Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 12 novembre 2020
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 12 novembre 2020
19-21.812, Publié au bulletin
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 12 novembre 2020
Cassation
sans renvoi
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1186 F-P+B+I
Pourvoi n° B 19-21.812
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 NOVEMBRE 2020
La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Languedoc-Roussillon, dont le siège est 29 cours Gambetta, CS 49001, 34068 Montpellier cedex 2, a formé le pourvoi n° B 19-21.812 contre l'arrêt rendu le 26 juin 2019 par la cour d'appel de Montpellier (4e B chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme M... D..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Taillandier-Thomas, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Languedoc-Roussillon, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme D..., et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Taillandier-Thomas, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 26 juin 2019), Mme D..., qui a épousé K... D..., décédé le 24 février 2013, à titre posthume, le 18 février 2017, a sollicité le 21 février 2017 auprès de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Languedoc-Roussillon (la caisse), l'attribution d'une pension de réversion du chef de ce dernier. La caisse ayant fixé la date d'entrée en jouissance de la pension au 1er mars 2017, elle a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. La caisse fait grief à l'arrêt de dire que Mme D... doit bénéficier de la pension de réversion du chef de son époux décédé à compter du 1er mars 2013, alors « qu'en cas de demande d'une pension de réversion, l'entrée en jouissance de cette pension ne peut être fixée à une date antérieure à celle du dépôt de la demande de liquidation ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats que Mme D... avait formulé sa demande de pension de réversion le 21 février 2017, la CARSAT ayant en conséquence accordé la pension de réversion à compter du 1er mars 2017 ; qu'en jugeant néanmoins que Mme D... devait bénéficier de la pension de réversion du chef de son époux décédé le 24 février 2013 à compter du 1er mars 2013, la cour d'appel a violé les articles L. 353-1 et R. 353-7 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 353-7 du code de la sécurité sociale :
3. Selon ce texte, la date d'entrée en jouissance de la pension de réversion ne peut pas être antérieure au dépôt de la demande ; toutefois, lorsque la demande est déposée dans le délai d'un an qui suit le décès, elle peut être fixée au plus tôt au premier jour du mois qui suit le décès de l'assuré.
4. Pour accueillir la demande de Mme D..., l'arrêt retient que cette dernière ne pouvait être veuve et solliciter une pension de réversion avant d'être épouse. Il ajoute que dans la mesure où les effets du mariage remontent à la date du jour précédant celui du décès de l'époux, soit le 23 février 2013, que la date du mariage du 18 février 2017 se substitue à celle du décès pour l'application des dispositions de l'article R. 353-7 du code de la sécurité sociale et que la demande de pension de réversion a été présentée le 6 avril 2017, soit moins d'une année après le mariage, la date d'entrée en jouissance de la pension doit être fixée, par confirmation de la décision déférée, au 1er mars 2013 et non au 1er mars 2017.
5. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la demande de pension de réversion avait été formulée plus d'un an après le décès de l'assuré, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
6. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
7. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
8. Il convient de débouter Mme D... de sa demande tendant à bénéficier de la pension de réversion du chef de son époux K... D... à compter du 1er mars 2013.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DÉBOUTE Mme D... de sa demande tendant à bénéficier de la pension de réversion du chef de son époux K... D... à compter du 1er mars 2013.
Condamne Mme D... aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Montpellier ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées tant devant la Cour de cassation que devant la cour d'appel de Montpellier ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Languedoc-Roussillon
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du 15 octobre 2018 du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de l'Hérault et, ce faisant, d'AVOIR dit que Mme D... doit bénéficier de la pension de réversion du chef de son époux K... D... décédé le 24/02/2013 à compter du 01/03/2013,
AUX MOTIFS QUE : « Vu les dispositions des articles R. 353-7 du code de la sécurité sociale et 171 du code civil ; le décès de M. K... D... intervient le 24 février 2013, le mariage posthume le 18 février 2017 et Mme M... D... née Q..., sous réserve des effets rétroactifs de ce type de mariage, ne pouvait être veuve et solliciter une pension de réversion avant d'être épouse. Dans la mesure où les effets du mariage remontent à la date du jour précédant celui du décès de l'époux (23 février 2013), que la date du mariage du 18 février 2017 se substitue à celle du décès pour l'application des dispositions de l'article R. 353-7 du code de la sécurité sociale et que la demande de pension de réversion a été présentée le 06 avril 2017 (soit moins d'une année après le mariage), la date d'entrée en jouissance de la pension doit être fixée, par confirmation de la décision déférée, au 1er mars 2013 et non au 1er mars 2017. »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « Sur ce : la réglementation : Aux termes des dispositions de l'article R. 353-7 du code de la sécurité sociale, le conjoint survivant indique la date à compter de laquelle il désire entrer en jouissance de la pension de réversion, sous réserve des conditions suivantes : 1° Cette date est nécessairement le premier jour d'un mois ; 2° Elle ne peut pas être antérieure au premier jour du mois suivant lequel il remplit la condition d'âge prévue à l'article L. 353-1 (en cas de décès de l'assuré le conjoint survivant a droit à une pension de réversion à partir d'un âge et dans des conditions déterminées par décret dont des conditions de ressources); 3° Elle ne peut pas être antérieure au dépôt de la demande. Toutefois : a) Lorsque la demande est déposée dans le délai d'un an qui suit le décès, la date d'entrée en jouissance peut être fixée au plus tôt au premier jour du mois qui suit le décès ; b) Lorsque la demande est déposée dans le délai d'un an suivant la période de douze mois écoulée depuis la disparition, la date d'entrée en jouissance peut être fixée au plus tôt au premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'assuré a disparu. La caisse chargée de la liquidation de la pension de réversion informe le demandeur de son droit à fixer une date d'entrée en jouissance de sa pension et s'il satisfait aux conditions mentionnées aux a ou b du 3°.A défaut d'exercice de ce droit, la date d'entrée en jouissance est fixée au premier jour du mois suivant la date de réception de la demande sous réserve de la condition mentionnée au 2° ; Au cas d'espèce, il apparaît qu'après plus de 32 ans de concubinage avec Madame Q..., Monsieur D... a décidé de régulariser la situation, après avoir obtenu le divorce d'avec son épouse Madame E..., par un jugement intervenu le 02/07/2012 mais frappé d'appel par cette dernière ; Monsieur D... est décédé le 24/02/2013 ; Madame Q... a formé une requête devant le Président de la République aux fins d'être autorisée à contracter un mariage posthume, une décision de rejet ayant été prise le 27/05/2014 au motif que Monsieur D... était toujours dans les liens de son mariage avec Madame E... au jour de son décès ce qui rendait impossible le mariage posthume ; par jugement du 08/10/2015, le Tribunal de Grande Instance de Montpellier, constatant qu'un arrêt du 26/02/2013 de la cour d'appel de Montpellier avait déclaré l'appel de Madame E... irrecevable pour défaut d'intérêt à agir sur le principe du divorce, a reçu le recours de Madame M... Q... à solliciter une autorisation de mariage posthume avec Monsieur K... D..., la cérémonie s'étant finalement déroulée le 18/02/2017 ; Madame Q... D... a déposé une demande de pension de réversion le délivrée le 21/02/2017 ; la Caisse d'Assurance Retraite et de la Santé au Travail du Languedoc-Roussillon a estimé devoir fixer au 1 mars 2017 la date d'entrée en jouissance de la prestation en indiquant qu'aucun élément du dossier n'autorisait un examen de droit à pension de réversion pour une date antérieure dans la mesure où l'intéressée ne s'était jamais manifestée auprès de ses services en vue d'obtenir le bénéfice de cette prestation avant le 21/02/2017 ; Madame Q... D... prétend qu'en raison du principe de rétroactivité de la date du mariage à la veille de la mort du prédécédé (article 171 du code civil) la prise d'effet de la pension de réversion du chef du prédécédé doit être fixée à cette date ; Elle fait valoir que la position de la Caisse d'Assurance Retraite et de la Santé au Travail méconnait la loi applicable dans la mesure en effet où, si on la suit, elle aurait dû présenter sa demande la veille du décès de Monsieur O... D... alors qu'elle ne sera autorisée à célébrer le mariage posthume que bien plus tard ; le Tribunal observe que la pension de réversion n'est ouverte que sous certaines conditions notamment de ressources lesquelles semblent au cas d'espèce parfaitement remplies, la Caisse d'Assurance Retraite et de la Santé au Travail invoquant une disposition du Code de la sécurité sociale lui imposant de prendre en compte, pour fixer une date d'entrée en jouissance de la prestation la date du dépôt de la demande. Or, on se trouve ici dans la situation d'un mariage posthume dont les effets remontent à la date du jour précédant celui du décès de l'époux (article 171 du code civil), la Cour de cassation ayant été amenée notamment à considérer que « la date du mariage posthume se substituait à celle du décès pour le calcul de la durée de versement de l'allocation de veuvage » (Cass. Soc. 15/02/2001) ; Dans le cas d'espèce, comme elle le fait observer à bon droit, Madame D... était dans l'incapacité de déposer une demande de pension de réversion avant que son autorisation de mariage posthume avec Monsieur D... soit reconnue par le Tribunal de Grande Instance de Montpellier, après le refus du Président de la République, le mariage s'étant finalement déroulé le 18/02/2017 et Madame D... ayant sollicité la caisse pour présenter une demande de pension de réversion dès le 21/02/2017, demande déposée deux mois plus tard ; Il s'ensuit que c'est à bon droit qu'elle sollicite aujourd'hui que les effets de la pension de réversion du chef de son époux, décédé le 23/02/2013, prenne effet à compter du 01/03/2013 »
1/ ALORS QU'en cas de demande d'une pension de réversion, l'entrée en jouissance de cette pension ne peut être fixée à une date antérieure à celle du dépôt de demande de liquidation ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats que Mme D... avait formulé sa demande de pension de réversion le 21 février 2017, la CARSAT ayant en conséquence accordé la pension de réversion à compter du 1er mars 2017 ; qu'en jugeant néanmoins que Mme D... devait bénéficier de la pension de réversion du chef de son époux décédé le 24 février 2013 à compter du 1er mars 2013, la cour d'appel a violé les articles L. 353-1 et R. 353-7 du code de la sécurité sociale,
2/ ALORS QUE, en tout état de cause, en cas de mariage posthume, sa date se substitue à celle du décès pour la détermination de l'entrée en jouissance de la pension de réversion ; qu'en jugeant que les effets d'un mariage posthume remontant à la date du jour précédant celui du décès de l'époux, il en résulte que la pension de réversion de Mme D... du chef de son époux décédé le 23 février 2013 devait prendre effet à compter du 1er mars 2013, et non du 18 février 2017 date du mariage posthume, la cour d'appel a violé les articles L. 353-1 et R. 353-7 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 171 du code civil.
3/ ALORS QU'en toute hypothèse, la force majeure qui empêche la prescription de courir suppose un évènement extérieur, irrésistible et imprévisible mettant les créanciers dans l'impossibilité d'agir ; qu'en ne constatant pas en fait que les conditions de la force majeure étaient réunies et que Mme D... était dans l'impossibilité de demander au moins à titre conservatoire le versement de sa pension de réversion dans le délai d'un an du décès de son mari, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2234 du Code Civil. ECLI:FR:CCASS:2020:C201186
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