des dépenses  » ; que la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics «  se trouve engagée dès lors[…]qu’une dépense a été irrégulièrement payée  » ;

25. Attendu qu’aux termes de l’article 17 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, «  Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des actes et contrôles qui leur incombent en application des dispositions des articles 18, 19 et 20, dans les conditions fixées par l’article 60 de la loi du 23 février 1963  » ;

26. Attendu qu’aux termes de l’article 18 du même décret, «  Dans le poste comptable qu’il dirige, le comptable public est seul chargé : [...]4° De la prise en charge des ordres [...]de payer qui lui sont remis par les ordonnateurs ; [...] 7 ° Du paiement des dépenses, soit sur ordre émanant des ordonnateurs, soit au vu des titres présentés par les créanciers, soit de leur propre initiative  » ; qu’aux termes de l’article 19 du même texte, «  Le comptable public est tenu d’exercer le contrôle :[...]2° S’agissant des ordres de payer :[...]d) De la validité de la dette dans les conditions prévues à l’article 20  » ; qu’aux termes de cet article, «  Le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : [...] 2° L’exactitude de la liquidation ; 3° La production des pièces justificatives  », notamment ;

27. Attendu qu’aux termes de l’article 38 du même décret, «  lorsqu’à l’occasion de l’exercice des contrôles prévus au 2° de l’article 19 le comptable public a constaté des irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications de l’ordonnateur, il suspend le paiement et en informe l’ordonnateur  » ;

Sur le droit applicable en matière de production des pièces justificatives

28. Attendu qu’aux termes de l’article 50 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, «  Les opérations de recettes, de dépenses et de trésorerie doivent être justifiées par des pièces prévues dans des nomenclatures établies […] par arrêté du ministre chargé du budget […]. Lorsqu’une opération de dépense n’a pas été prévue par une nomenclature mentionnée ci-dessus, doivent être produites des pièces justificatives permettant au comptable d’opérer les contrôles mentionnés aux articles 19 et 20  » ;

29. Attendu qu’aux termes de l’article « 6.1 Subventions accordées » de l’annexe à l’arrêté du 31 janvier 2018 susvisé, les pièces à produire à l’agent comptable en cas de paiement unique, ou du premier paiement d’un versement échelonné d’une subvention, sont les suivantes : «  1. Le cas échéant, autorisation du conseil d’administration 2. Décision attributive de la subvention et ses annexes financières éventuelles ou convention d’attribution de la subvention et ses annexes financières éventuelles ;3. Le cas échéant,certificat de l’ordonnateur attestant l’état d’exécution du projet subventionné à hauteur des justifications produites ainsi que la production des pièces complémentaires prévues par la décision ou la convention attributive  » ; que le commentaire ajoute que «  la décision ou la convention attribuant la subvention doit préciser l’objet, le bénéficiaire, les conditions d’utilisation, le montant et les modalités de règlement de la subvention ainsi que, le cas échéant, les clauses de reversement de cette dernière  » ;

30. Attendu que selon l’article « 4.3 Contrat de partenariat » de l’annexe à l’arrêté du 31 janvier 2018 précité , doivent être produits à l’agent comptable les pièces suivantes : «  1. Document portant la référence à la délibération ou à la décision d’attribution du contrat de partenariat ; 2. Contrat, s’il y a lieu, et, le cas échéant, cahier des charges ; 3. Le cas échéant, pièces justificatives prévues dans le contrat ; 4. Facture ou mémoire  » ;

Sur le droit applicable aux compétences de la chambre, réunie en session, et aux délégations possibles

31. Attendu qu’aux termes de l’article D511-54-1 du code rural et de la pêche maritime , « La chambre d’agriculture, réunie en session, règle par ses délibérations les affaires de l’établissement. Elle délibère notamment sur : […] 9° La passation des contrats, conventions et marchés d’un montant supérieur à un seuil qu’elle détermine ; […] 11° Les subventions ; […] / Dans les limites qu’elle détermine, la session peut déléguer au bureau les attributions mentionnées aux […] 9°, […] 11° […]  » ;

Sur les délégations données par la chambre réunie en session

32. Attendu que, p ar délibération référencée « 2016-F1 : Pouvoirs au Bureau et au Président » de la chambre, réunie en session le 15 décembre 2015, celle-ci a donné pouvoir au bureau «  d’adopter en ses lieu et place toutes décisions sur : […] les subventions  », sans limite de montant, et au président «  de conclure des contrats, conventions en dépenses et marchés d’un montant inférieur à 300 000 euros hors taxes  » ;

33. Attendu par ailleurs que, par délibération référencée « 2019-F8 : Pouvoirs au Bureau et au Président » de la chambre, réunie en session le 15 mars 2019, celle-ci a donné pouvoir au bureau «  d’adopter en ses lieux et place toutes décisions sur : […] les subventions  », sans limite de montant, et au président «  de conclure des contrats, conventions en dépenses et marchés d’un montant inférieur à 600 000 euros hors taxes  » ;

Sur les faits relatifs à la convention conclue et au paiement effectué

34. Attendu que le compte rendu de la réunion du 20 novembre 2018 du bureau de la CRAGE fait état d’une «  demande de subvention pour le Congrès national de la FNSEA 2019 à Nancy les 26-27-28 mars  » et de la décision du bureau «  d’affecter à ce congrès 20 000 € au nom du réseau des Chambres d’Agriculture du Grand Est  » ;

35. Attendu qu’ une « convention de partenariat », signée le 25 janvier 2019 par les présidents respectifs de la FDSEA de Meurthe-et-Moselle et de la CRAGE, mentionne au préalable que la FDSEA a été sélectionnée pour organiser ledit congrès et que, «  Afin de mettre en avant ses partenaires, [elle] a souhaité établir diverses conventions de partenariat avec eux  » ; qu’aux termes de l’article I, «  La présente convention a pour finalité de définir les conditions et les modalités des obligations de chaque partie et plus généralement du partenariat établi entre elles  » ; que les articles II et III définissent les engagements de la FDSEA au titre respectif du « congrès » et des « animations grand public », qui consistent principalement en l’apposition du logo et de la dénomination de la chambre sur divers supports et de l’insertion de documents dans la malette des congressistes ; qu’aux termes de l’article IV, la CRAGE s’engage auprès de la FDSEA à lui verser la somme de 20 000 € en deux fois, 50 % le jour de la signature de la convention, et 50 % au plus le 5 avril 2019 ;

36. Attendu que la FDSEA a émis, le 3 mai 2019, une facture de 20 000 € à l’encontre de la CRAGE ; que cette facture a fait l’objet d’un paiement unique par mandat n° 1376 du 4 juin 2019, lequel mentionne comme compte d’imputation le compte 62888 « autres prestations extérieures diverses » ;

Sur le manquement

37. Attendu que le réquisitoire fait grief au comptable d’avoir procédé au paiement incriminé en l’absence d’une délibération de la chambre, réunie en session, ayant donné délégation au bureau pour attribuer la subvention, d’une délibération approuvant la signature du contrat (ou convention) de partenariat, et des pièces requises par la nomenclature en cas de dépenses payées dans le cadre d’un contrat de partenariat ;

38. Attendu que le comptable disposait, au moment du paiement, de la délibération n° 2016‑F1 du 15 décembre 2015 de la chambre, réunie en session, déléguant au bureau le pouvoir d’octroyer une subvention sans limite de montant ;

39. Attendu que, s’agissant de l’absence alléguée d’une délibération approuvant la signature du contrat (ou convention) de partenariat , aucune n’était nécessaire car les deux délibérations susmentionnées de la chambre, réunie en session, avaient donné pouvoir au président «  de conclure des contrats, conventions en dépenses et marchés d’un montant inférieur » à 300 000 € hors taxes (HT), en 2015, et 600 000 € HT en 2019 ;

40. Attendu, en ce qui concerne enfin les pièces requises à l’appui d’un contrat de partenariat, que le comptable disposait du compte-rendu de la réunion du bureau du 20 novembre 2018, valant décision d’attribution, de la convention de partenariat conclue le 25 janvier 2019, et de la facture du 3 mai 2019 ; que la « convention de partenariat » ne prévoyant ni cahier des charges, ni pièces justificatives particulières, le comptable n’avait pas à exiger d’autres pièces à l’appui du paiement ;

41. Attendu, en conséquence, qu’il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité du comptable à raison de la charge n° 2, soulevée à l’encontre de M. Y, au titre de l’exercice 2019 ;

Par ces motifs,

DÉCIDE :

En ce qui concerne Mme X

Au titre de l’exercice 2017 (charge n° 1)

Article 1 er . – Mme X est constituée débitrice de la chambre régionale d’agriculture Grand Est, au titre de la charge n° 1, pour la somme de 14 851 € augmentée des intérêts de droit à compter du 7 avril 2022.

Au titre de l’exercices 2018 (charge n° 1)

Article 2. – Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de la comptable, au titre de la charge n° 1, pour cet exercice.

En ce qui concerne M. Y

Au titre de l’exercice 2019 (charge n° 2)

Article 3. – Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité du comptable, au titre de la charge n° 2, pour cet exercice.

Décharge

Article 4. – Mme X est déchargée de sa gestion pour la période du 1 er  janvier 2018 au 1 er janvier 2019.

Article 5. – M. Y est déchargé de sa gestion pour la période du 2 janvier au 31 décembre 2019.

Sursis à décharge

Article 6. – La décharge de Mme X pour l’exercice 2017 ne pourra être donnée qu’après apurement du débet fixé ci-dessus.

Fait et jugé par Mme Michèle COUDURIER, présidente de section, présidente de la formation ; MM. Jaques BASSET, Paul de PUYLAROQUE et Patrick SITBON, conseillers maîtres.

En présence de Mme Nadine BESSON greffière de séance.

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous commissaires de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par

Nadine BESSON

Michèle COUDURIER

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.

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